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Applications luxmètre pour smartphone, ceci n’est pas du luxe

Les applications luxmètre pour smartphone permettent-elles des mesures fiables ou sont-elles des gadgets inutiles ? Eléments de réponse et tests simples.
5 septembre 2019




Depuis longtemps, les smartphones ne servent pas qu’à téléphoner. Équipés de capteurs – GPS, gyroscope, caméras – ils peuvent se transformer en instruments de mesure. De nombreuses applications promettent ainsi d’avoir un luxmètre incorporé… gratuitement ! Peut-on espérer avoir des mesures aussi fiables qu’avec un appareil dédié de plusieurs centaines d’euros ?

 

 

Qu’est-ce qu’un luxmètre ?

Un luxmètre mesure un éclairement en lux, c’est-à-dire un flux de lumière par unité de surface. Comme pour tout instrument de mesure, le prix d’un luxmètre (jusqu’à plus de 1000€ pour les marques les plus réputées) dépend beaucoup de la qualité de l’étalonnage. Si les applications luxmètre des smartphones sont gratuites, c’est qu’elles ne délivrent pas de certificat d’étalonnage qui permettrait de quantifier et garantir les incertitudes de mesure. Cette différence est fondamentale et rend la comparaison délicate.

Il est toutefois intéressant d’indiquer la précision d’un luxmètre, pas du tout chirurgicale, des appareils commerciaux : +/- 2% pour les meilleurs appareils. Ainsi une valeur affichée de 500 lux est à interpréter comme étant comprise entre 490 et 510 lux. Est-ce que les applications sur smartphone permettent d’atteindre une telle précision ?

Extrait des caractéristiques du luxmètre Minolta T-10A – Données constructeur Minolta

Modèle Luxmètre T-10A
Type Luxmètre numérique avec détecteur de mesure séparable
Classe d’instrument

Conforme aux exigences Classe AA de JIS C 1609-1: 2006 « Illuminance meters Part 1: General measuring instruments »

Conforme aux exigences de DIN 5032 Part 7 Classe B

Détecteur Photodiode au silicium
Réponse spectrale relative Inférieure à 6% (f1´) de la courbe d’efficacité lumineuse V (λ) définie par la CIE
Correction cosinus Inférieure à ±1% à 10° ; Inférieure à ±2% à 30° ; Inférieure à ±6% à 50° ; Inférieure à ±7% à 60° ; Inférieure à ±25% à 80°
Expression des résultats Lux (lx) or foot candle (fcd) (commutable)
Echelle de mesure Echelle automatique (5 échelles manuelles lors de la sortie de données analogique)
Gamme de mesure Éclairement : 0.01 à 299 900 lx (0.001 à 29 990 fcd)
Calibrage personnalisé Facteur de correction CCF (Color Correction Factor)
Précision ±2% ±1 chiffre de la valeur affichée
Influence de la température Inférieure à ±3%

Mieux vaut un smartphone récent

L’obtention de l’éclairement diffère selon les marques de téléphone. Pour les téléphones avec le système d’exploitation Android, type smartphone, comme ceux de la marque Samsung que nous avons testés, les applications luxmètre se contentent d’afficher la valeur donnée par le capteur de luminosité en face avant.

Les applications ne font donc rien à l’affaire : la différence n’intervient que dans l’affichage et dans la possibilité de « calibrer » la mesure en proposant de multiplier la valeur affichée par un simple facteur. Ce qui est essentiel n’est donc pas l’application mais le type de téléphone. Fabriqués en série, on peut espérer que les capteurs de luminosité donnent des mesures proches pour des smartphones de la même gamme. En revanche, les différences vont être importantes en fonction de l’ancienneté du téléphone, en particulier concernant la sensibilité aux faibles éclairements. A titre d’exemple, l’éclairement minimal détectable était d’environ 6 lux pour la tablette T10-1 en 2011 et de 1 lux pour le téléphone S9 en 2018.

