Nuits grises à Vladivostok en Russie pour un workshop
Vladivostok en Russie pour un workshop étudiant. Des collines vertes, non habitées, à perte de vue, qui s’étirent jusqu’à la mer du Japon en un archipel aux formes complexes, c’est le spectacle qu’offre l’arrivée en avion à l’aéroport de Vladivostok (qui signifie littéralement « qui domine l’Est / l’Orient »), capitale du Kraï du Primorie dans la région de l’extrême Orient Russe en Sibérie, autrefois terminus du célèbre et mythique chemin de fer Transsibérien.
Fondée en 1859, sur un territoire occupé initialement par des peuples indigènes (Nani, Udeghes et Orochi), la ville qui compte aujourd’hui environ 600.000 habitants est devenue le port industriel et militaire le plus important de la côte Pacifique, situé à proximité des frontières avec la Chine et la Corée du Nord, face au Japon, et donc au cœur d’enjeux diplomatiques et commerciaux majeurs.
Urbanisme et atmosphère urbaine
Dotée d’un plan d’urbanisme à la fin du 19e siècle qui obligeait les constructions à se superposer pour libérer la vue sur la mer, elle se développa ensuite après la révolution soviétique en empilant les immeubles sans plus se soucier des cônes de vues maritimes pour fournir au peuple des logements en grande quantité.
La ville s’étage donc aujourd’hui de manière chaotique sur une baie abritée appelée la Corne d’Or (Zolotoï Rog). Elle offre un mélange hétéroclite d’architectures européennes du 19e siècle, de façades Art Déco et de nombreux bâtiments résidentiels et de bureaux, très laids, légués par le régime soviétique.
La visite en 1959 de San Francisco par Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire du Parti communiste de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), le convainquit de développer Vladivostok en copiant ce modèle américain. Mais il faut aujourd’hui beaucoup d’imagination pour reconnaître San Francisco dans le paysage urbain de Vladivostok, sauf peut-être dans les rues très en pente qui la parcourent ou quand la brume marine envahit et recouvre presque complètement la ville de jour comme de nuit.
C’est ce climat perpétuellement nuageux et cette ambiance brumeuse floue qui donne sa couleur grise à la ville, percée quelques rares fois par les coupoles dorées des églises orthodoxes existantes et en construction (comme la Cathédrale de la Transfiguration dont les gigantesques coupoles dorées sont actuellement posées par terre en attendant de rejoindre les sommets de l’édifice).
Étonnamment, le tigre Amour de Sibérie (le plus grand félin au Monde) est le totem de la ville (comme l’est le panda à Chengdu dans le Sichuan chinois) et à ce titre représenté un peu partout en peinture comme en sculpture. Ils bénéficient même d’un festival dédié le 23 septembre où tout le monde est invité à se déguiser en orange et noir.
Bien que située en Sibérie, Vladivostok est une ville très au Sud. Elle se trouve à la même latitude que Biarritz. Les nuits n’y sont donc pas si courtes même en plein mois de juin (coucher du soleil à 21h et lever à 5h30). Nous sommes loin des nuits blanches de Saint-Pétersbourg et on a donc du mal à imaginer la ville en plein hiver, avec des températures de -20° à -30°, surplombant une mer complètement gelée.
En 2012, deux ponts à haubans (le pont de l’île Rousski et le pont du Zolotoï Rog) ont été mis en service pour améliorer la circulation routière dans le cadre d’un important programme de modernisation et de développement des infrastructures de la ville.
Paysage nocturne de la ville
Comme beaucoup de villes au développement rapide, les infrastructures routières en mauvais état et leurs éclairages fonctionnels dominent de jour et de nuit le paysage urbain, ne laissant pratiquement pas de places aux piétons.
Le paysage nocturne est colonisé par la lumière orangée des lampes au sodium haute pression et compte tenu des nombreux secteurs militarisés interdits aux habitants qui donnent sur la baie, des éclairages puissants, fonctionnels et de sécurité, percent un peu partout la nuit portuaire soulignant les coques grises peu avenantes des navires militaires.
Il y a heureusement quelques tentatives d’ambiances lumineuses différentes et originales sur les rares fronts de mer accessibles au public (baie de l’Amour qui accueille le fleuve Amour, le plus grand de Sibérie).
Et les éclairages privés des bars et des restaurants apportent un peu de gaieté et des couleurs au décor nocturne trop souvent uniforme.
Workshop sur la zone portuaire
Le workshop sur le paysage nocturne portuaire de Vladivostok, que j’ai dirigé pendant quelques jours, était organisé par Vladimir Karpenko, professeur au département Architecture, Environnement et Design de l’Université de l’Extrême Orient Russe (FEFU), dont l’immense Campus construit en 2012 sur l’île russe accueille aujourd’hui plus de 20000 étudiants.
La visite nocturne de la ville a démarré sur un belvédère qui domine la baie. Elle nous a permis d’analyser et de comprendre les impacts lumineux des différents types d’éclairages fonctionnels portuaires et d’inventorier tous les types de sources et les nouveaux éclairages architecturaux en LED en plein essor qui tentent de redessiner la silhouette nocturne relativement banale de la ville.
Lors de ce workshop, la question de l’illumination ou non du pont du Zolotoï Rog, pour l’instant non illuminé, a été débattue avec des avis très variés et très contrastés des étudiants. Les sujets de la pollution lumineuse et de l’obscurité étant là, comme partout ailleurs dans le monde, de plus en plus sensibles pour ces jeunes urbains.
La perte de vue à la nuit tombée des reliefs si caractéristiques de la ville et notamment des collines qui sont dotées ici d’un nom spécial en russe a aussi suscité un grand débat parmi les participants du workshop.
Ces étudiants, de niveau Licence et Master, qui découvraient la conception lumière se sont très vite passionnés pour les potentiels de la lumière urbaine et pour les interactions possibles qu’elle laissait entrevoir avec leurs études actuelles et leurs futurs métiers.
Approfondir l’éclairage en Russie
Livres
La lumière et le paysage, créer des paysages nocturnes, de Roger Narboni
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Lieu
- Vladivostok, Russie