Article

Vélo et éclairage : fini les feux qui clignotent !

Un décret interdit l’utilisation des feux rouges clignotants pour l’éclairage du vélo. Une décision inattendue qui suscite le doute sur son utilité réelle. Analyses.
27 février 2025

Qui a dit que l’instabilité politique en France empêchait de légiférer sur des sujets cruciaux ? Le décret n° 2024-1074 du 29 novembre 2024, porté par l’éphémère gouvernement Barnier, prouve le contraire. En interdisant les feux rouges arrière clignotants sur les vélos, cette mesure entend révolutionner la sécurité routière. Pour garantir son application, les contrevenants s’exposent à une amende forfaitaire de 11 euros !

 

Au sommaire

Vélo et éclairage : interdiction de clignoter

Pour commencer, donnons le contenu complet de l’alinéa V de l’article R313-5 du code de la route :

« La nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante, tout engin de déplacement personnel motorisé ou cycle doit être muni d’un feu de position arrière. Ce feu ne doit pas être clignotant et doit être nettement visible de l’arrière lorsque le véhicule est monté. Tout engin de déplacement personnel motorisé ou cycle peut être muni d’un feu de position arrière supplémentaire répondant aux mêmes caractéristiques. Le conducteur peut porter sur lui un tel feu. »

Notons qu’il est désormais autorisé de porter un feu de position arrière sur soi, par exemple fixé sur un casque, une pratique déjà répandue chez les cyclistes. Cependant, cette possibilité reste conditionnée à la présence obligatoire d’un feu de position directement installé sur le vélo. Le décret interdit également les feux rouges arrière clignotants sur les vélos, ne tolérant que des feux rouges fixes. L’objectif affiché ? Améliorer la visibilité des cyclistes et, par conséquent, leur sécurité. Une intention louable, certes, mais qui mérite qu’on en examine les implications avec un brin de scepticisme.

Vélo et éclairage, feux arrière rouge et balise rouge sur le casque sur un parking en ville © Lionel Simonot

Les défenseurs de cette mesure avancent un argument central : les feux rouges clignotants pourraient être confondus avec d’autres signaux routiers, notamment les clignotants orangés utilisés pour indiquer un changement de direction. Ils ajoutent que le clignotement rendrait les distances plus difficiles à estimer.

Vélo et éclairage, feu arrière rouge de vélo éclairé de nuit, detail celle et fixation © khamlaksana, iStock

Un autre point soulevé concerne leur risque d’éblouissement, surtout dans l’obscurité, pouvant gêner les autres usagers de la route et créer des situations dangereuses. Christophe Martinsons, spécialiste des effets de la modulation temporelle de la lumière et auteur d’une récente revue scientifique sur le sujet, confirme que la luminosité apparente est effectivement plus marquée à basse fréquence de clignotement qu’avec une lumière fixe. Toutefois, il nuance : ces résultats nécessiteraient des approfondissements dans le cas spécifique des feux rouges clignotants pour vélos.

Quelles règles pour les feux avant du vélo ?

Le décret se concentre sur les feux arrière, mais qu’en est-il des feux avant ? Leur clignotement, avec leur forte luminance, pourrait causer davantage d’éblouissement. Et pourtant, l’interdiction de clignotement pour ces feux semble nettement moins explicite.

Pour y voir plus clair, il faut se référer à l’article R313-25 du code de la route, modifié en 2016 :

 « Les feux et signaux ne peuvent être à intensité variable, sauf ceux des indicateurs de direction, des feux de position arrière, des feux stop, des feux de brouillard arrière et du signal de détresse. »

Vélo et éclairage en ville – Circulation bicyclette de nuit, feux devant blanc, dans une rue de Paris, France © petekarici, iStock

Une formulation pour le moins ambiguë. Les feux avant semblent donc ne pas pouvoir être à intensité variable, et encore moins clignotants. En revanche, pour les feux de position arrière, on devine une distinction subtile entre un clignotement pur (alternance on/off) et une variation progressive d’intensité. Un tel flou mériterait d’être clarifié, ne serait-ce que pour éviter des interprétations hasardeuses – ou des sanctions inattendues pour des cyclistes pourtant désireux de bien faire.

Si l’on revient aux feux avant, on apprend qu’ils doivent émettre « une lumière non éblouissante, de couleur jaune ou blanche ». Pourtant, aucune précision n’est apportée sur la luminance maximale autorisée.




Éclairage des vélos : que propose le marché ?

Face aux zones d’ombre du code de la route, une petite enquête s’impose. Direction une grande enseigne sportive pour explorer comment les dispositifs d’éclairage pour vélos y sont présentés.

En termes de conformité au nouveau décret, la plupart des modèles commercialisés proposent un mode clignotant, souvent mis en avant dans les arguments marketing. Cependant, tous incluent également un mode fixe, permettant ainsi aux utilisateurs de respecter facilement les nouvelles réglementations.

