Urbanisme lumière au service de la nature en ville à Strasbourg
Quel développement durable pour la ville au regard de l’urbanisme lumière ? Avec plus de 50% de citadins vivant en ville sur la planète en 2010, le grand tournant est résolument amorcé vers l’invention de la ville moderne – conviviale, dense, active et porteuse d’espoir – vertueusement inspirée par une conscience environnementale.
« Au lieu d’endommager des écosystèmes, pourquoi ne pas commencer à en créer »
Professeur Jacqueline McGlade
Urbanisme lumière et développement durable
Au-delà de ses fonctions de repérage, de sécurité et d’embellissement, l’éclairage urbain est communément perçu comme une cause de pollutions nocturnes et de surconsommations énergétiques. Récente discipline, méconnue et incomprise de l’aménagement du territoire, l’urbanisme lumière tient pourtant un rôle essentiel dans l’organisation des espaces publics puisque le temps d’une nuitée équivaut à la durée du jour.
Genèse d’une réflexion de développement durable en éclairage
Les mises en valeur du patrimoine architectural, urbain et paysager composent la vitrine des éclairagistes, dont l’habileté réside à agencer géo-temporellement les qualités artistiques et fonctionnelles de la lumière artificielle. Pour autant, la réflexion sur l’aménagement nocturne des villes doit être désormais guidée par une approche pluridisciplinaire, alliant les compétences des gestionnaires et des représentants des collectivités aux connaissances des cortèges représentatifs de la démocratie locale comme les associations de proximité et d’environnementalistes, qui par leur travail quotidien portent des idées novatrices. Ainsi, qu’elles soient artistiques ou purement fonctionnelles, les conceptions de mises en lumière de ces futures polarités urbaines et écologiques ne seront plus l’œuvre exclusive d’architectes et de concepteurs lumière, car désormais leur fonction est aussi d’instaurer un processus de dialogue avec ces diverses communautés sociétales et scientifiques.
Nuit urbaine et milieux naturels
Pléthore d’études et de rapports scientifiques portant sur l’impact environnemental de l’éclairage tendent à démontrer que la lumière artificielle occasionne des nuisances sur la faune et la flore (altération des cycles biologiques, fragmentation de l’habitat naturel, modification des comportements et des migrations…). Au même titre que l’étalement urbain, l’éclairage a ainsi participé importunément à l’appauvrissement de la biodiversité en ville.
Toutes les solutions envisagées ne portent très généralement que sur la dépense énergétique des réseaux d’éclairage, à juste raison d’ailleurs, puisque le potentiel des réductions de consommations peut largement dépasser les objectifs planétaires.
Mais d’autres pistes restent à explorer !
« Creativity is the ability to produce work that is both novel and appropriate »
Robert Sternberg
Le territoire nocturne de la ville n’est pas une étendue géographique uniforme et continue : les usages de l’espace urbain sont éparses et irréguliers parce que fonction des temporalités – quotidiennes et saisonnières – de la vie citadine. Entre espaces animés et délaissés par les usages, l’établissement d’un nouvel équilibre entre lumière artificielle et obscurité nocturne est la stratégie durable, nécessaire pour retrouver la Nuit en ville, contrastée, respectueuse des cycles biologiques « naturels » et conciliant les mutations sociétales.
Stratégie nocturne durable et urbanisme lumière
Cette nouvelle stratégie, à inclure aux Sdal – Schéma directeur d’aménagement lumière – classifie les espaces à caractère naturel en fonction de leur typologie, de leur localisation et de leurs fonctions écologiques recensées par les trames vertes et bleues de la loi Grenelle 1. La trame noire est alors utilisée comme un outil de modélisation d’un maillage d’obscurité nocturne ; elle se conçoit comme une déduction de la morphologie urbaine et naturelle de la ville, résultant de l’observation des rythmes des activités, des temporalités des mobilités et de la qualité des biotopes.
A tous les niveaux d’études, cette nouvelle stratégie doit associer les acteurs scientifiques et associatifs reconnus, qui détiennent la connaissance de la biodiversité locale et sont très réceptifs à une démarche responsable et durable de planification nocturne.
