Colorimétrie : que cache la science des couleurs ?
La colorimétrie vise à répondre un problème simple. Pour les couleurs de l’arc en ciel, il est facile d’associer une couleur saturée à une longueur d’onde. Mais, par exemple pour le beige, le marron et le « joli mauve de cette étoffe », tout devient plus complexe.
Qu’est-ce que la couleur et la colorimétrie ?
La « couleur » n’est pas une grandeur exacte. C’est une impression physiologique. Par exemple la couleur « beige » peut dépendre de nombreux spectres optiques, tous différents.
Pour un scientifique, la colorimétrie est une activité assez déroutante. L’ensemble des chiffres, métriques et méthodes sont basés sur la perception, et pour une grand partie la perception d’une seule personne en 1942.
Et la définition d’une science étant qu’on puisse prouver qu’une conclusion est fausse, en réalité ce n’en est pas une (au sens strict). Mais elle est tout de même très utile et incontournable. Et c’est une « science » en constant renouvellement, que je recommande à tous les matheux parmi les lecteurs.
Dr Judd et le diagramme de chromaticité
Le véritable départ de la colorimétrie date de la publication en 1936 de la CIE par le Dr Judd, et l’établissement normatif du postulat que toutes les couleurs sont des mélanges de trois grandeurs fondamentales, X,Y,Z qu’on appelle les « bases trichromatiques » (tri-stimulus values en anglais). De ce point, on peut quantifier une couleur.
David MacAdam & Mr Nutting
Mais notre Albert Einstein (ou notre Shuji Nakamura), pour nous autres experts de la couleur, s’appelle David MacAdam. Il est célèbre pour avoir abordé la question en 1942 :
« Quand pouvons-nous dire que deux couleurs sont identiques ? »
MacAdam
MacAdam a monté une expérience incroyablement ingénieuse pour les mécaniques et optiques de l’époque dans laquelle l’utilisateur modifie la couleur d’une source jusqu’à obtenir le « même rendu perçu » qu’une autre source de référence (en anglais, Just Noticeable Differences, JND). Le résultat ci-dessous représente ces frontières entre les références et les sources (agrandi 10 fois sur le schéma pour les rendre visibles).
A noter que nos « ellipses de MacAdam » pourraient également être nommées « ellipses de Nutting ».
« Mr Perley G. Nutting junior, pour son intérêt et sa patience est reconnu ici avec gratitude et admiration, qui a réalisé près de 25000 tests… »
Extrait(traduit) de « Visual Differences in Daylight, 1942 » MacAdam. Merci Mr Nutting !
Sans rentrer dans le détail technique, on établit ainsi des zones où l’on peut considérer que les couleurs sont « perçues identiques ».
On peut aussi prévoir quelques débats d’opinion sur les valeurs limites, l’ensemble de la colorimétrie utilisant toujours les valeurs d’un seul observateur à Philadelphie en 1941… En pratique, l’étude des limites du système colorimétrique est une sorte de magnifique Boîte de Pandore, un vrai sujet mais ayant des conséquences potentielles importantes pour l’industrie de l’éclairage et de l’affichage.
Conclusion
Il semble qu’une université ambitieuse pourrait revisiter les valeurs de Mac Adam (ou plutôt de Mr Nutting) et évaluer les perceptions de variation de couleur selon les régions, sexes et âges.
Je me pose des questions sur les longueurs d’onde du spectre visible. Je me suis demandé s’il était possible d’estimer des valeurs précises pour chaque couleur primaire. Mon hypothèse est qu’en se référant au nuancier de Munsell on verrait une progression exponentielle des longueurs d’onde en allant du bleu indigo au rouge. J’ai donc calculé les logarithmes décimaux de différentes couleurs comme le bleu cyan à 490 et le jaune à 580 puis j’ai décomposé en intervalles logarithmiques égaux pour obtenir les couleurs intermédiaires entre le bleu indigo et le rouge : indigo (437), bleu (463), cyan (490), vert (518), lime (547), jaune (578), orange (611), rouge (646). Restent bien sûr les couleurs non spectrales rose et violet. On verrait une symétrie autour du jaune. J’ai cru comprendre que le bleu vert rouge normalisé est : bleu à 464 proche de mon bleu, vert à 547 proche de mon lime par contre le rouge serait à 612 proche de mon orange mais la norme qui date de 1931 dit à l’inverse que c’est à 700 nm plus haut que mon rouge… Donc je ne sais pas si mon raisonnement est valable ou non. En tout cas le bleu vert rouge de mes écrans m’apparaissent comme un bleu assez clair, un vert proche du jaune donc lime et un rouge rouge donc rouge vermillon.
Par rapport à votre commentaire, vous pourrez peut-être trouver des éléments de réponses dans l’article suivant : https://www.lightzoomlumiere.fr/article/domaine-visible-des-couleurs-de-la-lumiere/
Il n’y a pas de choix « absolu » de primaires RGB. C’est un compromis entre le gamut des couleurs reproductibles en synthèse additive, et l’efficacité lumineuse du rayonnement émis par mélange. Il y a enfin la disponibilité pratique des primaires, et la notion (subjective) d’harmonie du découpage spectrale. Votre proposition serait ainsi tout à fait légitime ! Celle de la CIE de 1931 a été proposée avec le bleu et le vert correspondant à des raies spectrales du mercure. 700 nm a été choisi de manière arbitraire (sachant toutefois qu’au-delà de 700 nm, les rayonnements ont la même chromaticité).