Le confinement au balcon est-il ingénieux et créatif ?
« Question : comment faire pour ne pas perdre son temps ? Réponse : l’éprouver dans toute sa longueur. Moyens : […] vivre à son balcon le dimanche après-midi »
Albert Camus, La Peste, 1947
73 ans plus tard, le monde fait face au Covid-19 ; fléau aux conséquences désastreuses. Si pour y remédier l’heure est au confinement, personne ne le fera rimer avec isolement.
Esthétique du vide depuis le sol
Avenues haussmanniennes désertes, sièges vides place Saint-Pierre, trottoirs dégagés sur Times Square : des scènes dignes de films catastrophe. Or, ici, pas de fumée ni de flammes, pas de créatures ou d’androïdes escaladant les façades, pas d’inondations qui rappelleraient les événements de 1955 à Paris sublimés par Roland Barthes dans Mythologies.
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En ce moment, le mal est aussi insaisissable qu’invisible. Ainsi, on s’interroge devant ces images d’un monde à l’arrêt. On découvre l’essence de ces lieux tels qu’ils furent pensés par leurs créateurs. On apprécie le caractère de ces œuvres débarrassées d’une foule pressée qui les a parfois oubliées.
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Des fenêtres qui s’ouvrent au balcon
Si les médias relayent des images rappelant l’œuvre de Giorgio De Chirico et si certains pensent que le confinement doit ressembler aux peintures d’Edward Hopper, d’autres rejouent Rear Window d’Alfred Hitchcock. En effet, bien que de nombreuses institutions culturelles mettent en place des dispositifs exceptionnels pour lutter contre l’isolement, chacun souhaite partager sa solitude. Ainsi, entre Majorque, Marseille et San Lorenzo, on assiste à des événements improvisés qui n’ont que pour limite le garde-corps du balcon.
18h47, au cœur d’îlots collectifs, quelques notes de musique suivis de cris raisonnent dans une cour intérieure de Séville. Femmes et hommes, plus ou moins âgés et aux professions diverses poussent leurs fenêtres pour savoir ce qui se passe. À leurs pieds, sur un toit voisin, un homme en tenue de sport les attend : c’est l’heure de l’exercice ! Soudain, ces barres d’immeubles trop souvent décriées deviennent, de part leur organisation spatiale, des chambres de résonance qui propage pour tout le monde des sons qui rassemblent.
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Comme toujours, le bruit incarne la vie. Qu’il soit organisé pour créer de la musique ou plus cacophonique pour défouler des âmes esseulées, ce dernier pénètre les intérieurs de chacun et, bien qu’immatériel, procure la sensation de partage. Ainsi, la casserole répond au violon dans les ruelles italiennes et quand vient la nuit, le DJ s’installe aux platines pour faire danser les parois des quartiers phocéens. Ces communautés de voisinages dont le cœur n’avait pas vibré depuis longtemps se répondent entre elles à travers le monde par le biais des réseaux qui, pour une fois, sont vraiment sociaux !
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Reconsidérer les oubliés
Tous ces événements, que chacun organise de manière spontanée, valorisent le temps d’un instant l’inconnu du troisième ou le voisin d’en face. En effet, le confinement, privant l’individu de certains de ses besoins primaires, place tout le monde sur un même pied d’égalité.
C’est l’opportunité de recentrer l’attention sur ceux qui font vivre notre monde même quand il ralentit. Employés médicaux, salariés de commerces, forces de l’ordre inspirent des clappings pour leur abnégation et leur participation à la vie sociale comme peut faire la police espagnole qui vient jouer de la guitare dans les rues de Majorque.
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Confinement au balcon et optimisme
Bien que la conjoncture actuelle impose le civisme et le respect des règles sanitaires, l’optimisme ne doit pas être étouffé par la panique. Si le confinement lutte contre le virus, femmes et hommes du monde entier luttent contre l’isolement. Ainsi, loin de vouloir paraître léger et inconscient, cet article veut écouter les italiens qui, malgré la peur, entonnent à tue-tête depuis déjà plusieurs semaines « Tutto andra bene » !
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Un beau panorama sur les manières d’habiter les balcons.
Merci de ces fenêtres sur le monde
Luc