Saint-Pétersbourg : lumières, passions et créativité en Russie
Partir vers le Nord en octobre, vers les confins septentrionaux, est toujours une aventure qui laisse présager du mystère, des brumes, des matins froids et des nuits longues et glacées, mais aussi des lumières étonnantes, une clarté et une transparence inégalables.
Saint-Pétersbourg, située dans le delta de la Neva, au fond du golfe de Finlande dans la mer Baltique, offre tout cela à la fois. Cette ville muséale, aux façades colorées et richement ornementées, horizontales et normées, qui se reflètent dans un lacis de canaux et dans les eaux bleues de la Neva, est à la hauteur de sa réputation qui fait et a fait rêver nombre de voyageurs. Moi le premier, puisque j’avais souhaité m’y rendre dès 1969, lors d’un grand voyage vers le Cap Nord en Scandinavie, mais dont je fus hélas empêché par l’administration soviétique trop tatillonne de l’époque.
Lighting design 2015
L’invitation à y donner une conférence dans le cadre de l’événement scientifique international « Lighting design 2015 » ayant pour thème « la culture lumière » ne pouvait donc pas se refuser. L’événement était organisée avec dynamisme et brio par :
- Natalia Bystriantseva, jeune conceptrice lumière, de l’union Russe des concepteurs lumière, RULD, directrice du Creative Lighting Design Master à l’Université ITMO de Saint-Pétersbourg, et aidée par,
- Elena Lekus, artiste et professeur en art plastique.
Cette université est l’une des cinq plus grandes de Russie. Avec plus de 13 000 étudiants, est reconnue comme la plus prestigieuse dans les domaines des technologies de l’information et de la photonique. Il y a trois ans, cette université a décidé, de manière très originale, de créer en son sein :
- un Master de conception lumière (en deux années d’étude et de recherche),
- des programmes Post-Graduate et de formation professionnelle,
- un laboratoire international sur la lumière urbaine et architecturale,
proposés aux étudiants ingénieurs ayant déjà effectué quatre années dans l’université.
Ce premier colloque international sur la culture de la lumière, couplé à un tout jeune et encore embryonnaire festival des lumières, réalisé par les étudiants du Master dans un grand parc en centre-ville, offrait donc l’occasion :
- de rencontrer des concepteurs(trices) lumière russes et étrangers,
- des professeurs d’autres universités,
- de faire le point sur le programme du Master de Saint-Pétersbourg,
- de découvrir les premières recherches et réalisations in situ des étudiants,
- de montrer ainsi la vitalité, la passion et la curiosité des jeunes russes pour ce matériau lumière et les nombreuses possibilités qu’il offre dans la ville et l’architecture.
Les conférences, bien que de niveaux variables, étaient très intéressantes. Elles m’ont donné l’occasion de découvrir l’état et l’image nocturne actuelle de Saint-Pétersbourg qui abrite avec ses banlieues près de :
- 9 millions d’habitants,
- 230 000 points lumineux
- 427 illuminations,
- 103 GWh de consommation électrique annuelle globale en 2014, réduite de 19% par rapport à celle de 2009.
J’ai aussi découvert les passions d’étudiants russes en conception lumière pour mieux comprendre la pollution lumineuse, la colorimétrie, les potentiels des LED ou le rôle que peuvent jouer en Russie les Schémas directeurs d’aménagement lumière et enfin l’épopée d’un artiste russe, aujourd’hui très âgé mais toujours amoureux de la lumière, qui a participé activement au développement du mouvement cinétique.
La visite de ce premier festival des lumières m’a permis, dans un froid glacial, de découvrir des petites créations lumière, un peu bricolées mais très originales et interactives, qui ont fait le bonheur des jeunes russes, hélas tout autant accros aux « Selfies » de leur téléphone que tous les jeunes de notre planète.
Enfin, la découverte nocturne de Saint-Pétersbourg m’a fait constater l’académisme et le classicisme des illuminations de la ville, qui déploient de manière systématique, continue et très ostentatoire, des centaines de projecteurs qui émettent en contre-plongée de la lumière « blanche ». Parfois teintée des nuances verte ou rose des vieilles lampes aux iodures métalliques sur les façades historiques ornementées, en s’inspirant du médiatique et très outrancier premier plan lumière lyonnais qui a hélas essaimé dans beaucoup trop de villes historiques.
Cette « homogénéité » pesante des illuminations Saint-Pétersbourgeoises, où règne une forme de dictature du blanc patrimonial, tétanise les jeunes concepteurs lumière russes qui aimeraient pouvoir se libérer de cet académisme et proposer des concepts décomplexés, innovants et originaux. Ils pourront sûrement mieux les appréhender demain grâce à des contacts et des rencontres plus fréquentes avec leurs collègues étrangers.
L’identité, la culture lumière et le paysage nocturne Saint-Pétersbourgeois restent donc à inventer, ce que semble aussi souhaiter le Maire de la ville, présent au Festival des lumières et qui fût ravi de découvrir le monde que ce premier événement nocturne avait attiré.
C’est tout le mal que l’on souhaite aux concepteurs(trices) lumière russes pour imaginer le futur de leur ville nocturne, si étonnante et si excitante, dans les brumes humides des crépuscules boréals.
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Concevoir la lumière comme un levier de développement touristique
Croiser les regards de concepteurs lumière, d’élus, de dirigeants municipaux et du tourisme. Des expériences et témoignages de villes à travers le monde. |
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Équipe du projet
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Lieu
- Saint-Pétersbourg, Russie