Ajustements écologiques des habitants en éclairage public
L’innovation dans le domaine de l’éclairage : plus que jamais nécessaire. Tel est le titre d’un article du magazine Cities & Lighting n°10 de l’association LUCI. Il se penche sur quelques projets d’éclairage innovants dans les parcs publics. Comment équilibrer les besoins des personnes qui utilisent les parcs, tout en minimisant la lumière ? La pollution lumineuse est un défi complexe que certaines villes cherchent à relever. Extrait de l’approche expérimentale de la ville d’Eindhoven aux Pays-Bas.
Esquisse de lumière par les habitants
Le concepteur lumière, artiste et chercheur Philip Ross a imaginé comment l’éclairage intelligent peut être utilisé. Objectif : donner à l’éclairage d’un parc plus de sens, et en même temps, être moins impactant sur le plan écologique. Le tout, entre les mains et pour les habitants locaux.
Au cœur de la méthodologie de Ross se trouve le « Light Sketching », en français, esquisse de lumière. Équipés d’une tablette, les résidents ont le contrôle de la lumière intelligente à LED conçues sur mesure, avec des possibilités avancées de couleur et de distribution lumineuse de l’éclairage. Les gens sont invités à créer leur propre système d’éclairage pour un espace vert. Les possibilités d’éclairage des résidents ont varié d’une lumière colorée à très tamisée jusqu’à faiblement éclairée. Cette dernière a été choisie spécialement pour éviter d’exercer une pression excessive sur les arbres.
Ajustements écologiques de l’éclairage public
Le projet applique la méthodologie du scientifique Travis Longcore, qui a mis au point un moyen mathématique de quantifier l’impact de la lumière sur des animaux précis. Ross apporte des ajustements spectraux aux esquisses lumineuses des participants afin de minimiser l’impact sur les animaux locaux.
« Toutes les créatures ne perçoivent pas les couleurs claires comme les autres espèces. En intégrant les connaissances scientifiques sur la sensibilité des animaux aux couleurs dans le système « Light Sketching », nous donnons aux animaux une voix dans le processus de conception lumière. Par exemple, nous pouvons réduire progressivement les composantes bleue et verte de la lumière. Ainsi, il est possible de quantifier directement comment ces ajustements diminuent l’impact sur les chauves-souris ou d’autres animaux de la liste rouge. »
Philip Ross, concepteur lumière, artiste et chercheur
En fonction du contexte, l’ajustement écologique de la lumière permet aux gens de réagir directement. Elle stimule un dialogue entre l’homme et la nature. Ross ajoute que « la méthodologie du Light Sketching favorise la participation des citoyens. Elle fournit des informations riches qui sont ensuite traduites dans la conception lumière finale du parc. Eindhoven est actuellement en train de réaliser le premier éclairage de parc basé sur cette méthodologie. »
« En intégrant les connaissances scientifiques sur la sensibilité des animaux aux couleurs dans le système « Light Sketching », nous donnons aux animaux une voix dans le processus de conception lumière. »
En ce qui concerne ces expériences, Ross note qu’après des ajustements écologiques, les esquisses lumineuses des gens peuvent utiliser moins d’énergie et obtenir un score inférieur à celui de l’éclairage courant du parc. « En même temps, les gens sont beaucoup plus satisfaits de l’environnement parce qu’ils ont une meilleure vue d’ensemble et peuvent profiter de ses qualités naturelles », dit-il. « Une situation gagnant-gagnant est donc possible lorsque vous utilisez la lumière, avec toutes ses possibilités modernes, pour permettre un dialogue créatif entre l’homme et la nature. »
Étapes du processus de mise au point écologique
Esquisse de lumière de départ
Cette première image montre le croquis de départ d’une femme âgée vivant près du parc. Ce croquis lumineux a un impact écologique environ 5 fois supérieur à celui de l’éclairage d’origine du parc (voir photo ci-dessus). Notez que l’éclairage initial du parc était très sombre pour décourager l’utilisation du parc la nuit.
