Et si nous changions les lampes de nos maisons ?
Imaginons qu’en 2023, les magasins affichent encore les prix en francs. Rappelons, pour les plus jeunes, qu’il s’agit de l’ancienne monnaie nationale qui disparut officiellement en 2002 et fut remplacée par l’euro. Même si un double affichage francs/euros a persisté quelques années, il serait évidemment absurde de continuer à le faire aujourd’hui. Qu’en est-il pour les lampes de nos maisons aujourd’hui ?
Lampes de maisons : un affichage incompréhensible
Nous sommes pourtant confrontés à une situation ubuesque similaire lorsque nous achetons une lampe dans un commerce. Les inscriptions des fabricants sur le packaging, comme « 7,3 W = 60 W », sont incompréhensibles ! Après un moment de trouble, nous pouvons supposer que le plus petit nombre correspond à la puissance en watts réellement consommée. Mais que signifie le plus grand ? Pas de faux suspense : il s’agit de la puissance consommée par une lampe à incandescence traditionnelle émettant le même flux lumineux. Problème : tout comme le franc, ce type d’ampoule a disparu de la circulation. La commercialisation de ces lampes trop énergivores a été interdite depuis 2008. Si vous avez moins de 30 ans, vous n’en avez donc jamais acheté !
Pour estimer un flux lumineux, peut-être n’existe-t-il pas d’autre moyen que de faire ce genre de comparaison ? Pas du tout. La photométrie est une science bien établie et l’on sait parfaitement définir et mesurer un flux de lumière. L’unité est le lumen. Les fabricants ont l’obligation de donner sa valeur. Les watts équivalents à l’incandescence n’apportent donc aucune information supplémentaire, si ce n’est de la confusion pour l’acheteur potentiel.
Quelle lampe acheter pour nos maisons ?
Pour connaître les performances des lampes pour l’éclairage domestique, nous avons relevé les flux lumineux émis (en lm) et les puissances consommées (en W) d’une centaine de références proposées en ligne par une enseigne de bricolage. Le rapport des deux donne l’efficacité lumineuse en lm/W. Nous avons limité l’analyse à des ampoules avec une enveloppe dépolie pour de l’éclairage général en blanc chaud (température de couleur de 2 700 K), équipées d’un culot à vis E14 (puissance de 2 à 8,5 W) ou E27 (puissance de 3 à 23 W). Les fabricants semblent s’être concertés pour afficher une durée de vie de 15 000 h, bien plus élevée que les 1 000 h de l’incandescence classique.
Première surprise, les flux lumineux ne prennent que quelques valeurs dont les plus usuelles sont 250 lm, 470 lm, 806 lm, 1 055 lm et 1 521 lm. Pourquoi des valeurs aussi précises ? Car il s’agit de flux lumineux standardisés qui seraient émis par des lampes à incandescence traditionnelles de puissances 25 W, 40 W, 60 W, 75 W et 100 W respectivement. Il serait temps d’abandonner ces références obsolètes et de former les consommateurs à l’échelle en lumen en en précisant les usages, ou du moins certains ordres de grandeur : 400 lm pour une lampe de chevet, entre 1 000 et 1 500 lm pour l’éclairage général d’une chambre, par exemple.
Autre constat, il y a une grande diversité des performances. Pour une émission de 806 lm, les puissances des lampes commercialisées varient entre 5,9 W à 9,7 W. Un tel écart s’explique par l’augmentation rapide des performances des LED. Plusieurs générations de lampes LED cohabitent sur les étalages des magasins. Ces différences d’efficacité lumineuse ne suffisent toutefois pas à justifier les écarts de prix d’achat dans un rapport de 1 à 3.
Une consommation énergétique dérisoire
L’efficacité lumineuse moyenne des lampes LED se situe autour de 115 lm/W avec la forte dispersion mentionnée ci-dessus. C’est 9 fois plus que les lampes à incandescence traditionnelles (13 lm/W environ). Autrement dit, si dans les années 2000, nous n’avions que ce type de lampes dans notre maison, et qu’aujourd’hui nous renouvelions toutes les ampoules avec des lampes LED du commerce, notre consommation électrique liée à l’éclairage serait divisée par 9 entre les deux dates.
Ce chiffre est sans doute surestimé. À l’époque, nous avions probablement aussi des lampes halogènes et des lampes fluocompactes moins énergivores. Néanmoins, la conclusion reste la même : l’éclairage induit une consommation énergétique à présent très faible. Son coût dépend bien sûr de la surface habitée et de l’usage que l’on fait de l’éclairage. Il peut toutefois être estimé aujourd’hui à seulement quelques dizaines d’euros par an, bien plus faible que la facture dédiée au chauffage et à l’eau chaude. Il ne faut donc plus craindre d’allumer pour atteindre un meilleur confort visuel. Un bon prétexte pour revoir l’ensemble des éclairages de son habitation.
Des performances exceptionnelles, mais un marketing décevant
C’est sans doute Philips qui propose actuellement les lampes les plus performantes à destination de l’éclairage domestique, commercialisées sous le nom d’ampoule LED Master UltraEfficient. Le choix est possible entre deux puissances : 4 W pour 840 lm et 7,3 W pour 1 535 lm. Faites le calcul, on atteint une efficacité lumineuse record de 210 lm/W ! Cette valeur n’a probablement pas été choisie au hasard. Elle constitue en effet le seuil nécessaire pour atteindre le label A dans le nouvel étiquetage énergétique des lampes.
Notons que Philips propose un blanc neutre à 4 000 K et un blanc à 3 000 K, un peu moins chaud que les 2 700 K usuellement choisis en éclairage domestique. La durée de vie est affichée à 50 000 h, plus de trois fois celle des ampoules LED classiques. Cela correspond à 50 ans pour une utilisation de 3 heures par jour !
Avec des valeurs de flux lumineux un peu décalées par rapport aux valeurs tabulées, nous aurions pu espérer une mise en avant des lumens. Ici, c’est la puissance équivalente pour la lampe à incandescence qui est l’inscription la plus visible sur la boîte. Ou comment des performances technologiques exceptionnelles sont masquées par un marketing d’un autre âge…
Par rapport à leur efficacité lumineuse, ces ampoules ont logiquement un prix sensiblement plus élevé ; mais qu’on se rassure, celui-ci n’est pas affiché en francs !
Approfondir le sujet
Guide d’éclairage domestique – AFE – Septembre 2023
Approfondir le sujet
- Maison passive pour jeunes retraités dans le Finistère
- Quand la lampe à huile faisait sa révolution
- Maison et Objet 2023 : Enjoy et Bien-être en septembre à Paris
Photo en tête de l’article : Changer une ampoule (lampe) pour économiser de l’énergie – Mère et enfants – lampes LED © Imgorthand, iStock
Livres
Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, un livre collector
Le phénomène éclairage a vécu une mutation. Ville, architecture, conception lumière, pollution lumineuse... Qu'en sera-t-il demain ? |
Essai d’optique sur la gradation de la lumière, de Pierre Bouguer
Aux sources de la photométrie avec Lionel Simonot. Voici l'Essai d’optique sur la gradation de la lumière de Pierre Bouguer, à redécouvrir. |
Quand la matière diffuse la lumière, aux Presses des Mines
Sous la direction de Lionel Simonot et Pierre Boulenguez, quand la matière diffuse la lumière, aux Presses des Mines, parle des sciences de la matière. |