Efficacité lumineuse : et si la lampe d’Edison revenait ?
Efficacité lumineuse : où es-tu, Edison… ? Voici une œuvre de Ingo Maurer de 1997, Wo bist du, Edison… ? Le luminaire est constitué d’un hologramme qui reproduit une ampoule à incandescence. L’œuvre anticipe la disparition des lampes à incandescence, encore insoupçonnée en 1997. Quant à la question du titre de l’œuvre, la réponse est sur la douille qui reprend le profil du célèbre inventeur.
Après avoir éclairé nos habitations pendant plus d’un siècle, les lampes à incandescence sont à présent bannies de la vente car trop énergivores. Il est vrai qu’elles émettent surtout de l’infrarouge. Elles jouent donc le rôle de radiateurs ce qui n’est pas leur fonction première, et ce qui n’est pas particulièrement souhaitable surtout en été…
Efficacité lumineuse des lampes à incandescence
La lumière émise par les lampes à incandescence (standard ou halogène) est due au rayonnement thermique d’un filament de tungstène qui se comporte pratiquement comme un matériau idéalisé appelé corps noir. Ce dernier émet dans toutes les longueurs d’onde du visible (on parle de spectre continu) et permet ainsi une très bonne restitution des couleurs (IRC de 100 par définition). Le spectre d’émission d’un corps noir et par conséquent son efficacité lumineuse ne dépendent que de sa température (courbe rouge sur le graphique ci-dessous). L’efficacité lumineuse atteint la valeur maximale de 95 lm/W à 6500 K. Cela correspond à peu près à la température de couleur du soleil.
La plupart des LED blanches actuelles présentent donc une efficacité lumineuse plus importante que notre astre solaire !
Pour les lampes à incandescence, la température de fusion du tungstène (3695 K) limite la gamme de température du filament (typiquement entre 2700 K et 3200 K), ainsi que leurs efficacités lumineuses (typiquement entre 12 et 30 lm/W). Solliciter le filament de tungstène à des températures plus élevées serait intéressant en ce qui concerne l’efficacité lumineuse (partie ascendante de la courbe zoom à droite du graphique 1), mais réduirait considérablement la durée de vie de la lampe. Les fabricants ont joué sur cette propriété et ont souvent affiché des durées de vie de 1000 h (et 2000 h pour les lampes halogène). Certains considèrent ce choix des fabricants comme le résultat d’un optimum technologique, d’autres comme de l’obsolescence programmée des lampes à incandescence.
Il est possible de gagner en efficacité lumineuse sans réduire la durée de vie de la lampe. A toute chose égale par ailleurs (tension d’alimentation, dimension du filament), on peut montrer qu’une puissance électrique plus importante permet d’atteindre une plus grande température du filament et donc une efficacité lumineuse plus élevée. Elle pourrait être très fortement augmentée (courbe jaune sur le graphique 1) si le rayonnement était limité strictement au rayonnement visible 400-700 nm.
Efficacité lumineuse des lampes halogène
De même, l’introduction d’halogène dans les lampes à incandescence limite, grâce au cycle halogène, la sublimation du tungstène, ce qui autorise à solliciter davantage le filament et donc, là encore, à obtenir des efficacités lumineuses plus élevées.
Le graphique suivant reprend les données des fabricants. L’efficacité lumineuse des lampes à incandescence 230 V augmente avec la puissance électrique fournie. Pour une puissance donnée, les lampes halogène sont légèrement plus efficaces. Les lampes halogène « éco » munies d’un revêtement interférentiel doublent l’efficacité lumineuse.
Lampes à filament plus efficaces
Mais pour gagner vraiment en efficacité lumineuse, il faudrait pouvoir ne conserver que le rayonnement visible émis par le filament. Il serait alors possible d’atteindre jusqu’à 250 lm/W (courbe jaune sur le graphique 1), tout en conservant un IRC de 100 ! Cette idée, sans doute très ancienne, a été mise en pratique pour des lampes halogène commercialisées dans les années 2005. Un revêtement interférentiel multicouches est appliqué sur l’enveloppe contenant le filament. Il laisse passer le rayonnement visible et réfléchit le rayonnement infrarouge « inutile » précisément sur le filament. Ainsi, le cycle halogène est plus efficace. Cette innovation augmente la durée de vie de la lampe et double pratiquement son efficacité lumineuse (3000 h et 21 lm/W pour une lampe de 30 W). Il s’agit sans doute d’un des sauts technologiques les plus importants dans l’histoire, plus que centenaire de la lampe d’Edison !
Ce concept a refait parler de lui début 2016 avec une publication de chercheurs du MIT, Ognjen Ilic, Peter Bermel, Gang Chen, John D. Joannopoulos, Ivan Celanovic et Marin Soljačić avec la publication en anglais : Tailoring high-temperature radiation and the resurrection of the incandescent source, Nature Nanotechnology 11 (2016) 320–324. Ces derniers ont fabriqué sur ce principe une lampe prototype de 135 W et 45 lm/W. Mais cette innovation est sans doute arrivée trop tard, le marché a déjà choisi. Difficile en effet d’imaginer que cette technologie puisse un jour concurrencer les LED et leurs performances largement supérieures.
A suivre…
Quelles perspectives pour les LED ?
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- Traité d’éclairage de William Sanial, 3e édition en 3 tomes séparés
- A nanophotonic comeback for incandescent bulbs?, MIT
- Simonot, S. Camélio, Efficacité lumineuse d’un rayonnement : un compromis avec l’IRC et la température de couleur, LUX, la revue de l’éclairage, n° 253 (2009) 52-58.
Suite de l'article
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Lieu
- ENSI Poitiers
- Poitiers, France