 

 

 

Un luxmètre correct en éclairage frontal

Dans ce premier test, nous éclairons un téléphone Samsung A8 frontalement par un projecteur halogène gradable et comparons avec les valeurs données par un luxmètre Minolta T10-A. Les écarts sont de l’ordre de 15% voire plus pour les plus faibles éclairements. Ces résultats peuvent paraître médiocres, ils sont suffisants dans la plupart des cas lorsqu’il s’agit de quantifier grossièrement des éclairements à partir d’un smartphone. Il faut souligner la bonne linéarité du capteur de luminosité sur une large gamme d’éclairements : lorsque le flux de la source est multiplié par deux, il en est de même de l’éclairement mesuré.

Comparaison des valeurs d’éclairement pour un éclairage frontal : téléphone Samsung A8 et luxmètre Minolta T-10A (mesures : Alexandre Schreiber et Martin Barrientos, étudiants à l’Ensatt)

Sensibilité spectrale du capteur

Le lux est une unité photométrique qui tient compte de la vision d’un œil humain, ou plus précisément de « l’observateur standard », défini par la Commission Internationale de l’Eclairage en 1931. Un photodétecteur a généralement un domaine spectral de sensibilité beaucoup plus large que l’œil humain. Une photodiode en silicium permet par exemple de détecter du rayonnement infrarouge contrairement à l’homme. Pour remédier à ce problème, les luxmètres sont corrigés spectralement à l’aide de filtres colorés. Pour les smartphones, les fabricants ne fournissent malheureusement pas la sensibilité spectrale de leurs capteurs… Et mener une caractérisation spectrale complète serait fastidieux.

 

 

Pour ce test, nous utilisons un projecteur LED RGB. Quand les trois canaux sont allumés (lumière blanche), la tablette et le luxmètre donnent la même valeur. Nous allumons ensuite chaque groupe de LED, rouge, vert, bleu, séparément. Par comparaison avec le luxmètre étalonné, nous montrons que si le rouge est détecté correctement, le capteur de la tablette est beaucoup plus sensible aux rayonnements bleus et un peu moins aux rayonnements verts qu’un être humain. Ces tendances se vérifient pour l’ensemble des smartphones testés avec des applications luxmètre. Ainsi, sauf pour des lumières rouges, les téléphones ne sont pas fiables pour mesurer des éclairements en lumière colorée. En lumière blanche, les résultats sont davantage acceptables car les défauts de sensibilité spectrale se compensent partiellement.

Sensibilité spectrale relative du luxmètre Minolta T-10A (supposée identique à celle de l’observateur standard, CIE1931) et de la tablette T10-1 pour trois groupes de LED, rouge, vert, bleu

Correction cosinus de l’éclairement

Quand la lumière arrive de manière oblique sur une surface, l’éclairement varie avec le cosinus de l’angle entre la direction d’illumination et la normale de la surface. Afin que cette loi de la photométrie soit vérifiée, les luxmètres sont « corrigés en cosinus ». En pratique, il s’agit de placer un diffuseur, parfois de forme hémisphérique, devant le photodétecteur. Or les smartphones n’ayant pas cette correction, les résultats sont catastrophiques dès que la lumière incidente est un peu oblique.

Dans le test suivant, le capteur (luxmètre ou tablette) est placé sur une platine de rotation et est éclairé par un projecteur fixe. Nous montrons que l’écart avec le cosinus est très important et que la valeur détectée s’effondre même au-delà de 45°. Ceci s’explique par un effet d’ombrage sur le capteur situé légèrement en retrait de la surface extérieure de la tablette. Les résultats sont à peine meilleurs avec des smartphones plus récents. Pour les installations usuelles d’éclairage intérieur ou public, les applications smartphone vont sous-estimer, parfois fortement, les éclairements car la lumière peut arriver de manière assez oblique.

Variation de l’éclairement relatif en fonction de l’angle d’illumination pour le luxmètre Minolta T-10A et la tablette T10-1. La réponse idéale est en cosinus

Pour corriger ce défaut majeur des applications luxmètre, il faut placer un diffuseur, comme une feuille translucide devant le capteur de luminosité, ou acheter un dôme diffusant spécifique conçu pour cet usage en luxmètre. La perte de flux qui en résulte devra être compensée par calibration sur l’application ce qui pose problème pour la détection des faibles éclairements, déjà médiocre sans le diffuseur.

