8 questions : éclairage en architecture à Vincent Laganier
8 questions sur l’éclairage en architecture à Vincent Laganier dans le BMP – Bâtimédia des Prescripteurs.
- Quelle est l'importance de l'éclairage dans les projets d'architecture ?
- Quelle sont les contraintes de l'éclairage en architecture ?
- Comment s'inscrivent les usages dans l'éclairage ?
- Quelle serait la variation de lumière artificielle idéale ?
- Aujourd'hui l'impact sur la santé c'est un phénomène nouveau pris en compte ?
- Le bien-être une nouvelle donne pour les architectes ?
- Les architectes s'entourent-ils suffisamment de spécialistes sur ces questions de lumière ?
- Quelles sont les tendances ?
- En savoir plus
- Commentaires
Quelle est l’importance de l’éclairage dans les projets d’architecture ?
Vincent Laganier : Une des principales problématiques qui se posent aux architectes, c’est l’ambiance. Comment écrire une atmosphère, un lieu où il fait bon vivre, où bien, un lieu où l’on ne fait que passer ? Comment trouver la lumière qui va créer de l’émotion au niveau de son bâtiment ?
Pour cela, l’architecte va faire appel à un concepteur lumière ou à un éclairagiste. Il va missionner ce professionnel en cotraitant ou en sous-traitant pour concevoir ces ambiances. Par exemple, dans les espaces d’accueil et les espace d’échanges, c’est l’approche principale de l’éclairage architectural. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du lieu, déterminer quelle va être la lumière qui doit être créée de manière à ce qu’elle soit la plus fidèle aux souhaits décrits par l’architecte.
Quelle sont les contraintes de l’éclairage en architecture ?
Vincent Laganier : Dans les contraintes qui se posent à l’heure actuelle, celles-ci vont être principalement d’ordre énergétique. Comment trouver une solution qui soit à la fois moins coûteuse en terme de consommation électrique et qui soit la plus efficace dans le temps ? C’est un élément à prendre en compte et qui a beaucoup de conséquences sur l’ensemble de la construction. Par exemple, avant l’architecte était plus dans le faire paraître et rendre un bâtiment agréable. Aujourd’hui, il a beaucoup plus de paramètres techniques à prendre en compte comme l’éco-design et le cycle de vie du bâtiment. La lumière artificielle en architecture, ce sera le rôle du concepteur lumière pour mettre en valeur et créer l’ambiance.
Pour ce qui est de la lumière naturelle, c’est un savoir-faire qu’ont les architectes, que certains appliquent à la lettre et d’autres non. Il y a beaucoup de règles de bon sens, comme orienter un bâtiment au soleil, qui sont présentes depuis la RT2012 (et qui est encore plus exigeante dans la réglementation thermique actuellement avec l’habitat passif, voire le bâtiment à énergie positive). Il convient donc de bien combiner la position des baies et la taille des ouvertures au maximum par rapport au site en architecture. Aujourd’hui, on est dans une situation de changement climatique et le Bâtiment doit tenir compte de ces paramètres dans le projet.
Comment s’inscrivent les usages dans l’éclairage ?
Vincent Laganier : En fonction des usages, le besoin de lumière et d’éclairage ne va pas être le même. Chaque manière d’utiliser la lumière va renvoyer à des conditions de vision pour la personne. Ces conditions de vision vont déterminer en fait, quels sont les paramètres d’éclairage en terme de températures de couleurs, de rendu des couleurs ou de densité lumineuse. Les choix vont être différents par exemple pour les espaces intérieurs selon l’usage du lieu et le moment de la journée.
En Europe, on utilise souvent du 3000 Kelvin ; c’est la température de couleur blanche neutre. Il a aussi du 4000 Kelvin qui sont plus froid en terme de teinte ; c’est le blanc industrie qui est plus proche de la teinte de la lumière du jour. Une lumière froide par exemple va vous inciter à travailler.
