Le meilleur des tubes fluorescents
Les tubes fluorescents sont-ils une révolution ? Pourtant, il n’existe pas de Thomas Edison ou de Steve Jobs tenant dans sa main le premier tube fluorescent en s’écriant « ceci est une révolution »!
La naissance du tube fluorescent, de l’idée à sa commercialisation, fut longue et cette invention géniale ne peut être attribuée à un seul créateur.
Tubes fluorescents à décharge
Les tubes fluorescents sont d’abord des lampes à décharge : un courant passe dans un gaz devenu ionisé et certains atomes en se désexcitant émettent de la lumière. Le gaz utilisé est ici du mercure à basse pression. L’émission de lumière dans ces conditions est bleu-blanchâtre, de qualité médiocre en termes de couleur. Mais n’oublions pas un « détail » important bien que non visible. La principale partie de la lumière émise est en effet située dans l’ultraviolet. Comment convertir alors ce rayonnement UV en rayonnement utile, c’est-à-dire visible ?
De la lumière par la lumière
C’est le rôle de la photoluminescence. Les parois intérieures du tube sont recouvertes de poudres fluorescentes, appelées luminophores, qui absorbent les rayonnements ultraviolets. Les molécules de ces luminophores passent alors à un état excité. Par désexcitation radiative, elles peuvent dégager de l’énergie sous la forme de rayonnement. La lumière émise est nécessairement de moindre énergie que la lumière absorbée mais cette propriété est ici intéressante puisqu’elle permet de convertir l’ultraviolet en visible.
La lumière émise par fluorescence dépend beaucoup des poudres utilisées. Pour obtenir une lumière blanche, il est nécessaire d’utiliser un mélange de luminophores. Il est actuellement habituel d’utiliser trois types de poudres qui, à partir de l’excitation ultraviolette de la décharge du mercure, produisent respectivement de la lumière bleue, verte et rouge. Les concentrations relatives du mélange permettent d’obtenir une lumière blanche plus ou moins chaude.
Photoluminescence, une idée ancienne
La photoluminescence est donc l’émission de lumière provoquée par l’absorption de lumière ! Ce terme regroupe les phénomènes de fluorescence et de phosphorescence. La différence provient dans la nature de l’état excité : contrairement à la fluorescence, les molécules sont en quelque sorte piégées à l’état excité pour la phosphorescence. De fait, après arrêt de l’excitation, le retour à l’état fondamental, et donc le phénomène lumineux, durent généralement plus longtemps dans le cas de la phosphorescence.
Ces phénomènes de photoluminescence étaient observés depuis longtemps mais ne furent formalisés qu’au cours du XIXème siècle notamment par le français Edmond Becquerel. Il fut peut-être le premier à proposer le principe d’une lampe fluorescente. Parmi les nombreux prototypes testés, une anecdote est à signaler : en 1896, Edison proposa un principe de lampe fluorescente. Mais au lieu d’utiliser une excitation ultraviolette, il essaya d’employer un rayonnement encore plus énergétique, les rayons X… un an à peine après leur découverte par Wilhelm Röntgen ! Toutefois, les expérimentations sur les lampes fluorescentes à rayons X furent de courte durée en raison du danger de ces rayonnements qui causèrent malheureusement la mort d’un des collaborateurs d’Edison.
Pas de néon dans les « néons »
Les tubes fluorescents sont, encore aujourd’hui, parfois appelés « néons » alors qu’ils n’en contiennent pas. Le décharge se fait sur les vapeurs de mercure et non du néon !
Cette confusion tenace a sans doute une origine historique. Georges Claude a en effet inventé au début du XXe siècle, sous forme de tubes cylindriques, des lampes à décharge dans des gaz rares comme le néon. Les lumières colorées obtenues réservaient ce type de lampes essentiellement pour des enseignes commerciales.
L’invention du tube fluorescent, postérieure de 25 ans à celle du tube néon, est difficile à dater avec précision. André Claude, le neveu de Georges, a présenté l’un des premiers prototypes en 1935. Avant d’être commercialisé successivement par les trois grands fabricants de lampes – Osram, General Electric et Philips – le tube fluorescent fut également présenté à l’exposition universelle de Paris sous la tour Eiffel en 1937. Le succès de l’exposition témoigne de l’engouement populaire pour les progrès techniques dont l’électricité et l’éclairage artificiel étaient alors les symboles. Pour cette même occasion, une immense fresque à la gloire de l’électricité (toujours exposée au musée d’art moderne de la ville de Paris) fut commandée au peintre Raoult Dufy… « La Fée Électricité » !
Le tube fluorescent est donc en partie une invention française – peu mise en avant du fait sans doute de l’attitude collaborationniste de Georges Claude – qui connut un succès d’abord dans les usines… américaines pendant la seconde guerre mondiale. C’est presqu’au même titre que le chewing-gum ou le Coca-Cola que le tube fluorescent débarque définitivement sur l’Europe à la fin de la guerre.
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Photo en tête de l’article : Lampe Relumine, Lady Louise et Little Lucy © Mischer Traxler