« Nous sommes des êtres d’espace » Christian de Portzamparc
Christian de Portzamparc : « quand j’ai commencé à regarder l’architecture, j’étais lycéen à Rennes. Je voyais autour de la ville se construire ces nouvelles cités […] Le nouveau, la modernité et le progrès étaient, à cette époque-là… un enthousiasme. C’est seulement dans les années 60, quand j’étais étudiant, j’ai commencé à me poser la question et à regarder la ville autrement ».
Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1969, « j’ai travaillé dans un groupe de psycho-sociologie et j’analysais les rêves et les réponses des gens qui habitaient les nouveaux ensemble en 1971-72 » explique Christian de Portzamparc.
« Je me posais la question : à quelle distance on doit mettre deux immeubles ? La lumière, les mouvements, la vie est aussi importante. L’espace intérieur est aussi important que l’espace extérieur de l’habitat ».
En 1980, l’architecte crée l’Atelier Christian de Portzamparc.
« L’îlot ouvert, c’est une manière de réinventer une rue »
« L’îlot ouvert, c’est une manière de réinventer une rue :
- qui n’est pas une rue corridor,
- qui n’oblige pas les architectes à faire des mitoyens et juste des façades,
- qui leur donne une liberté,
- qui permet à différents programmes de ne pas être à côté l’un de l’autre,
- mais d’être unifiés par un espace public, un, et le multiple qui est autour ».
« Le travail de création m’intéresse le plus. Même au loin avec l’iPad, je dessine et je réponds. Je fais mes croquis et ils sont envoyés aussitôt. J’aime bien ça ».
« Le travail de création m’intéresse le plus »
Ensuite, j’aime retourner voir comme ça vit, comme ils se l’approprient. […] Pour moi, l’architecture est un art. C’est un art de la vie, c’est fait pour vivre mieux ».
Christian de Portzamparc, réalisations années 1974 à 2010
« Dans ma vision, je n’ai jamais séparé l’architecture de l’urbanisme. On est toujours dedans dehors ».
« Élève de Eugène Beaudoin et Georges Candilis, je suis allé voir tous les bâtiments de Le Corbusier pendant que je faisais mes études d’architecture.
« Le site est plus important que le programme »
Dans les années 60, on avait invité Françoise Choay à venir nous parler de la ville. On ne pouvait pas se limiter à la question des architectes modernes. On commençait à comprendre que le site est plus important que le programme ».
Gilles Davoine : « dans l’architecture contemporaine, on a tendance à valoriser les matières, les lumières, mais vous, vous parler d’espace, de la persévérance de la forme et l’espace ».
Christian de Portzamparc : « l’erreur est de séparer forme et espace, matière et lumière ».
« Nous sommes des êtres d’espace, c’est très important de parler d’espace. Les mots espace et vide sont très difficiles à faire passer. Les danseurs savent ça très bien ce qu’est le vide ».
« Les danseurs savent très bien ce qu’est le vide »
« Le mot forme est un « gros mot » chez les architectes. […] Une forme a un intérêt si elle apporte une qualité supplémentaire pour la vie. Je garde une chose que si elle a une raison d’être. […] Une forme, c’est quelque chose qui structure notre perception.
Christian de Portzamparc, réalisations et projets de 2011 à 2017
« Les habitants sont très importants ; les usagers en général. On a une réponse par rapport au programme, on doit le questionner par rapport aux usages ».
Thierry Van de Wyngaert : est-ce qu’il existe une forme de lassitude à toujours être au sommet depuis 40 ans ? Comment organises-tu tes journées ?
Christian de Portzamparc : « je n’ai pas l’impression d’être au sommet, car il y a les autres et puis on reçoit sa dose de critique. On a la chance que chaque projet soit diffèrent. Mon équipe est très importante. On s’amuse aussi ».
« Concevoir, convaincre et construire »
« On a différents métiers, concevoir, convaincre et construire. Le plus agréable, c’est concevoir, j’aime bien être à l’atelier ».
Yves-Laurent Sapoval : « ville intelligente, la ville 2.0. Certains disent que tout cela se modifie, que l’on perçoit la ville sur nos écrans… Ce n’est pas la première fois qu’on anticipe les changements de la ville. Vous êtes un grand penseur de la ville. J’aimerais connaitre votre opinion sur ces évolutions ».
Christian de Portzamparc : « l’Internet a développé de grandes villes comme Istanbul ou Mexico, mais on arrive à des dimensions qui ne marchent plus. Les révoltes à Rio ou ailleurs sont venues de la question du transport, de la question d’espace ».
« Nous sommes des êtres d’espace »
« La technique nous permettra toujours d’avoir des prothèses et des artefacts qui feront avaler l’espace et transformer notre capacité de nous déplacer,… Toute la technique nous transforme profondément dans nos relations humaines ».
« Bien sûr, on a tous des GPS, des iPad,… Nous sommes des hommes du cyber, de la révolution industrielle, mais nous sommes aussi encore des hommes du néolithique. Nous sommes des êtres d’espace ».
Approfondir le sujet
- Christian de Portzamparc, Atelier Christian de Portzamparc, agence d’architecture
- Gilles Davoine, Rédacteur en chef AMC, Le Moniteur d’Architecture
- Yves-Laurent Sapoval, Architecte , Urbaniste, ancien de la Délégation interministérielle à la ville
- Thierry van de Wyngaert, Président, Académie d’Architecture
- Etienne Gernelle, Directeur de la rédaction, Le Point
- Christophe Cuvillier, Président du Directoire, Unibail-Rodamco
- Ricardo Bofill aux Mardis de l’Architecture, Paris
Lieu
- Unibail-Rodamco
- Paris, France