Version atténuée pour tester l’acceptation de niveaux d’éclairage plus faibles
La première étape de la réduction de l’impact écologique consiste à réduire l’intensité lumineuse globale. Ici, l’intensité lumineuse globale a été réduite à 30 % par rapport à l’esquisse lumineuse de départ. Le participant était d’accord avec ce niveau d’éclairage inférieur. Cette étape permet déjà de réduire l’impact écologique de 70 %.
Composition spectrale alternative (Métamérisme)
Ici, les couleurs dites « métamères » ont été utilisées pour réduire l’impact écologique. Les couleurs sont perçues comme similaires pour l’œil humain, mais construites d’une manière différente. La lumière blanche chaud des LED blanches a été remplacée par une lumière blanche chaud produite par des LED rouges, vertes et bleues.
- Les LED blanches ont un spectre continu. Il se chevauchent beaucoup avec les courbes de sensibilité oculaire des animaux.
- Les LED rouges, vertes et bleues ne créent que des pics étroits dans le spectre. Il entraîne moins de chevauchement avec les courbes de sensibilité oculaire des animaux sélectionnés dans le parc. De cette façon, l’impact écologique a été réduit d’environ moitié, alors que le participant n’a même pas pu remarquer la différence.
Le revers de la médaille, c’est qu’il faut un peu plus d’énergie pour créer les mêmes couleurs comme celle-ci, mais toujours beaucoup moins que l’éclairage d’origine du parc.
Diminution des composantes bleues et vertes
Dans ce scénario, l’intensité des LED bleues a été réduite à zéro et l’intensité de la LED verte a diminué d’environ 50 %. Les couleurs générales deviennent plus rougeâtres/orangés. Ce réglage au rouge a été arrêté au point qui était encore acceptable pour le participant. Dans ce contexte, l’impact écologique calculé était d’environ la moitié de l’impact de la situation d’origine (très sombre), tandis que le système d’éclairage a été perçu comme plus agréable et plus accueillant que le système d’éclairage original du parc.
Soutiens
Partage de connaissances
- Travis Longcore
- Scientifique de l’environnement et défenseur travaillant sur la gestion, l’intendance et la conception écologique, UCLA Institute of the Environment and Sustainability.
- Directeur scientifique de l’association The Urban Wildlands Group
- Benjamin Backx
- Spécialiste de l’écologie, Eco Assist
Participants
- pour leur contribution
Source : article en anglais » Innovation in lighting: needed more than ever ».
- Extrait du magazine : City & Lighting, n°10, association LUCI.
- Traduction en français : Vincent Laganier.
Approfondir le sujet
- Transition chromatique exploratoire au jardin botanique de Nantes
- Jardin de la maison Shakespeare’s New Place par Speirs + Major
- Cities & Lighting n°10, éclairage des parcs urbains, sommaire du magazine LUCI
- Philip R Ross et Niek Rutten, Light Sketching for Ecology: A cooperative design tool for balancing human experience and ecological impact, LIGHT symposium 2 (an anglais)
Photo en tête de l’article : Light Skeching, esquisse de lumière avec les habitants – Concepteur lumière, chercheur : Philip Ross – Éclairage public du parc, Eindhoven, Pays-Bas © Bart van Overbeeke
Livres
Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, un livre collector
Le phénomène éclairage a vécu une mutation. Ville, architecture, conception lumière, pollution lumineuse... Qu'en sera-t-il demain ? |
Éclairer l'espace public et le paysage, de Roger Narboni
Nouvelles pratiques face aux enjeux environnementaux et sociétaux. Éclairer l'espace public et le paysage, le nouveau livre de Roger Narboni. |
Éclairage des espaces extérieurs, de Roger Couillet, 2e éd.
Projet, installation, maintenance, coût. Guide de synthèse de toutes les dispositions constructives des installations en éclairage des espaces extérieurs. |
Lieu
- Genève, Suisse