Les lampes Art Nouveau de l’École de Nancy en verrerie
Après la guerre de 1870, l’Alsace et la Moselle deviennent allemandes. De nombreux Français (les « optants ») choisissent de s’installer à Nancy. La ville passe de 50 000 habitants, en 1870, à 120 000 en 1914. Cette croissance démographique va s’accompagner d’une prospérité économique. Ville frontalière avec l’Allemagne, elle fera de Nancy la plus grande ville de l’est de la France. C’est dans ce contexte que va émerger la verrerie d’art de l’École de Nancy et ses lampes Art Nouveau.
Quand un notaire se lance dans la verrerie d’art
Jean Daum, notaire à Bitche en Moselle, est l’un des exemples les plus remarquables de cette migration. Il vend son étude de notaire pour s’installer à Nancy (côté français) en 1876. Deux ans plus tard, il devient chef d’une entreprise de verrerie, domaine dont il ne connaît rien. À sa mort en 1885, ce sont ses fils Auguste et Antonin qui reprennent la direction de la manufacture et l’orientent vers la création artistique qui fera sa renommée. Les collaborations de la manufacture Daum avec des créateurs préfigurent l’esprit de l’École de Nancy dont Antonin sera le vice-président à la fondation en 1901.
Le musée des Beaux-Arts de Nancy sur la place Stanislas présente l’impressionnante collection Daum avec près de 300 objets en verre exposés datant de la création de l’entreprise jusqu’aux œuvres contemporaines.
Émile Gallé en chef de file de l’Art Nouveau
Émile Gallé est, lui, né à Nancy en 1846 et c’est incontestablement la figure la plus marquante de l’École de Nancy dont il sera le premier président de 1901 jusqu’à sa mort en 1904. Pas moins de trois métiers – maître verrier, céramiste et ébéniste – sont nécessaires pour le définir. Chef d’entreprise, il construit des ateliers pour chacun de ces trois domaines et y adjoint au centre une pièce où il conçoit ses projets. Ce sont surtout ses talents et ses innovations dans la verrerie d’art qui lui apportent une renommée internationale quand il présente ses œuvres aux expositions universelles (à Paris en 1878, 1889, 1900, à Chicago en 1897, à Saint-Louis en 1904).
Profondément patriote (il inclut parfois la Croix de Lorraine dans sa signature), Gallé est aussi ouvertement dreyfusard. Dans une société nancéienne conservatrice et parfois antisémite, cette position courageuse lui vaut une certaine impopularité.
Alliance des industries d’art, inspirée par la nature
Conscient du retard pris dans les arts décoratifs par la France, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, Émile Gallé propose un groupement pour promouvoir l’industrie d’art de Lorraine. L’Alliance provinciale des industries d’art, communément appelée École de Nancy, est créée en 1901. Émile Gallé en prend la présidence.
Dans le prolongement de l’Arts & Crafts anglais, l’École de Nancy est la manifestation la plus significative de l’Art Nouveau en France. Pour avoir une idée des réalisations, il faut se rendre au merveilleux musée de l’École de Nancy. Aménagé dans la demeure du collectionneur Eugène Corbin, le musée, ouvert au public depuis 1964, est agencé comme un intérieur de l’époque : salle à manger, chambre, bureau… Chaque pièce regroupe mobilier, peintures, objets décoratifs, lampes et luminaires. Plus encore que pour les autres mouvements d’Art Nouveau, la nature est la source principale d’inspiration. La présence à Nancy d’un centre d’horticulture reconnu y est probablement pour quelque chose.
Premières lampes pour la lumière électrique
À la fin du XIXe siècle, la lampe à pétrole puis électrique devient un accessoire identifiable des intérieurs bourgeois. Ainsi c’est « sous la lampe » que le peintre Victor Prouvé (père de l’architecte et designer Jean Prouvé) représente les filles de son ami Émile Gallé. Il reprend un motif utilisé par ses contemporains tels que Vuillard ou Bonnard.
La lampe à incandescence est brevetée par l’Américain Thomas Edison en 1879 et va rapidement faire son entrée dans les foyers. Les lampes sont souvent utilisées directement, ou alors placées dans des luminaires de lampes à pétrole dont l’usage est détourné.
Art Nouveau de Nancy inspiré par la nature
Mais c’est l’Art Nouveau qui va proposer les premiers luminaires spécifiquement conçus pour la lampe à incandescence. À New York, ce sont les abat-jour en verre coloré proposés par Louis Comfort Tiffany.
À Nancy, en collaboration avec le décorateur Louis Majorelle, la manufacture Daum va concevoir des lampes sur pied, en suspension et plus rarement en applique. Les luminaires sont déclinés en différents modèles et vendus sur catalogue. L’entreprise Daum en fait l’une de ses spécialités.
Les lampes de l’École de Nancy s’inspirent littéralement de la nature : les supports en métal évoquent les tiges tandis que les fleurs sont imagées par des vasques en verre coloré.
Pissenlits, magnolia, églantine, les noms des luminaires sont aussi très explicites.
L’École de Nancy avec Émile Gallé propose également des lampes dans le même esprit floral.
Déclin et réhabilitation de l’École de Nancy
Le décès d’Émile Gallé en 1904 porte un coup d’arrêt au développement de l’alliance. Remplacé à la présidence par Victor Prouvé, la dernière exposition collective a lieu en 1909. Après la Première Guerre mondiale, l’Art Nouveau n’a plus la cote. La création s’adapte au goût de l’époque pour l’Art Déco. Longtemps dédaignés, le style Art Nouveau et les travaux de l’École de Nancy ne seront de nouveau valorisés qu’à partir de la fin du XXe siècle.
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Photo en tête de l’article : Émile Gallé, surtout de table Les Pontédéries, vers 1902 © Musée de l’École de Nancy / Photo : Philippe Caron
Lieu
- Musée de l'école de Nancy
- Nancy, France
Pour les parisiens, il y a une très belle collection permanente d’Art Nouveau au musée d’Orsay dont quelques splendides luminaires de Louis Majorelle (http://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/lampe-de-table-98718).