Éblouissement de l’oeil : inconfort, UGR et incapacité en éclairage
Éblouissement de l’oeil, c’est quoi ? Il s’agit d’une sensation désagréable produite dans les yeux par une lumière vive :
- lumière du soleil sans lunettes de protection,
- fenêtres avec un fond de ciel très lumineux,
- matériaux brillants, réfléchissants ou miroitants,
- neige en contre-jour au soleil,
- lampes et luminaires en éclairage intérieur,
- enseignes, publicité lumineuse, média façade,
- lampadaires avec lampes visibles et phares de voiture.
Tous ces types de sources de lumière perturbent, plus ou moins, notre champ visuel et conduisent à un éblouissement des yeux.
Éblouissement de l’oeil
Dans nos yeux, l’éblouissement d’inconfort survient toujours avant l’éblouissement d’incapacité. Explications.
- Éblouissement d’inconfort : il dégrade les conditions visuelles mais n’empêche pas d’effectuer une tâche. A long terme, il génère des problèmes comme la fatigue visuelle, maux de tête…
- Éblouissement d’incapacité : il provoque une réelle déficience physique à percevoir les personnes, les objets ou l’environnement alentour.
Éblouissement d’inconfort
Pour une source lumineuse en éclairage intérieur, quatre principaux paramètres influencent l’éblouissement d’inconfort :
- la luminance de la source (L),
- l’angle solide sous lequel est vue la source (Ω),
- la position de la source (caractérisée par l’indice de position de Guth (ρ),
- la luminance globale du champ visuel, contrôlant le niveau d’adaptation de l’œil de l’observateur (Lf).
Pour maîtriser l’éblouissement d’inconfort de l’éclairage artificiel et garantir de bonnes conditions de travail, il est nécessaire de respecter les limites données par l’UGR.
UGR : Unified Glare Rating
Sur un lieu de travail, pour réduire la fatigue et éviter les accidents, l’éblouissement doit être limité au minimum. Question de confort visuel et de santé publique pour nos yeux !
La Commission internationale de l’éclairage CIE a définit en 1995 un indice d’éblouissement d’inconfort, en anglais UGR. Un cycle bien connu des professionnels de l’éclairage pour Unified glare rating, mais qui reste difficile à appréhender.
En France, la norme NF EN 12464-1 sur la lumière et l’éclairage des lieux de travail intérieurs donne des valeurs limites selon le type d’installation d’éclairage. Ces valeurs peuvent être 16, 19, 22, 25 ou 28. Elles ont été choisies car elles forment une série. Les seuils indiquent les changements notables relatifs à l’éblouissement pour l’œil :
- une valeur faible signifie « faible probabilité d’éblouissement d’inconfort »,
- une valeur élevée signifie « forte probabilité d’éblouissement d’inconfort ».
Si les limites de l’éblouissement d’inconfort décrites sont respectées, l’éblouissement d’incapacité n’est jamais atteint.
Éblouissement d’incapacité
Pour une source lumineuse, en éclairage intérieur, quatre principaux paramètres influencent l’éblouissement d’incapacité de l’oeil :
- source de lumière visible ou non,
- luminance de la source de lumière (kcd/m2),
- angle de protection visuelle (α),
- angle de gamma (γ).
L’éblouissement d’incapacité par les sources de lumière à forte luminosité doit être évité. Selon que la source de lumière est directement visible ou non, deux types d’exigences sont définies.
Source de lumière directement visible
Quand la source de lumière est directement visible, il faut respecter les angles minimaux de protection α, dans le champ visuel, en fonction de la luminance de la source.
Luminance de la source de lumière kcd/m2 |
Angle minimal de protection visuelle α |
20 à < 50 | 15° |
50 à < 500 | 20° |
≥ 500 | 30° |
Source de lumière occultée par des optiques
Quand la vue directe de la source de lumière est occultée par des optiques pour nos yeux, il faut respecter la luminance maximale moyenne du luminaire pour les valeurs suivantes de l’angle γ. C’est généralement le cas avec les sources LED.