Des produits sont apparus sur le marché qui inclut deux tubes fluorescents ou deux réglettes à LED à l’intérieur de l’appareil : un blanc froid et un blanc chaud. Vous allez donc avoir en utilisant ce type de produit, une variation très lente de la teinte de la lumière programmée et qui va suivre votre rythme circadien, c’est-à-dire du calage de notre rythme biologique à une période proche de 24h.
Quelle serait la variation de lumière artificielle idéale ?
Vincent Laganier : Plus vous avez une lumière froide le matin, plus vous stimuler votre activité à la tâche que vous effectuez. Si vous avez une lumière chaude, cela va au contraire moins vous stimuler intellectuellement parlant. Selon le principe de la vision, l’œil n’est qu’un capteur du visible. C’est le cerveau qui va enregistrer et qui traite toutes les données du champ visuel. Il va vous donner envie de travailler ou au contraire envie de sommeiller sur votre tâche.
Les rythmes sont assez simples, le matin, c’est la lumière froide, voire très froide. Certain scientifique suggère de mettre du bleu très froid, (éventuellement pour une salle de classe cela pourrait être envisageable) puis ça se réchauffe à midi vers les 3000 Kelvin à l’heure du déjeuner, ensuite on a besoin d’une lumière froide pour éviter la sieste juste après manger, pour pouvoir retravailler de suite et en fin de journée on a besoin d’une ambiance plutôt chaude.
Au moment où l’on va dans la chambre se coucher, là on a besoin d’avoir peu de lumière, à la fois en terme de quantité et une teinte chaude de lumière, voire orangée. Il ne faut surtout pas avoir des lumières froides qui envoient inconsciemment à notre cerveau le message : c’est le jour, la lumière du soleil est là ! Si on a une lumière froide dans la chambre à coucher avant de s’endormir, on va retarder le moment de l’endormissement de ½ heure à 1h environ d’après le Professeur chronobiologiste Claude Gronfier qui travaille à l’INSERM de Lyon sur ces questions de lumière, rythmes et sommeil.
Aujourd’hui l’impact sur la santé c’est un phénomène nouveau pris en compte ?
Vincent Laganier : Pris en compte oui, par les architectes oui et non. C’est plutôt des spécialistes, comme les concepteurs lumière et les éclairagistes qui prennent en charge ces nouveaux aspects. Ces professionnels ont une bonne connaissance de l’impact de la lumière sur la santé.
En école d’architecture, ce n’est malheureusement pas un sujet développé. Le bien-être est très peu présent dans les formations initiales ou l’on pose plutôt les bases de la démarche de la conception architecturale et des techniques constructives.
Par conséquence, sauf si on construit un Spa ou un centre médical, l’aspect de bien-être est très peu présent dans les projets d’architecture, sauf si les architectes y sont sensibilisés et ont des connaissances sur le sujet. Dans ce cas, ils pourront alors faire des choix judicieux et originaux dans leurs projets.
Le bien-être une nouvelle donne pour les architectes ?
Vincent Laganier : La RT2020 va permettre de faire avancer les choses et une prise de conscience sur l’impact de la lumière du jour par rapport à la lumière artificielle.
Peu de professionnels, hors du champ de l’éclairage savent évaluer la qualité de la lumière sous les aspects de la couleur et de perception de la source. Les connaissances qui sont données dans les écoles ne sont pas suffisantes pour que les professionnels en question (architectes et architectes d’intérieur) s’en préoccupent vraiment.
Pour ceux qui ont des connaissances fortes sur le sujet, la lumière est dans ce cas, partie prenante du projet. Pour les autres professionnels, hélas, très souvent ils n’en tiennent pas compte malheureusement.
Les architectes s’entourent-ils suffisamment de spécialistes sur ces questions de lumière ?
