Soleils Noirs au Louvre-Lens, parcours de l’exposition lumineux
L’exposition Soleils Noirs au Louvre-Lens plonge d’emblée le visiteur dans une expérience du noir. Omniprésent dans les phénomènes de la nature, le noir a nourri de tout temps les artistes, cherchant à retranscrire dans leurs oeuvres cet éveil des sens.
« Le noir est la couleur du tout et du rien. La couleur du néant, de la mort, des possibles et de l’impossible, de l’infini et du vide. Il ouvre sur d’autres mondes, invite à la rêverie, à la contemplation. Ce noir, qui fascine autant qu’il effraie, n’a cessé d’éveiller les sens et les imaginaires des hommes et des artistes ».
Jean-Luc Martinez, Président-directeur général, musée du Louvre
Commissariat d’exposition
Conçue par le Louvre-Lens, le commissariat de l’exposition Soleils Noirs regroupe cinq experts du musée :
- Marie Lavandier, conservateur général du patrimoine, directrice du Louvre-Lens,
- Juliette Guépratte, historienne de l’art, directrice de la stratégie, chargée de l’art contemporain au Louvre-Lens,
- Luc Piralla, conservateur du patrimoine, directeur adjoint
du Louvre-Lens, - Alexandre Estaquet-Legrand, chargé de recherches au Louvre-Lens.
- Mathis Boucher, architecte scénographe, musée du Louvre-Lens.
Parcours de l’exposition Soleils Noirs
Poétique et sensorielle, l’exposition offre une rencontre inédite avec plus de 140 chefs-d’oeuvre croisant les époques et les disciplines. Près de 75 ans après l’exposition mythique Le Noir est une couleur, elle propose de plonger dans l’observation fascinante de cette tonalité au symbolisme pluriel dans les arts occidentaux, de l’antiquité à nos jours. Couleur du paradoxe, le noir est-il une absence de lumière, un vide, une somme réjouissante de toutes les couleurs, un éblouissement ?
Entre peinture, mode, arts décoratifs, projections et installations, Soleils noirs interroge les paradoxes du noir et les mille manières dont il a inspiré les artistes, de l’Antiquité à nos jours : Botticelli, Véronèse, Ribera, Delacroix, Courbet, Manet, Rodin à Kandinsky, Matisse, Malévitch, Reinhardt, Hirst, Soulages, avec des pièces des créateurs Jeanne Lanvin et Yohji Yamamoto.
Pierre Soulages – OutrenoirBroché : 80 pages – Editeur : Perrotin |
L’expérience du noir
Dès le 15e siècle, la nuit devient un sujet de peinture à part entière. Les scènes de pénombre, en extérieur comme en intérieur, constituent un extraordinaire terrain d’expérimentation pour susciter des émotions – comme en témoigne la Sonate au clair de lune de Benjamin Constant, où l’artiste révèle le caractère énigmatique et impressionnant de l’un des plus grands génies de la musique, Beethoven, par une obscurité quasi-complète.
La nuit est propice à l’expression du sublime, avec Joseph Vernet, et permet de faire paraître un monde sans limite, celui des « constellations » de Lucio Fontana. Plus inquiétants ou exceptionnels, les orages et les eaux sombres sont d’autres motifs prompts à révéler la richesse du noir. De Gustave Courbet au vidéaste Ange Leccia, les artistes s’emparent de ces sujets pour exploiter les infinies nuances de cette couleur, dans des compositions qui attirent de façon magnétique le regard.
Absence de lumière née d’une source lumineuse, l’ombre est la fondatrice mythique du dessin et devient chez certains artistes le coeur même de la toile. Le jeu entre noir et lumière les amènent à explorer un type de composition paradoxal, le contre-jour, permettant de questionner leur perception du monde.
Noir et sacré
Le parcours explore également les rapports, structurants mais ambigus, entre noir et sacré. Communément associé aux enfers, depuis l’Antiquité et dans les différentes religions, le noir suscite la crainte et la fascination.
Intimement lié à l’occulte et aux superstitions à partir du Moyen Âge, il prend place au sein d’un imaginaire occidental où s’épanouissent monstres et créatures diaboliques, qu’ont cherché à mettre en images les artistes – des gravures de Félicien Rops et araignées duveteuses d’Odilon Redon au monochrome composé de mouches du plasticien Damien Hirst.
Mages, sorciers et épisodes sombres de chasses aux sorcières par l’Inquisition, ces figures imprègnent les Beaux-arts et la littérature jusqu’à aujourd’hui. On retrouve cette iconographie, au pouvoir obscur et envoûtant, chez Eugène Delacroix représentant Macbeth consultant les sorcières ou Les Trois Sorcières de Johann Heinrich Füssli.
Indissociable des réflexions sur la mort, la couleur noire est utilisée dans les oeuvres traitant de sujets religieux pour représenter les « passions » ou encore des « vanités ». Par un usage sensible du clair-obscur, qui se développe au 17e siècle, les artistes font émerger des ténèbres des corps souffrants et en restituent les atmosphères dramatiques – telle la Descente de Croix au flambeau de Rembrandt, Le Calvaire de David Téniers. Dans une oeuvre hommage, La Pietà, Hippolyte Flandrin accentue l’intensité dramatique de son tableau, en représentant une mère presque sans visage, se détachant à peine du fond sombre de la toile, penchée sur le corps de son fils.