Dôme diffusant spécifique pour téléphone mobile en luxmètre © Luxi For All

Images tête de l’article : captures d’écran d’application Luxmètre sur smartphone Android, de gauche à droite © Light Meter, Luxmeter, Lux Light Meter, Smart Luxmeter

Conclusions de nos tests

Dans quels cas pouvez-vous raisonnablement utiliser votre smartphone avec des applications luxmètre ? Quand votre téléphone est récent, que l’éclairage est plutôt blanc, peu chromatique, et pour des niveaux d’éclairement pas trop faibles (>100 lux). L’application d’un diffuseur devant le capteur est en outre indispensable. Enfin, si toutes ces conditions sont réunies, il parait difficile d’espérer des incertitudes meilleures que +/-20 %… Pas terrible mais c’est gratuit !

Et vous, que pensez-vous des applications luxmètre ?

 

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Sujets App Éclairement Lumière Éclairage
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Source Lionel Simonot
Thèmes Technologie Produit Articles Technique Scientifique Média Application
Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
    • Le système LuMu est très intéressant : c’est un capteur-luxmètre qui se branche sur un smartphone.
      Mais c’est très différent d’une application Luxmètre pour smartphone. D’une part, il n’est pas du tout gratuit (plusieurs centaines d’euros) ! Et il n’utilise pas de capteurs déjà installés dans le smartphone. On peut dire que LuMu est plus comparable en terme de performances à un luxmètre traditionnel, en ayant l’avantage d’être plus facilement portable (plus de problème de piles à changer !) et sans doute un peu moins cher car l’interface est assurée par une simple application smartphone.

  • Bonjour et merci pour cet article plutôt intéressant !

    J’ai récemment téléchargé une application luxmètre (celle en noir et jaune sur vos captures) sur mon Note 9, soit un smartphone haut de gamme récent, mais je comprends bien la limite d’un tel appareil par rapport à un vrai luxmètre étalloné.

    Cependant, je l’ai acheté dans un but tout bête : trouver le meilleur endroit pour mes orchidées dans ma maison…

    J’ai une maison exposée nord et proche de la baie vitrée sur le tabouret de mon orchidée, mon téléphone indique entre 5000 et 6000 lux.

    Si je mets mon téléphone dehors en face du soleil il trouve à peu près 10 000 lux.

    J’ai acheté une lampe à led horticole rouge et bleu, et j’ai voulu tester avec l’appli luxmètre, et elle indique à peine 3000 lux, j’ai été assez surpris par l’inefficacité de la lampe puis j’ai cherché sur la toile pour voir si cela venait du fait que ce soit des led colorées, et si je comprends l’article, c’est le cas, j’ai bien compris ?

    Bon j’imagine que vous ne pourrez pas me dire si ma lampe est efficace ou non en jardinage ^^ Mais j’aurais au moins cet élément de réponse sur la supposée très faible luminosité de celle-ci vis à vis de ce que me dit l’appli…

    Merci et site très intéressant 🙂

    • Merci pour votre message.
      Les plantes ont une « sensibilité spectrale » différente de celle de l’oeil humain. Autrement dit, l’éclairement en lux n’est pas la bonne mesure. Je vous renvoie sur ce sujet à cet article de Thomas Merelle dans Light Zoom Lumière : https://www.lightzoomlumiere.fr/article/mesure-performances-de-led-horticulture/
      Pour un éclairage « blanc », peut-être qu’une conversion par un simple facteur multiplicatif pourrait convenir mais pour un éclairage coloré comme celui avec les LED bleus et rouges, ce serait très hasardeux… sans parler des détecteurs de luminosité des smartphones pas très fiables dès que l’éclairement est coloré.
      En conclusion, vous n’avez pas vraiment la possibilité de quantifier l’apport en lumière « utile » pour vos plantes (sauf si vous avez un spectrophotomètre)…
      Par ailleurs, n’oubliez pas que l’éclairement suit la loi du « carré inverse » : vous multipliez par 4 l’éclairement en divisant par 2 la distance entre la source et la plante.

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