Maison d’Ampère dans les Monts d’Or, mémoire de l’électricité
La France est un pays littéraire. En témoigne la longue liste de maisons d’écrivains. Les visiteurs pénètrent dans l’intimité des auteurs et espèrent y déceler quelques clés d’interprétation de leurs œuvres. Pour les demeures de grands scientifiques, l’équation semble plus complexe. Comment un lieu peut-il suggérer la rationalité d’un raisonnement ou la sérendipité d’une découverte ? Prenons l’exemple célèbre de Newton : ses découvertes géniales initiées en 1666 ne sont-elles pas liées à la maison familiale de Woolsthorpe où l’étudiant de Cambridge était confiné en raison de l’épidémie de peste qui ravageait alors l’Angleterre ? Qu’en est-il de la Maison d’Ampère au nord de la Métropole de Lyon sur les Monts d’Or, labellisée Maison des illustres depuis 2013 ?
Maison d’Ampère et une formation dans l’esprit des Lumières
Poleymieux n’est pas le Woolsthorpe d’Ampère. Maison bourgeoise, le savant y passe une grande partie de sa jeunesse mais sans y faire ses célèbres découvertes en électrodynamique. On y devine malgré tout une éducation dans l’esprit des Lumières. Le musée Ampère a d’ailleurs reconstitué une collection complète de l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Cette collection n’a pas appartenu à la famille, sa présence à Poleymieux permet de souligner ses centres d’intérêt très éclectiques, et ses connaissances que l’on peut justement qualifiées d’encyclopédiques.
Deux événements tragiques vont marquer la jeunesse d’Ampère. Son père, pourtant favorable aux débuts de la Révolution, est guillotiné en 1793 à la suite des vicissitudes de la Terreur. En 1799, André-Marie se marie avec Julie Caron qui habitait dans le voisinage de Poleymieux. Mais celle-ci meurt en 1803 et le laisse désemparé. Le savant quitte la région Lyonnaise pour Paris, l’année suivante.
André-Marie Ampère à Paris, capitale scientifique
La France est un pays centralisé. En ce début du XIXe siècle, tous les grands savants français se trouvent à Paris. Parfois difficilement, ils arrivent à financer leurs recherches et peuvent se confronter à leurs pairs. L’effervescence a lieu dans le quartier latin entre :
- la nouvelle école polytechnique. Il y enseigne de 1803 à 1828.
- l’Académie des sciences. Il y entre en 1814.
- le Collège de France. Il y obtient une chaire en 1825.
D’abord recruté en tant que professeur de mathématique, Ampère s’intéresse aussi à la chimie et à bien d’autres domaines en sciences et en philosophie. Avec Arago et Fresnel, ils vont imposer une nouvelle physique, bien challengés par les tenants de la physique newtonienne que beaucoup pensaient insurpassable.
15 jours miraculeux du courant électrique à l’électromagnétisme
Newton était âgé de 24 ans lors de son Annus mirabilis, année miraculeuse, passée en solitaire à Whoolstorpe. En 1820, Ampère a 45 ans et est un professeur reconnu et aguerri aux controverses qui animent la communauté scientifique à Paris. Il va s’attaquer à un domaine dont il n’est pas spécialiste et va le révolutionner en quelques semaines de bouillonnement intellectuel.
La chronologie est ici importante. Tout commence au Danemark où Oersted publie en juillet 1820 les détails d’une expérience intrigante : « une aiguille aimantée change de direction par l’influence d’un appareil voltaïque, et cet effet a lieu lorsque le circuit est fermé et non interrompu ». L’expérience est reproduite avec succès à Paris par Arago lors de la séance à l’Académie du 11 septembre à laquelle Ampère assiste. Lors de deux communications à l’académie, les 18 et 25 septembre, il va apporter des interprétations audacieuses et décisives à l’expérience d’Oersted :
- Pour Ampère, l’effet observé est dû à un courant électrique circulant dans le fil conducteur reliant les deux bornes de la pile. C’est la première fois que cette notion apparait.
- Selon lui, ce courant produit du magnétisme dans une direction transverse par rapport au fil ce qui fait dévier l’aiguille.
- Par analogie, le magnétisme terrestre ou celui d’un aimant serait dû selon Ampère à des boucles de courant électrique dans la matière.
- Réciproquement, en mettant en série des spires de fil électrique, Ampère invente ce qu’il appelle un solénoïde qui, alimenté, possède des propriétés magnétiques similaires à celui d’un aimant droit.
Ampère le « Newton de l’électricité »
Après cette fulgurance, Ampère va s’atteler à convaincre la communauté scientifique en proposant un formalisme mathématique décrivant les phénomènes. L’aboutissement de ses recherches est publié en 1826. Sur l’étude des effets couplés de l’électricité et du magnétisme, d’autres savants prendront le relai en particulier le britannique Mickaël Faraday. Dans les années 1860, l’écossais James Clerk Maxwell fait la synthèse de tous les travaux en électromagnétisme et les résument en quelques équations. Impressionné par les découvertes d’Ampère 40 ans plus tôt, Maxwell qualifie le savant français de « Newton de l’électricité ».
Maison d’Ampère, mémoire de l’électricité
Comment présenter les découvertes d’Ampère dans sa maison de jeunesse à Poleymieux ? La bâtisse a été acquise par la SEE (Société de l’électricité, de l’électronique et des technologies de l’information et de la communication) en 1928, et transformée en 1931 en un musée géré par la Société des Amis d’André-Marie Ampère. Des répliques des expériences d’Oersted, Ampère et Faraday ont été conçues dès l’origine dans le même esprit que celles du palais de la découverte à Paris, inauguré également dans les années 1930. Des boutons permettent aux visiteurs de fermer des circuits électriques. Des aiguilles qui bougent, des fils qui s’attirent… les effets ne sont guère spectaculaires pour nos yeux contemporains. Il faut donc lire les courtes explications très didactiques associées à chaque expérience pour retrouver l’étonnement des savants des débuts de l’électricité et comprendre leur démarche.
La maison d’Ampère est aussi un musée de l’électricité. Dans de nombreuses salles sont exposés des instruments électriques antérieurs aux découvertes d’Ampère comme les machines électrostatiques de Ramsden, ou postérieurs comme la machine de Gramme. Plus globalement, le musée présente les grandes applications de l’électricité, en privilégiant le patrimoine local. L’éclairage était, dès l’origine, un des usages principaux de l’électricité. Les visiteurs seront surpris par l’imposant jeu de gradateurs ayant servi pour la conception lumière au théâtre des Célestins à Lyon, ou encore par cette belle lampe à filament d’Edison utilisée pour l’éclairage de la place des Terreaux, toujours à Lyon vers 1889.
Infos pratiques
- Musée Ampère, maison d’Ampère
- 300 Route d’Ampère
- 69250 Poleymieux-au-Mont-d’Or
- Bus : Ligne 84, Vaise-Neuville
- Arrêt : parking Maison Ampère
Horaires d’ouverture
- Samedi de 14h à 18h,
- Dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h
- En juillet et août : mercredi, jeudi et vendredi de 14h à 18h.
Approfondir le sujet
Équipe du projet
Lieu
- Maison Ampère
- Poleymieux-au-Mont-d'Or, France