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Sous le soleil de La Réunion, le laboratoire PIMENT

La Réunion laisse entrer le soleil dans les bâtiments, mais avec modération. Le laboratoire PIMENT étudie des dispositifs pour moduler la lumière naturelle.
7 décembre 2018

Pour le confort visuel et le confort thermique dans un bâtiment, la gestion de la lumière naturelle est essentielle. Si l’hypothèse d’un climat tempéré est souvent prise par défaut, des chercheurs du laboratoire PIMENT montrent comment adapter le dimensionnement de l’éclairage naturel au fort ensoleillement de La Réunion.

Chaud et humide

Alors qu’en Métropole, la neige et les températures sont tombées, la belle saison débute à La Réunion. Le climat y est tropical : chaud et humide. Mais il faut y ajouter quelques spécificités locales. Dans les hauteurs (le Piton des Neiges culmine à 3000 mètres), il fait naturellement plus frais. Il faut également distinguer la côte Ouest « sous le vent » de la côte Est « au vent ». Cette dernière est également la plus exposée à la pluie.

Carte de pluviométrie (en mm par an) et de température moyenne (en °C) de La Réunion
Carte de pluviométrie (en mm par an) et de température moyenne (en °C) de La Réunion

Pour la conception de nouveaux bâtiments, la réglementation thermique spécifique aux départements d’outre-mer (RTAA DOM) prend en compte la diversité des climats tropicaux.

PIMENT

Joliment baptisé PIMENT (pour Physique et Ingénierie Mathématique pour l’Energie et l’environnemeNT), le laboratoire de recherche universitaire situé au Sud de l’île s’intéresse à la thermique et l’énergétique des bâtiments. La focale est souvent mise sur des problématiques propres à La Réunion. Une équipe de recherche du laboratoire étudie des dispositifs originaux pour apporter ou moduler la lumière naturelle dans des bâtiments. Souvent dimensionnés pour des climats tempérés, ces dispositifs doivent s’adapter aux forts ensoleillements : le soleil en direct peut apporter un éclairement jusqu’à 200 000 lux contre « seulement » 120 000 lux en Métropole. S’il est évidemment plus facile d’obtenir une autonomie suffisante en lumière naturelle, il faut limiter les apports thermiques du soleil.

Une cellule instrumentée

La démarche adoptée par le laboratoire s’appuie sur une étude expérimentale dans une configuration à échelle réelle. Une cellule instrumentée a été installée sur le campus. Il s’agit d’une sorte de cabanon équipé de multiples capteurs comme des thermocouples ou des luxmètres, et configurée selon le dispositif à étudier. Une station météo à proximité permet de relever notamment l’éclairement (en lux) lié à la voûte céleste, incluant ou non l’éclairement direct du soleil.

Cellule instrumentée, dimensionnée pour l’étude d’un conduit de lumière (Light pipe) © laboratoire PIMENT
Cellule instrumentée, dimensionnée pour l’étude d’un conduit de lumière (Light pipe) © laboratoire PIMENT

Light pipe

Parmi les dispositifs étudiés, un light pipe est un conduit de lumière constitué d’un cylindre creux dont la paroi est très réfléchissante. En entrée, un dispositif collecte la lumière qui, une fois transmise, est diffusée en sortie dans la pièce à éclairer. Ces tubes sont en particulier intéressants dans des locaux aveugles. Contrairement aux ouvertures directement zénithales, l’impact thermique est limité. Des systèmes plus élaborés permettent de moduler la lumière du jour, à l’aide d’un diaphragme si celle-ci est trop forte, ou en compensation par un éclairage artificiel dans le cas contraire.

Vitrage thermochrome

Autre sujet de recherche, les vitrages thermochromes ont la particularité d’être transparents à faible température, et de devenir « passivement » opaques au-delà de 40°C. Ils commencent à être commercialisés. Arthur Ah-Nieme en a fait son sujet de thèse. Il a installé une porte-fenêtre thermochrome dans la cellule instrumentée et a montré que la bascule en température, et donc entre les états transparent et opaque, était pilotée par l’éclairement direct. En raison d’un débord de toit, le vitrage présente une non-homogénéité en température et donc en transmittance qui évolue en fonction du jour et de l’heure de la journée.

Cellule instrumentée, dimensionnée pour l’étude d’une porte-fenêtre thermochrome © laboratoire PIMENT
Cellule instrumentée, dimensionnée pour l’étude d’une porte-fenêtre thermochrome © laboratoire PIMENT

Des simulations plus réalistes

Les logiciels usuels de thermique du bâtiment décrivent souvent de manière insatisfaisante ces dispositifs innovants, surtout dans un contexte de fort ensoleillement. L’apport en lumière des light pipes y est surévalué. La possible inhomogénéité des vitrages thermochromes n’est pas envisagée. En s’appuyant sur le logiciel CODYRUN développé en interne depuis plus de 20 ans, Harry Boyer et son équipe proposent des améliorations significatives. Les fabricants de light pipes ou de vitrages thermochromes pourraient s’emparer de leurs résultats pour adapter les performances de leurs produits aux exigences d’un climat tropical.

Chaleureux remerciements à Harry Boyer, Bruno Malet-Damour, Dimitri Bigot, Arthur AH-Nieme, Christophe Maillot pour leur présentation et visite du laboratoire PIMENT les 29 et 30 octobre 2018.

Lieu

  • Laboratoire PIMENT
  • Le Tampon, La Réunion, France

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Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
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