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Lumières 2.0 sur la Stratumseind, Eindhoven, Pays-Bas

Dans les futures « smarts cities » l'éclairage aura une part importante. La ville d’Eindhoven a démarré un projet prospectif dans la Stratumseind.

Le projet démarré en décembre 2013 vise à modéliser l’ambiance d’un des hauts lieux de divertissement populaire d’Europe la « Stratumseind ». Il combine une évolution dynamique de l’environnement lumineux qui est piloté automatiquement par une collecte de données tous azimuts en temps réel :

  • le bruit,
  • les connexions cellulaires,
  • les occupations des parkings et même
  • les tweets et autres réseaux sociaux,

interagissant avec des algorithmes issus de recherches comportementales sur la lumière.

La plus grande « rue de la Soif » d’Europe

La problématique du site est complexe. La Stratumseind c’est la plus grande rue festive d’Europe : 50 bars, 10 restaurants sur une longueur de 400 m. De 2 000 à 3 000 personnes les soirs de semaine, la foule monte à plus de 10 000 fêtards le samedi soir, autant dire que bières et alcools coulent à flots et que l’on y dénombre 800 accidents annuels nécessitant interventions des services de sécurité. Il était donc nécessaire pour les propriétaires d’établissements et les autorités de définir un éclairage qualitatif pour valoriser la rue et son contexte commercial générateur d’activité, et d’assurer la sécurité des usagers… et voir même de la devancer.

Un projet aux multiples affluents

Le projet « OpenRemote » de La Stratumseind s’intègre dans une démarche municipale à plus grande échelle : le « Living Lab » est mené conjointement entre la ville d’Eindhoven, les universités de technologie d’Eindhoven TU/e, de Tilburg et d’Amsterdam, l’institut Hollandais de Technology Sureté et Sécurité DITSS et des partenaires privés, des grandes entreprises, comme Philips et Bosch, trouvent là un formidable terrain de R&D. Le « LivingLab » étudie sous la forme collaborative l’impact des facteurs environnementaux (de l’éclairage mais aussi du son, du parfum …) et comportementaux (foule, type de publics…) dans les espaces publics à forte densité, ce qui expliquera l’aspect parfois incongru des données collectées.

Numération dynamique de foule
Numération dynamique de foule

« OpenRemote » un immense laboratoire

D’une part, il y a collecte d’informations en temps réel :

  • densités humaines (compteurs d’entrées/sorties de site) permettant d’estimer finement la population présente,
  • mesures tridimensionnelles de niveaux sonores,
  • indicateurs climatiques, mais aussi
  • densité d’appareils de téléphonie mobile présents sur le site,
  • nombre de places de parking disponibles dans les environs et surtout
  • un monitoring innovant de « l’activité sociale » en suivant les médias sociaux de type Facebook, Twitter, Instagram géolocalisés ou spécifiquement taggés ( #nomdubar).

Il est complété également par un retour d’informations hebdomadaires telles que l’origine des visiteurs :

  • tracking des identifiants de téléphones portables,
  • volume des déchets,
  • indice des types de consommation (fournies par les brasseries)
  • une collecte d’appréciations plus personnelles via des questionnaires aux riverains, services sécuritaires, gestionnaires urbains et propriétaires d’établissements.

Ces Big Data, ayant peu d’intérêt de façon unitaire et individuelle, sont traduits, croisés et reportés sous forme de graphiques en « Data Visualisation » comme des cartes en fausses couleurs, et autres graphes qui peuvent ainsi simplifier l’identification des besoins (sécurité, concentration de la densité etc….) et la détection des facteurs et situations d’escalades (amplification des problématiques).

Visualisation des données
Visualisation des données

Éclairage connecté et intelligent

D’autre part, le système s’appuie sur les bases de connaissances comportementales de la lumière que nous connaissons tous comme :

  • la colorimétrie et l’effet apaisant/excitant de certaines couleurs,
  • l’impact sécuritaire ou non des niveaux d’éclairement…

Ainsi en temps réel, l’opérateur (qui est aussi un expérimentateur) visualise et peut ajuster, point par point, des facteurs comme la densité de lumière, la couleur, mais également agir sur la présence policière, le niveau sonore… le tout pour faciliter la désescalade et limiter la gravité des problèmes.

Analyse des facteurs d'escalade sur un week-end
Analyse des facteurs d’escalade sur un Week-End

Enfin, il y a l’expérimentation et l’amélioration des performances du système, dans laquelle la base de connaissances, la base de données, ainsi que la réussite ou non des solutions apportées précédemment permettent une recherche et une sensibilité accrue aux pré-signaux permettant l’anticipation voire la prévention.

Présentation poste de contrôle Open-Remote Stratumseind Crédit Frank van Beek - Philips
Présentation poste de contrôle Open-Remote Stratumseind – Photo : Frank van Beek – Philips

Pour en savoir plus

Une vidéo de présentation en Anglais

Télécharger également le présentation de Eindhoven (en anglais) d’où sont issus les visuels.

Bien sûr ce type de pilotage est particulièrement lourd et ne sera pas décliné dans la rue résidentielle du coin car elle correspond à une problématique très particulière, cependant il faut le voir au même titre qu’un « concept-car », une recherche et une mise en œuvre tous azimuts qui fera émerger les technologies qui seront intégrées dans la révolution lumineuse de demain, et qui permettront une gestion plus fine des ressources et des bénéfices apportées par la lumière (au-delà de sa fonction « d’éclairer »).

Une longueur d’avance qui pose question

Mais se pose le problème de la confidentialité et de l’usage et le croisement à grande échelle de données semi-privées par leur côté Big-Brother. Exemple : les identifications des téléphones portables à grande échelle permettent de cibler des profils socio-types des utilisateurs (exemple : résidents habituellement détectés sur les antennes relais du centre-ville ou en provenance d’autres quartiers (des « non-locaux »), catégories d’utilisateurs selon le type de terminaux. Une mise en algorithmes a par exemple déjà corrélé que la densité de population « non habituellement localisée »  (entendre les nouveaux venus ou non-résidents qui ne sont donc pas habituellement connectés aux antennes relais du centre ville) et le beau temps avait un impact sur le type d’incidents…

Nous suivrons et vous tiendrons informés sur ce projet innovant. Et vous, qu’en pensez vous ?

Approfondir le sujet

Photo en tête de l’article : Stratumseind, Eindhoven, Pays-Bas © Chris Durst, Flickr

Lieu

  • Stratumseind
  • Eindhoven, Pays-Bas

Équipe du projet

Laboratoire de recherche Living lab

Poursuivez votre recherche

Concepteur lumière et gérant de l’agence L’Acte Lumière depuis 2001, Jean-Yves Soëtinck est dans le monde de l’éclairage depuis 1997, et noctophile depuis bien plus. Ses centres d’intérêt sont l’espace urbain, la portée culturelle de la lumière et sa touche de magie, de l’éclectisme, de la poésie nocturne et la part d’ombre en toutes choses.
  • Une expérimentation de ce que peut être la rue connectée du futur, et le futur c’est déjà demain.
    Pose les questions sur ce que l’on veut, ce que l’on ne veut pas, les limites du droit à l’oubli numérique, etc.
    Intéressant en tout cas.

    • Et Google (toujours) nous prépare un avenir bien « cadré » avec la création d’algorithmes intelligents pour dessiner des cartes « sécuritaires » de plus en plus précises… sur lesquelles les opérateurs publics pourront s’appuyer…

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