Trame noire augmentée et biodiversité du village olympique 2024
Ombre et lumière. Ou comment concevoir la trame noire du village olympique et paralympique de Paris 2024 ? Sur appel d’offres, Solideo missionne l’architecte-urbaniste Dominique Perrault et les paysagistes de l’agence Ter. Après avoir élaboré un plan-guide d’aménagement du village en décembre 2018, démarre la phase d’étude de faisabilité. Les prescriptions architecturales des îlots en structure bois sont alors définies, les appels d’offres des bâtiments lancés, les équipes de conception-construction choisies. Mais courant 2021, le marché de maîtrise d’œuvre des espaces publics est relancé avec de nouvelles exigences sur les espaces verts et la biodiversité. Le maître d’ouvrage désigne alors une nouvelle équipe qui mettra en œuvre une trame noire.
- Bureau d’études techniques : Egis, mandataire.
- Paysagistes : Agence Ter.
- Bureau d’études VRD : Ingerop.
- Bureau d’études environnement : Zefco.
- Concepteur lumière : Concepto.
- Écologue et compostage : Urban-Eco Scop.
Fin 2021, le montant des travaux s’élevait à 75 M€ pour l’aménagement des espaces publics.
Village olympique et paralympique de Paris 2024 en deux phases
À cheval sur les communes de Saint-Denis et Saint-Ouen-sur-Seine (93), le territoire en cours d’aménagement recouvre une superficie de 52 hectares. Il fait partie de la communauté d’agglomération de Plaine Commune, qui regroupe neuf villes au nord de Paris.
- Pendant la phase J.O. de Paris 2024, le village des athlètes accueillera 14 250 athlètes hébergés dans 8 000 chambres. Ce sera une véritable cité-jardin avec des architectures contemporaines en structure bois et des espaces de détente à l’ombre du soleil pour les sportifs.
- Après l’événement sportif, la phase héritage de l’aménagement sera déployée. Le quartier sera alors reconverti en 2 200 appartements familiaux, 900 logements pour les étudiants et les personnes âgées, mais aussi environ 130 000 m² pour des activités économiques.
En 2021, les exigences post-J.O. ont changé. Avec la pandémie de covid et l’accentuation du changement climatique, tout le projet des espaces publics est retoqué. Un programme beaucoup plus ambitieux est lancé. En bref, plus d’arbres, plus d’espaces inclusifs, tenir compte de la biodiversité avec une trame noire. De nouvelles notions à prendre en compte pour l’éclairage urbain par les paysagistes de l’Agence Ter, avec Concepto.
Stratégie lumière et trame noire augmentée du village olympique
« Dans la vie d’un espace public, les deux mois des Jeux olympiques et paralympiques, ce n’est vraiment rien du tout », explique Sara Castagné, conceptrice lumière associée et directrice générale de l’agence Concepto. « Nous avons pensé la stratégie lumière aussi pour l’après. Ça demande toute une gymnastique d’esprit sur les usages variés à l’échelle humaine et la croissance des arbres à l’échelle du temps. »
De plus, le cabinet de biodiversité Urban-Eco Scop est associé au projet. Il a notamment travaillé sur la trame verte et bleue de Pleine Commune. Pour lui, « la biodiversité nocturne, c’est dans le noir total. Il ne fait aucune concession sur le sujet », se rappelle la conceptrice lumière. « Du coup, il a fallu qu’on gère un tiraillement impossible entre des Jeux olympiques où ils nous demandaient l’accessibilité universelle, et la trame noire. »
C’est ainsi que la « véritable stratégie nocturne est issue de la trame noire, trame noire dite “augmentée” qui accompagne la renaturation des espaces publics », décrit Sara Castagné. Ainsi, « la stratégie biodiversité de Urban-Eco Scop met en évidence plusieurs “zones à faible intensité lumineuse”. Elles correspondent à des secteurs de “nuit noire “ hors de l’agglomération, pour éviter tout dérangement direct de la petite faune nocturne. C’est dans ces différents espaces que la stratégie de trame noire et la stratégie lumière devront être les plus strictes. »
Trame noire, niveau lumineux et bitonalité de lumière
« Nous préconisons de généraliser une hauteur de feu à 5 m, en dessous de la canopée des arbres et, par ailleurs, plus proche du vélum piétonnier », explique Concepto. « Ainsi, les ambiances nocturnes seront plus apaisées et agréables pour les usagers, tout en respectant la biodiversité nocturne. »
« Au nord de la Seine, le fleuve doit être préservé », poursuit Maelle Tertrais. « Ainsi, la balade de la Seine ne va pas être dans l’obscurité. C’était notre volonté mais la Solideo nous à imposer un éclairage. Il y aura donc des appareils intégrés dans les mains courantes des garde-corps. »
« Pour autant, nous faisons quelque chose d’assez vertueux dans le village, en imposant des niveaux lumineux assez bas. Par exemple, on a réussi à faire accepter d’avoir 10 lux maximum en voirie et 5 lux sur les espaces piétons. »
« L’autre enjeu sur l’aspect biodiversité, c’est que l’éclairage est en bitonalité 3000-2200 K », décrit Concepto. « En fonction des différentes phases de l’année et de la nuit, on bascule en température de couleur dans un éclairage un peu plus chaud. C’est appliqué à tous les mâts d’éclairage dans les lanternes. Par contre, tout ce qui est intégré dans les mains courantes, on est déjà en 2200 K. »
« Pour essayer de perturber le moins possible la biodiversité coté Seine, la lumière dans les garde-corps sera en 2200K » précise Maelle Tertrais. « Les appareils en DALI afin d’assurer une gestion de l’intensité et donc de caler les niveaux au plus bas, notamment en période critique de reproduction des de la faune présente à cet endroit. Par ailleurs les mâts qui éclairent la RD1 qui longe la Seine sont orientés de sorte à ne pas avoir de flux résiduel vers le fleuve. »
Composition nocturne, quartier apaisé et typologie des éclairages
Pour répondre aux différents usages nocturnes, les ambiances lumineuses sont adaptées selon l’aménagement urbain. Chaque typologie d’espace est appréhendée de manière spécifique afin d’y apporter un éclairage distinctif.
Parfois, les architectures remarquables du quartier apaisé accueillent des installations lumineuses d’artistes contemporains. « Il convient tout de même de mettre en place une temporalité de leur éclairage afin de ne pas créer de pollution lumineuse inutile aux heures les moins fréquentées de la nuit », préconise Concepto.
En complément, le mobilier lumière se fera discret. Il sera totalement intégré dans les aménagements urbains comme les rambardes, murets, bancs, marches… Objectif : éviter les supports verticaux dans les zones les plus végétalisées.
Dans les traverses plantées, « la qualité de la lumière est adaptée à la forte végétalisation avec des sources très chaudes à 2200 K », décrit Maelle Tertrais. « Les mâts qui permettent de tendre les filins sur lesquels les lanternes sont suspendues devaient être issus d’une démarche d’économie circulaire. C’était pourtant bien notre intention ! Ils sont en bois, donc bio sourcés mais neufs ☹. Ils seront disposés dans les espaces plantés afin de se fondre dans le décors, et de simplement laisser place à une lanterne suspendue au-dessus des circulations. »
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Équipe du projet
Lieu
- Village olympique 2024
- Saint-Denis, France