Angle gamma γ |
Luminance maximale moyenne du luminaire kcd/m2 |
75° ≤ γ < 90° | ≤ 20 |
70° ≤ γ < 75° | ≤ 50 |
60° ≤ γ < 70° | ≤ 500 |
Pour chaque projet, l’UGR reste la valeur consensuelle de référence pour évaluer le confort de l’installation d’éclairage.
Maîtrise de l’éblouissement de l’oeil par le projet d’éclairage
L’éblouissement de l’oeil par l’éclairage artificiel étant conditionné par la position de l’observateur et par l’éclairage du local, le Syndicat de l’éclairage « recommande de s’appuyer sur un projet, à l’aide d’un logiciel de calcul l’éclairage gratuit pour les utilisateurs, comme Dialux ou Relux (réaliser le calcul de l’UGR et non le déterminer par la méthode tabulée) ».
« Dans un projet d’éclairage :
- les dimensions de la pièce,
- les facteurs de réflexion des surfaces,
- le rapport espacement-hauteur des luminaires,
doivent être mentionnées. Ces informations sont nécessaires pour déterminer l’UGR de l’installation d’éclairage ».
« Un luminaire en tant que tel n’a pas d’UGR car l’UGR est une donnée de projet : en l’absence de projet d’éclairage, pour un luminaire donné, le Syndicat de l’éclairage recommande l’évaluation prédéterminée de l’𝗨𝗚𝗥 fondée sur la méthode tabulée (définie dans la publication CIE 117), selon la configuration conventionnelle suivante :
- un couple de dimensions (X, Y) du local égal à (4H, 8H) – H étant la distance verticale entre l’œil de l’observateur (conventionnellement 1,20 m pour une personne assise) et la hauteur d’installation des luminaires,
- un triplet de facteurs de réflexion (plafond, murs et plan utile) égal à (0,7 0,5 0,2),
- un espacement de centre à centre des luminaires S = 0,25 H ».
Accessoires anti-éblouissement
Au delà du projet d’éclairage, il existe aussi toute une série d’accessoires anti-éblouissement proposé par les fabricants de luminaires pour protéger nos yeux :
- volet coupe-flux à deux ou quatre volets, appelé barndoors en anglais,
- volet coupe-flux sur bras articulé, principalement utilisé au cinéma,
- canon ou cône, pour un projecteur Fesnel ou à face ouverte,
- grilles de défilement, pour un plafonnier, avec un quadrillage de lamelles,
- grille nid d’abeille sur un projecteur…
LED et éblouissement
Les luminaires LED ont suscité de nouveaux questionnements :
- pics de luminance dans l’œil de l’observateur,
- distance entre les LED du luminaire, le fameux pitch,
- éblouissement des sources non-uniformes.
La norme NF EN 12464-1 sur la lumière et l’éclairage des lieux de travail intérieurs devrait être publiée en 2020 avec une mise à jour attendue sur les LED.
Approfondir le sujet
Eclairage intérieur
- Sophie Jost : métrologie sensorielle en éclairage, UGR et LED
- Éblouissement d’inconfort, en 2018, un UGR mieux adapté à l’éclairage LED, synthèse des travail de la CIE, AFE
- Charte LED des luminaires en éclairage intérieur
Eclairage extérieur
Livres
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Bonjour Merci pour votre article trés bien traité.
Il existe un domaine majeur ou la problématique des luminances est prédominante.
Le décoratif,
Il serait également important d’en parler.Notamment sur des suspensions ou appliques dans le monde du CHR .
Pour éliminer une partie de la géne occasionner par la luminance des ampoules à la mode et trop éblouissantes d’aujourd’hui.