La discipline de l’éclairagisme opère sa transition. La créativité et l’innovation portées par les concepteurs lumière de demain évolue, au-delà de la recherche artistique, vers une technicité alliant une véritable conscience sociétale et environnementale. Car il s’agit bien d’assumer les enjeux écologiques présents et futurs !
L’écriture réglementaire est sans aucun doute de grand intérêt à travers les documents d’urbanisme et de conceptions nocturnes intégrant, tous deux, cette composante écologique à la planification urbaine. L’établissement d’une stratégie durable nécessite de tester de nouvelles prescriptions en faveur de la connectivité écologique nocturne et de faire évoluer des labellisations pour les espaces naturels en ville.
Parallèlement, la connaissance scientifique des impacts de la lumière artificielle sur la biodiversité doit augmenter. La poursuite des expérimentations locales nocturnes doit trouver son processus utile, et même bien au-delà de l’échelle de la ville, c’est-à-dire à l’échelle des Parcs Naturels, immenses réservoirs de biodiversité, et de leurs abords.
A travers la planification de l’obscurité nocturne, il convient aussi de pallier aux enjeux économiques : du marketing vers l’économie de gestion et d’investissement, en n’omettant pas l’emploi d’une démarche pédagogique à l’égard des usagers, condition première de la réussite de tout projet.
Et surtout, il paraît essentiel de répéter et d’argumenter que cette stratégie revêt un intérêt double : l’amélioration de la qualité environnementale de la ville et la réduction des consommations énergétiques globales.
Pour les cartographies, les documents utilisés sont :
- PADD du PLU de l’Euro-métropole de Strasbourg
- Périmètre des Parcs Naturels Urbains
- Carte Trame Verte et Bleue (Elyx) de l’Euro-métropole de Strasbourg
- Extrait du SDAL de Strasbourg par l’Acte Lumière
Lauréats 2015 du Mastère spécialisé en Eclairage Urbain
- Ibrahim Alshehad
- Cyril Cahard
- Samuel Casse
- Jean-Baptiste Guerlesquin
- Hadeel Dawhara
- Haitam Laadidahoui
- Hélène Lowenguth
- Nour Moussawi
- Bruno Nselle
- Mathias Schaal
- Christophe Tang
- Kien Tran
Approfondir le sujet
- Sobriété énergétique en éclairage
- Trame noire du Grand Annecy : étapes méthodologiques
- Trame noire de Rennes de Roger Narboni dans LUX
- Territoires de nuit du Grand Lyon nocturne, par l’agence AWP
- Plan lumière de Strasbourg : approches des configurations lumineuses pour une stratégie lumière
- Mastère Spécialisé Éclairage urbain – INSA Lyon
- INSA de Lyon
Lieu
- Strasbourg, France
Encore un travail remarquable issu du MsEU pour son approche transversale de la lumière .
Cette thèse est intéressante à plusieurs titre et particulièrement parce qu’elle conclue sur une quasi obligation aux concepteurs d' »instaurer un dialogue » avec d’autres acteurs et compétences. C’est une évidence qu’il est bien de formuler en accompagnement de la présentation de ces fameuses trames noires qui sont citées de plus en plus. Pour une majorité, un flou persiste et c’est le concepteur qui va définir les territoires à protéger et décider les mesures adéquates. Il importe pour préserver un patrimoine paysagé et sa biodiversité de mobiliser des spécialistes des parties concernées, mais aussi de prévoir dans le cahier des charges d’appel d’offre les moyens d’instruire ce « dialogue » par des missions pour identifier ce patrimoine et les mesures conservatoires nécessaires. Cette remarque est sous-entendue dans le mémoire de Mathias Schaal, je me permets de la préciser.
Bien cordialement
@Marc Merci pour tes commentaires de praticien de l’éclairage urbain. Je pense qu’ils rejoignent parfaitement le point 2 – Réhabiliter le plaisir de la pénombre et de l’obscurité – du Manifeste des concepteurs lumière pour des projets d’éclairage raisonnés de l’ACE. Manifeste des concepteurs lumière pour des projets d’éclairage raisonnés.
Comment l’Urbanisme lumière doit-il être au service de la nature en ville ?