Vincent Laganier : C’est très variable d’un projet à l’autre. Il y a de grands architectes comme Renzo Piano qui travaille avec l’agence de concepteurs lumière Cosil depuis plusieurs années. Il y a aussi de grands cabinets de concepteurs lumière, comme 8’18 » et ON à Paris, ou bien, Les éclaireurs à Lyon qui travaillent avec des architectes sur des espaces intérieurs ; c’est comme des couples d’amis qui travaillent ensemble de projet en projet.
Pour les musées et les commerces, il y a des agences qui travaillent avec des architectes d’intérieur et des scénographes comme ACL, Ponctuelle, Voyons Voir.
Mais dans les marchés publics, la lumière n’est pas un lot à part entière. Il est actuellement rattaché au lot électricité. Je pense que la profession d’architecte et d’architecte d’intérieur n’a pas assez de connaissance en matière de lumière et d’éclairage pour exiger que cela change, surtout pour garantir la meilleure perception de leurs œuvres.
Pour la lumière artificielle, comme on est sur du second œuvre qui est rajouté dans le projet, principalement au plafond et dans les murs, la proportion des architectes qui font appel à un professionnel de l’éclairage est relativement faible.
On peut espérer que cela changera avec l’émergence de formation initiale spécifique en éclairage comme le DPEA scénographe mention lumière ENSA Nantes !
Quelles sont les tendances ?
Vincent Laganier : Pour l’extérieur d’un bâtiment, une des grandes tendances est d’éclairer là où il faut et d’avoir un éclairage efficace. Comment faire pour avoir un éclairage efficace ? C’est là ou se pose la différence de pratique entre un ingénieur et un créatif. Un créatif aura tendance à laisser de l’ombre et un ingénieur aura tendance à faire un éclairage uniforme. Je vous invite à consulter le manifeste des concepteurs lumière à ce sujet.
Très important pour les autres métiers de la chaîne, comme les collectivités territoriales et locales, la donne est un peu différente avec la baisse des marchés publics ces dernières années. Certains professionnels seront plus orientés sur les questions énergétiques dans le but de gagner des marchés, on ne peut que le regretter.
Les tendances technologiques, tel l’usage des LED, s’est déplacé de l’extérieur à l’intérieur pour les bâtiments neufs comme pour la rénovation. Il faut avoir une approche plus globale, ne pas regarder seulement l’appareil d’éclairage et la lampe.
Autrefois, on choisissait une lampe avec un culot. Aujourd’hui, l’usager souhaite pouvoir changer son éclairage, dans l’habitat ou au bureau. Si on est seul ou avec du monde, on doit pouvoir changer son éclairage, créer une ambiance festive ou déco.
Au niveau technologique, la tendance est d’avoir un système de pilotage d’appareils d’éclairage. Il y a plus de préoccupation sur des solutions plus chères, plus de flexibilité, en terme d’interface, car on laisse des choix. Ces changements peuvent perturber un architecte ou un designer car d’habitude le choix de l’ambiance, c’est lui qui le fait. Comme il y a des espaces plus flexibles dans l’espace ou dans le temps, mais ce n’est pas la majorité.
Il y a l’école maternelle Jean Carrière qui a été réalisée à Nîmes en tenant compte des cycles circadiens par le concepteur lumière Lucas Goy, Les éclaireurs, avec l’architecte lyonnais, Max Rolland, de Tectoniques. Cette école est une belle réalisation, une collaboration professionnelle réussie qui s’est développé depuis le début du projet d’architecture.
Selon les types de projets, il ne faut pas hésiter à faire appel à un professionnel de l’éclairage pour que les ambiances soient les mieux réalisées possibles. En faisant appel à un concepteur lumière dès le concours, l’architecte fera des économies sur le projet car les choix cohérents avec l’architecture seront faits au moment de la conception pour le confort des usagers.
Propos recueillis par Xavier Gallin, journaliste.
Article paru dans : Le BMP – Bâtimédia des Prescripteurs – dossier éclairage, novembre 2016, Batimedianews
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Lieu
- Bâtimédia
- Buc, France