Domaine visible des couleurs de la lumière
Quel est le domaine visible, l’ordre des couleurs de la lumière et ses limites ? L’observation d’un arc-en-ciel nous donne l’ordre des couleurs spectrales. Aux couleurs dites froides (bleu, vert) succèdent les couleurs chaudes (jaune, orange, rouge). On doit à Newton la compréhension qu’une lumière blanche est composite et que ces rayonnements colorés en sont les composants élémentaires. Newton a une autre intuition géniale qui n’est pas celle d’un physicien. Alors que les couleurs se répartissent de façon linéaire à la sortie d’un prisme, Newton les représente sous forme d’un disque reliant ainsi les deux extrémités du spectre.
Newton insiste sur l’analogie avec une gamme musicale. Il définit ainsi sept couleurs comme autant de notes se répartissant sur une octave. La continuité perceptive des teintes entre les extrémités violette et rouge se fait sur la note Ré (notée D en anglais). Newton n’oublie pas les teintes non spectrales obtenues en mélangeant des lumières violette et rouge qu’il nomme pourpres mais auxquelles il n’attribue aucun secteur angulaire de son disque chromatique, juste cette note Ré.
Spectrum locus et droite des pourpres
Le disque de Newton est l’ancêtre du diagramme de chromaticité défini par la Commission Internationale de l’éclairage – CIE – en 1931, et toujours d’usage aujourd’hui. Certes, l’aspect circulaire a disparu mais le principe est le même : les couleurs spectrales en constituent la périphérie, appelée spectrum locus. Les deux extrémités sont reliées, non pas en un point, mais en une droite des pourpres.
Domaine du visible CIE
Mais où finit le visible et où commence l’invisible ? En raison de la continuité des propriétés de ces rayonnements optiques, les frontières sont plutôt floues. Commençons par la définition « officielle » de la CIE : les bornes seraient 380 et 780 nm. Pour ceux qui préfèrent les nombres ronds, 400 et 800 nm présentent en outre l’avantage d’avoir un facteur 2 entre les deux valeurs limites, ce qui reprend l’idée chère à Newton de représenter l’ensemble des couleurs spectrales sur une octave (du rouge au violet, la fréquence de l’onde est en effet multipliée pratiquement par 2).
Au-delà du visible
Cette représentation fermée du visible par Newton a peut-être en contrepartie découragé les savants à explorer les propriétés au-delà du visible. Il faut attendre en effet 1800 pour que Herschel mette en évidence les propriétés de rayons invisibles situés avant le rouge. Il place pour cela des thermomètres qu’il déplace en sortie d’un prisme. L’augmentation de température est maximale au-delà du visible, pour des rayonnements bientôt appelés infrarouges.
En 1801, Ritter démontre que des radiations existent, cette fois au-delà du violet, capables de réagir avec le chlorure d’argent. Il fallut plusieurs décennies pour comprendre que ces différents rayonnements formaient un continuum de même nature.
Limites floues pour l’invisible
La CIE a aussi défini une version étendue du visible de 360 à 830 nm, rayonnements pour lesquels l’œil humain est toujours sensible même très faiblement. Pour les rayonnements entre 360 et 380 nm d’une part, et entre 700 et 830 nm d’autre part, l’œil perçoit la même teinte. Autrement dit, ces rayonnements sont représentés par les mêmes points sur le diagramme de chromaticité CIE1931. La version plus restreinte du visible irait ainsi de 380 (voire 400) à 700 nm. Le schéma suivant résume les différentes propositions.
Synthèse additive RGB
Les systèmes de reproduction de couleur comme les écrans ou les vidéoprojecteurs reposent sur la synthèse additive à l’aide généralement de trois primaires : rouge, vert et bleu. Avoir des primaires bleue et rouge les plus proches des limites du visible permettrait de reproduire un plus grand nombre de couleurs.
À contrario l’efficacité lumineuse de ces primaires et donc du système RGB serait particulièrement faible. Il y a donc un compromis à trouver.
Ultra haute définition UHDTV
À titre d’exemple, on peut citer la recommandation Rec. 2020, standard pour l’industrie audiovisuelle pour l’ultra haute définition (UHDTV). Les primaires considérées sont monochromatiques :
- 630 nm pour le rouge,
- 532 nm pour le vert,
- 467 nm pour le bleu.
Droite « pratique » des pourpres
Ainsi, le domaine visible accessible par un système RGB est très restreint, même pour ce standard de l’ultra haute définition (467-630 nm). Sur le diagramme de chromaticité, on peut appeler « droite pratique des pourpres », la droite reliant les points correspondant à la primaire bleue et à la primaire rouge. Au-delà de cette droite, les couleurs pourpres – de très faibles efficacités lumineuses – ne peuvent être reproduites.
Approfondir le sujet
- Spectre lumineux et continu du corps noir
- Spectre visible, colorimétrie et vision
- Profondeur de la couleur jusqu’à la perspective aérienne
- Séasúr : musique et lumière en dialogue
- Spectre visible, Wikipédia
- Histoire de la Lumière : le spectre lumineux, Synchrotron Soleil
- Edmond Becquerel : la lumière et ses effets
Photo en tête de l’article : arc-en-ciel secondaire © Fabien1309, Wikipédia
Livres
Lumière et luminescence, ces phénomènes lumineux qui nous entourent
Un livre tous public et pédagogique sur la lumière en science chimie, biologie et physique. L'idéal pour l'Année internationale de la Lumière 2015. |
Lumières du futur, de Libero Zuppiroli et Daniel Schlaepfer
Sur un ton direct, Lumières du futur, de Libero Zuppiroli et Daniel Schlaepfer, le livre présente une approche croisée scientifique et artistique. |
À la reconquête de la nuit : la pollution lumineuse état des lieux et propositions
Le CGEDD a publié vendredi 18 janvier son dernier rapport. À la reconquête de la nuit. La pollution lumineuse état des lieux et propositions. |
Cet article est une parfaite vulgarisation de l’état de l’art.
Je voudrais pouvoir l’incérer à mon cours en Anglais.
Auriez vous une version traduite?
Bien à vous
Albert Jobbé duval
Merci Albert pour vos retours élogieux.
Nous n’avons pas de version en anglais de l’article car, c’est une écriture singulière de Lionel Simonot en français.
Bonne fin de journée.
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre message.
Il s’agit effectivement d’un article original, en français donc.
Vous pourrez trouver toutefois quelques éléments dans la publication suivante en anglais, sur un sujet plus spécifique :
https://www.researchgate.net/publication/349762423_Optimization_of_monochromatic_primaries_in_RGB_system_On_the_specific_question_of_purples
Grand merci pour vos articles « éclairants » pour des néophytes…
Je suis peintre plasticienne et utilise depuis qques temps la fluorescence et phosphorescence, dans un travail de recherche, pour exprimer l’idée selon laquelle, dans l’univers, tout est déjà présent mais tout n’est pas visible pour autant…j’utilise donc la lumière noire. Je fais une exposition au mois de Juin, aussi pourrais-je me permettre de vous citer dans le texte que je prépare pour introduire cette approche?
Je reste dans l’attente de votre réponse.
Bien cordialement A.L.B