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La lampe à incandescence, permanence d’une icône

Inventée il y a 140 ans. Interdite à la vente depuis 15 ans. La lampe à incandescence est symbole d'innovation et des idées. Rétro graphique.
12 septembre 2023

Eurêka, eurêka ! C’est à Vitruve que l’on doit la légende d’un Archimède sortant du bain en s’écriant « J’ai trouvé ! J’ai trouvé ! » Plusieurs siècles plus tard, les images tendent à remplacer les mots, et la scène pourrait se résumer en deux étapes : la phase de réflexion intense avec le dessin d’un engrenage, et la phase de compréhension soudaine avec le schéma d’une ampoule lumineuse. Il faut donc faire appel à la mécanique élémentaire maîtrisée au temps d’Archimède pour symboliser l’effort de la réflexion, et à la lumière électrique pour représenter une idée forcément lumineuse. Engrenages, lampe à incandescence et cerveau humain, certains n’hésitent pas à combiner les 3 symboles comme une icône.

Idée et créatif, ou Le Penseur de Rodin © abstractdesignlabs, iStock

Icône de la lampe : boîte à idées et budget participatif

Il suffit de parcourir les sites Web pour voir que l’icône ampoule est un outil pratique pour les graphistes en mal d’inspiration. Déclinée en de nombreuses variantes, l’icône de la lampe à incandescence provient souvent d’une banque d’images, comme nous l’avons fait pour plusieurs illustrations de cet article.

Très friandes de ce symbole, les mairies l’utilisent sur tous leurs supports de communication pour inciter leurs administrés à soumettre des idées ou à contribuer au budget participatif de la commune.

Affiche budget participatif 2023-2024, J’ai une idée, je la soumets ! © Ville de Fonsorbes

Lampe à incandescence : l’idée géniale d’Edison

Parmi les différentes sources de lumière, pourquoi est-ce le schéma de la lampe à incandescence qui a été retenu ? Peut-être parce qu’elle porte l’idée d’innovation. La flamme d’une bougie symbolise la lumière divine, ou du moins le temps qui passe lorsqu’on la souffle sur un gâteau d’anniversaire, mais rarement une idée géniale. Au XIXe siècle, avant les lampes à incandescence, les sources de lumière innovantes – lampes à huile d’Argand, becs d’éclairage au gaz, lampes à arc électrique – se sont succédé.

Ampoule de Thomas Edison qui a été utilisée en démonstration au Menlo Park © Alkivar, Wikipédia

Si l’invention d’Edison l’a emporté dans la mémoire collective, c’est que l’objet matérialise toutes les possibilités de l’électricité. Pour l’inventeur américain, la lampe à incandescence permettait de justifier le déploiement du courant électrique : il fallait apporter cette lumière dans toutes les maisons.

Le succès de la lampe à incandescence en fait l’un des premiers objets de consommation courante produit de manière standardisée à très grande échelle. Sa forme et son design vont mondialement s’imposer.

Ampoule lumineuse : idéogramme de la bande dessinée

L’invention d’Edison correspond également à l’essor de la bande dessinée. Progressivement et assez naturellement, une partie du texte va être remplacée par des idéogrammes plus expressifs et efficaces tels des logos. L’ampoule lumineuse est l’un des plus fréquemment utilisés.

Il est difficile de savoir précisément quand l’icône de l’ampoule s’est imposée. Notons qu’en 1925, au temps du muet, Felix le chat faisait la publicité des lampes Edison Mazda pour les phares de sa voiture dans un dessin animé.

Un culot, un filament et une enveloppe transparente

La lampe à incandescence est une technologie simple comprenant trois éléments facilement identifiables, et possédant chacun une signature graphique :

  1. L’ampoule en verre contient le gaz inerte empêchant l’oxydation du filament métallique. Sa forme ovoïde est appelée de manière imagée bulb en anglais.
  2. Le culot permet l’arrivée du courant. Le plus répandu encore aujourd’hui pour l’éclairage domestique est le culot à vis, une standardisation que l’on doit également à Edison en 1909.
  3. Le filament de tungstène traversé par le courant électrique est l’élément émetteur de lumière. Les graphistes s’amusent à lui donner des formes variées telle cette carte de France sur le site de France Télévision.
Une Idée pour la France, chronique avec Valérie Heurtel sur france.tv, lundi et jeudi, journal de 13h © France 2

Interdites à la vente depuis 15 ans, les lampes à incandescence ont été remplacées par différentes lampes de substitution qui, pour l’éclairage domestique, conservent la forme de l’ampoule, le culot à vis, et parfois même la présence d’un filament LED. L’icône de l’ampoule peut ainsi se détacher de la technologie obsolète de la lampe à incandescence.

Lampe à incandescence : symbole paradoxal de l’innovation

À choisir, c’est probablement le smartphone, l’objet phare qui symbolise ce début de XXIe siècle. En revanche, sa forme rectangulaire a un pouvoir évocateur proche de zéro. Quant aux innovations récentes les plus marquantes – services en ligne, réseaux sociaux, intelligence artificielle – il s’agit de concepts immatériels, et de fait difficiles à représenter graphiquement.

Revue Lion, n° 757, mars 2023 – couverture © Lions Clubs International

Ainsi, en 2023, c’est encore une lampe à incandescence, invention pourtant vieille de plus de 140 ans, qui fait la couverture des magazines pour évoquer les innovations les plus pointues.

Franchise et Concepts, n° 3, trimestre 1, mars 2023 – couverture © Lmedia

 

Ça m’intéresse, n° 505, février 2023 – couverture © Prisma Media

N’étant plus à un paradoxe près, même lorsqu’il faut évoquer l’efficacité énergétique, c’est une nouvelle fois à la lampe à incandescence que l’on fait appel. Rappelons pourtant qu’une telle lampe consommerait près de 10 fois plus d’électricité que la lampe équivalente en LED pour le même flux lumineux émis…

100 % Vosges magazine, n° 273, janvier 2023 – couverture © Vega Edition

Alors pour convaincre d’une volonté écologique, il suffit de remplacer le filament par une plante verte. Une sorte de greenwashing visuel qui permet de perpétuer la force de l’icône.

SOA info, magazine de la ville de Saint-Ouen L’Aumone, No 416, janvier 2023 – couverture © Cithea.com

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Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.

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