Mais ce qui ressort avant tout, c’est la distinction entre les éclairages « pour être vu » et ceux « pour voir ». Les premiers, moins puissants, sont conçus pour rendre le cycliste visible aux autres usagers de la route, tandis que les seconds, plus performants, visent à éclairer efficacement la route, notamment dans des conditions de faible luminosité ou d’obscurité totale.

Vélo et éclairage, dispositifs d-éclairage vélo dans une enseigne de sport à Lyon Part-Dieu, France © Lionel Simonot

Plutôt que d’interdire le clignotement, le législateur aurait pu préciser les performances minimales requises pour les éclairages. Cela aurait incité les cyclistes à privilégier des dispositifs réellement efficaces, bien que souvent plus coûteux… 

Un besoin de pédagogie sur les performances photométriques

Les fabricants, quant à eux, gagneraient à être plus pédagogiques lorsqu’ils présentent les performances de leurs systèmes d’éclairage. Prenons l’exemple d’un kit affichant : « Puissance éclairage LED avant : 25 Lux/75 Lumens ».

Que signifient réellement ces valeurs ?

  • Les 75 lumens correspondent au flux lumineux total émis par la source. Mais cette donnée, sans information sur l’angle d’ouverture du faisceau, reste incomplète. Le faisceau est-il suffisamment large pour assurer une bonne visibilité latérale (« pour être vu ») ou assez étroit pour concentrer la lumière et bien éclairer la route ?
  • Les 25 lux représentent un éclairement, soit la densité de flux lumineux sur une surface. Mais de quelle surface s’agit-il ? La route, un piéton, un obstacle ? Et à quelle distance ? Trois mètres ? Dix mètres ? Or un éclairement dépend non seulement du flux lumineux émis, mais aussi de l’angle d’inclinaison du faisceau par rapport à la surface éclairée, et de la distance entre la source lumineuse et cette surface.

Sans ces précisions, la mention « 25 lux » reste trop vague. Quant à l’éblouissement potentiel de la source lumineuse, là encore, aucune indication n’est fournie.

Pour obtenir des réponses plus claires, il faudrait peut-être consulter le code de la route… allemand ! Ce produit, bien qu’arborant une marque française, est en réalité homologué chez nos voisins d’outre-Rhin. Visiblement, ils disposent d’un cadre plus rigoureux et précis pour évaluer ce type de dispositif. Ce cadre gagnerait à être adapté et traduit pour les utilisateurs français.

L’avis des cyclistes

Du côté des associations de cyclistes, le constat est unanime : cette mesure d’interdiction de clignotement des feux arrière ne répondait à aucune urgence. Si certains adhèrent aux arguments avancés en faveur du décret, nombreux sont ceux qui la jugent contre-productive. Parmi eux, les cyclistes qui sont également automobilistes assurent que les feux clignotants offraient une meilleure visibilité, surtout hors agglomération ou dans des conditions météorologiques difficiles comme le brouillard ou la pluie. Certains usagers assurent que le mode intermittent offrait en outre une meilleure longévité des batteries.

Vélo et éclairage, feux arrière rouge et balise rouge sur le casque dans une rue en ville © Lionel Simonot

Les opposants critiquent enfin un manque de concertation avec les principaux concernés. Une pétition en ligne a été adressée à l’Assemblée nationale pour demander l’abrogation du décret, mais elle peine à rassembler des signatures. Jugée trop anecdotique pour mobiliser massivement, cette réglementation pourrait rejoindre la longue liste des règles peu appliquées, faute de consensus et de preuves concrètes de son efficacité.

 

 

Approfondir le sujet

Photo en tête de l’article : Vélo et éclairage – feux rouge allumée, cycliste roulant de nuit proche du bus en ville, France © Wirestock, iStock

Poursuivez votre recherche

Thèmes Technique Ville Technologie Vie nocturne
Sujets Vélo
Effets lumière Lumière directe Lumière ponctuelle Lumière rouge Lumière blanche Lumière graphique
Techniques d'éclairage Éclairage extérieur Éclairage balisage Éclairage LED
Professions Fabricant de vélo Cycliste
Enseignant-chercheur, Lionel Simonot enseigne l’éclairagisme depuis 2003 à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers – ENSI Poitiers : cours magistraux et pratiques en photométrie, technologie des sources de lumière, dimensionnement électrique et interactions lumière matière. Ses activités de recherche portent sur les propriétés optiques et l’apparence des matériaux, notamment via le GDR APPAMAT. Applications : films minces nanocomposites, couches de peinture en glacis ou vernis et objets obtenus par impression 3D. Il est auteur de la transposition du livre de Pierre Bougueur, Essai d’optique sur la gradation de la lumière, du livre rétrospectif et prospectif, Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, aux éditions Light ZOOM Lumière en 2021.
0 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.