Il serait tentant de représenter la réflexion de la lumière par la matière comme le rebond d’une balle sur un sol. Si l’analogie n’est pas dénuée de sens – le rebond peut être plus ou moins fort ; il peut avoir de l’effet – elle ne traduit pas toute la diversité des interactions entre une onde électromagnétique (la lumière) et un ensemble de charges électriques (la matière). Nous essayons ici de classifier ces interactions. Les schémas accompagnant les illustrations indiquent les propriétés de réflexion pour une lumière arrivant avec une direction incidente notée i.
Reflet métallique et reflet vitreux
Malgré la grande variété d’effets visuels que nous observons dans la vie quotidienne, nous ne distinguons, par leurs propriétés optiques, que deux grandes familles de matériaux : les métaux et les autres. Les métaux, tels qu’une plaque d’argent ou d’aluminium, réfléchissent une très grande partie de la lumière quelle que soit l’orientation de celle-ci dans la direction miroir.
La plupart des autres matériaux se comporte comme du verre. Pour une illumination frontale, ils sont très peu réfléchissants : 4% seulement de la lumière est réfléchie (et donc 96% transmise) par une interface air/verre. Les proportions s’inversent pour des orientations très rasantes de la lumière incidente. Entre les deux configurations, il peut y avoir une confusion entre ce qui est réfléchi et ce qui est transmis comme illustré sur la figure suivante.
Effets de surface de la matière
Plus une surface devient rugueuse, plus la lumière réfléchie est diffusée autour de la direction miroir. Le matériau est moins brillant et l’image réfléchie plus floue.
Quand l’état de surface présente des directions de rugosité privilégiées, la lumière diffusée est modifiée par rotation de la surface. Pour une surface rayée par exemple, la lumière est fortement diffusée lorsqu’elle arrive dans un plan perpendiculaire aux rayures, et réfléchie dans la direction miroir lorsqu’elle arrive dans un plan parallèle aux rayures.
Il est possible de structurer la surface de telle sorte que la lumière revienne vers la direction incidente. Cette rétro-réflexion est obtenue par des revêtements constitués de micro-prismes ou micro-billes. Elle est utilisée sur des vêtements ou des panneaux de sécurité routière pour être vu de nuit par un conducteur utilisant ses phares.
Matière mate, satinée, brillante
C’est donc essentiellement la rugosité de l’interface supérieure d’un matériau qui impacte son aspect brillant. L’aspect mat d’un matériau provient de la diffusion de la lumière soit par une interface très rugueuse, soit après pénétration à l’intérieur du substrat. Les matériaux les plus mats sont d’ailleurs souvent poreux.
Un matériau lambertien (du nom de Johann Heinrich Lambert qui formalisa la photométrie au XVIIIe siècle) modélise un matériau mat qui diffuserait la lumière de manière égale dans toutes les directions. Ce comportement idéal est quasi-systématiquement utilisé par les logiciels de simulation d’éclairage pour modéliser la diffusion de la lumière sur les parois d’une salle. C’est aussi le cas pour un revêtement blanc très diffusant d’une sphère d’intégration utilisée pour la mesure du flux lumineux émis par une lampe.
La réflexion sur des matériaux satinés ou brillants présente deux composantes : le reflet, généralement incolore, sur l’interface supérieure du matériau, et la partie diffuse qui peut être colorée liée à l’absorption et la diffusion de la lumière par des particules dans le volume du matériau.
Origines des couleurs
La lumière blanche se colore rarement par diffusion à l’exception notable de la diffusion par les particules atmosphériques à l’origine du bleu du ciel. Ce régime de diffusion se produit quand les particules diffusantes sont de l’ordre du nanomètre. Cette propriété se retrouve avec l’aérogel, matériau solide poreux présentant une très faible densité. La couleur bleue de l’aérogel est visible par diffusion.
L’origine des couleurs d’un matériau est plus souvent due à ses propriétés d’absorption. La couleur correspond aux rayonnements non absorbés, et donc diffusés par le matériau. On parle alors de couleurs pigmentaires.
La lumière absorbée par la matière est généralement « perdue » dans des effets thermiques. Ce n’est pas le cas pour la photoluminescence où le rayonnement absorbé (typiquement dans l’ultraviolet) peut être converti en un rayonnement visible.
Des couleurs peuvent aussi être produites par des matériaux non absorbants et incolores. Des structures périodiques présentant des périodes d’une centaine de nanomètres peuvent en effet créer de la coloration par interférence ou diffraction. C’est le cas de la nacre, superposition de couches minces de carbonate de calcium.
Transparent, translucide, opaque
Outre le brillant et la couleur, la translucidité est un autre attribut d’apparence lié aux propriétés de diffusion du matériau. Elle est liée à la pénétration de la lumière dans la matière et sa réémergence dans le voisinage de la position d’entrée.
Cet effet de translucidité des matériaux peut se manifester aussi dans le cas d’un revêtement transparent telle une couche de vernis sur un fond opaque.
Etats de translucidité des matériaux
Il est commun de représenter les états de translucidité sur une échelle unidimensionnelle entre les deux situations extrêmes que sont la transparence et l’opacité. Nous estimons que cette représentation ne distingue pas les natures différentes des oppositions transparence/translucidité et translucidité/opacité. Un matériau est translucide/non transparent quand il diffuse la lumière. Un matériau est translucide/non opaque quand il laisse passer une partie de la lumière par transmission. L’opacité d’un matériau dépend donc également de son épaisseur.
Pour traduire toute la richesse des états de translucidité, nous en proposons une représentation tridimensionnelle, par exemple sous forme cubique. Les trois dimensions correspondent à des propriétés optiques du matériau : l’absorption, la diffusion de surface et la diffusion de volume. La figure précédente représente schématiquement le système proposé et des rendus en synthèse d’images correspondant à des états de translucidité le long des trois axes.
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Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis
2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers
: cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des
sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière
matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et
l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications
: films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou
vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition
du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.