Noir social
Le noir revêt une dimension sociale. Considéré comme couleur de la salissure et de la faute par les sociétés chrétiennes, le noir va progressivement changer de statut pour devenir un symbole de puissance. Le coût élevé des procédés de teinture qui se développent au 15e siècle et permettent la création de textiles aux noirs éclatants en font un attribut réservé aux hautes strates de la société, qui n’hésitent pas à se faire portraiturer vêtues des étoffes les plus rainées.
En Italie, Véronèse s’attache à représenter le noir du deuil qui s’imposera définitivement en France par la suite. Au 19e et 20e siècles, sous les doigts experts de grands couturiers comme Jeanne Lanvin ou encore Yohji Yamamoto, le noir acquiert ses titres de noblesse, avant de se diffuser à grande échelle et de devenir le symbole de l’élégance et de la modernité. Le noir des velours, satins et autres dentelles, qu’il soit représenté par les artistes comme Edouard Manet ou sublimé au travers de créations textiles, est un hommage chatoyant à l’éclat du coloris.
À l’opposé du luxe des vêtements teints en noir, les peintres donnent aussi à voir la crasse qui noircit les haillons et la peau des nécessiteux. Alors que de profonds changements d’ordre politique affectent au 19e siècle les classes sociales les plus vulnérables, le noir de la rue est choisi par les artistes pour montrer les aspects les plus crus des sociétés modernes et des catégories les plus défavorisées.
Noirs industriels
Le noir industriel trouve un écho particulier au Louvre-Lens, installé au coeur de l’ex-bassin minier. Le noir du charbon, emblématique de l’ère industrielle, marque les visages des mineurs et frappe l’imaginaire collectif. Ces travailleurs des profondeurs, souvent désignés par l’expression « gueules noires », deviennent iconiques de cette modernité. Avec son Tas de charbon, Bernar Venet fait sculpture de ce matériau ordinaire, directement déversé sur le sol, sans dimension ni forme spécifiques.
Les artistes appartenant au Nouveau réalisme, comme César et Arman, dans la seconde moitié du 20e siècle, convoquent également les matières noires a n de révéler la poésie du monde moderne et témoigner d’une réalité nouvelle marquée du sceau de la consommation. En réaction à l’étiolement du miracle industriel, des artistes de l’Arte Povera, tel Jannis Kounellis, privilégient des matériaux humbles, organiques, qui rappellent l’homme à son histoire. Dans l’une de ses pièces, formant un épais matelas, des sacs en toile de jute aux noms de destinations lointaines sont empilés devant un mur peint en noir. Très présente dans l’oeuvre de l’artiste, la couleur renvoie à la suie et au charbon, matériaux de la révolution industrielle des sociétés européennes du 20e siècle.
Noir pour le noir
La recherche du noir pour le noir anime le travail des artistes dès le début 20e siècle. Bien que différentes symboliques soient attachées à cette couleur, les artistes ont su s’approprier les qualités propres au coloris pour en sublimer les textures et les différents effets au travers de compositions où seule la teinte semble se déployer. Le terme de monochrome est communément adopté pour désigner ces créations dominées par le noir. Ad Reinhardt propose une expérience de contemplation, proche de la méditation, dans ses Ultimate Paintings, « les dernières peintures que l’on peut peindre ».
Le noir se fait aussi matière première de la création des artistes, qui l’utilisent comme un écran duquel émergent les formes et les images. Céramique, gravure, impression, peinture : en soustrayant de la matière ou de la couleur à leur support d’expression, les artistes font du noir l’élément fondamental à l’existence de leurs oeuvres.
Peintre, graveur, illustrateur et romancier originaire de Lausanne, Felix Vallotton réalise à partir de 1891 de nombreuses xylographies (gravure sur bois) et lithographies illustrant la société contemporaine. Le Feu d’artifice fait partie de la série de l’Exposition Universelle, une suite de six gravures.
Avec une économie de moyens remarquable, il représente une foule compacte venue assister au feu d’artifice. Le fond noir, qui traduit l’obscurité de la nuit, occupe la majeure partie de l’image tandis que le blanc, qui correspond aux parties gravées dans le bois, apporte la lumière. Avec la simplification des formes, le cadrage et les points de vue originaux inspirés des estampes japonaises ainsi que l’utilisation extraordinaire des fonds noirs, Vallotton participe au renouveau de la gravure sur bois.
Adoptant une démarche radicale, certains artistes comme Kasimir Malévitch, vont volontairement évacuer la narration et la figuration au profit de l’abstraction. Dans ces oeuvres, le noir devient une substance sans cesse réinterrogée, utilisée pour son caractère symbolique autant que plastique.
Presque comme un parachèvement, les outrenoirs de Pierre Soulages déploient toute la richesse, les dualités et la complexité du noir.
Soleils noirs, catalogue d’expositionBroché : 384 pages – Editeur : LienArt, Musée du Louvre – Lens |
En savoir plus
- Exposition « Soleils noirs »
- Du 25 mars 2020 au 25 janvier 2021
- Galerie d’exposition temporaire
- Musée du Louvre-Lens
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Équipe du projet
Lieu
- Louvre-Lens
- Lens, France