Pour ma part ,j’utilise en général quelques astuces pour augmenter l’éclairage Géneral souvent en indirect ou une surexposition de l’environnement pour réduire cette fracture lié à l’ouverture trop importante de la pupille en l’absence d’un E.Général
Cordialement
L’ampoulier à Colmar
Livio Rossi
@Livio En effet, pour les luminaires décoratifs, l’éblouissement est un paramètre clef, parfois souhaité parfois indésirable.
Entre choisir la bonne puissance des lampes, gérer la luminance de l’environnement, moduler l’éclairement avec un gradateur de lumière, changer la couleur des murs et du plafond, toute une palette de solutions sont envisageables. C’est l’art de l’éclairagiste, du concepteur lumière, du scénographe et de l’architecte d’intérieur.
Éclairagiste de théâtre, et avec plus de 40 ans d’expérience, je constate avec inquiétude l’arrivé des LEDs non seulement dans mon métier mais dans la vie quotidienne. Certes, il faut sauver la planète, nous sommes d’accord, mais derrière ces luminaires il y a un fort odeur d’autre chose. Leur fabrication, et leur fin de vie ne sont pas tout a fait louable, autre sujet a discuter ailleurs. Ce sont évidemment des outils plein de potentiel, et je m’en sers assez largement dans mon travail. Mais toujours réglés afin d’éviter l’éblouissement de mes artistes et aussi le publique. Parfois j’ai assisté au concerts ou la violence de la lumière était choquant, surtout sachant que l’endommagement du macula est irréversible. Aujourd’hui nombreux sont les villes qui, sous l’étiquette d’éco-responsabilité, transforment leur éclairage publique en LEDs, avec les sources non diffusés ou non refletés. Les voitures sont dotés de plus en plus avec les phares LED, causant des éblouissements et de l’inconfort, sans trop, que je sache sauvant la planète. Je suis un peu soulagé de savoir qu’il y a des gens comme vous qui travaillent sur le sujet ; parfois dans ce monde on a le sensation qu’on cri dans le désert. J’aimerais savoir si de mon niveau, a part d’en parler en de s’informer, je pourrais faire quelque chose.
Merci pour l’article.
@Sankey Comme vous l’avez très bien noté, ce qui fait la différence des LED, par rapport aux sources classiques – halogène ou HMI à la scène – c’est bien les pics de luminance dans l’œil des artistes ou du public. En ce qui concerne, l’éclairage des lieux de travail intérieurs, la prochaine norme NF EN 12464-1 devrait préciser les choses concernant cette technologie en France.
En Corée du Sud comme à Séoul, les métropoles se préoccupent aussi de réglementer les média façade trop éblouissantes pour préserver l’ambiance lumineuse des quartiers historiques. C’était l’un des thèmes de l’AGM de l’association LUCI en 2016 : https://www.luciassociation.org/events/luci-annual-general-meeting/seoul/programme/
Pour faire quelque chose à votre niveau, je crois que l’éblouissement est aussi une question de bon sens dans le choix des matériels d’éclairage et leurs orientations. En tant qu’éclairagiste, nous avons tout un tas de possibilité pour maîtriser la brillance des sources lumineuses.
Et que pouvez-vous dire des phares à LED ? La luminance de ces phares est tout simplement colossale et au-delà de toutes les normes normales, sans parler de ces phares qui dépassent tous largement les 4 000 K et atteignent parfois même jusqu’à 8 000 K.
Pourquoi les normes techniques et sanitaires en matière d’éblouissement et luminance (candela par mètre carré) et de couleur la température s’applique aux luminaires, mais ne s’applique pas aux phares à LED ?
@Igor Merci pour vos retours. Il est vrai que les phares LED sont bien plus lumineux et blanc froid que les historiques lampes à incandescence jaune de nos voitures… Pour autant, les phares LED sont un domaine à part entière de l’éclairage et de l’optique qui est très technique.
Plusieurs solutions d’éclairage intelligent permettent de parfaitement maitriser l’éblouissement des phares, voire de le supprimer au moment d’un croisement avec un autre véhicule. Pour en savoir plus, voici notre article à ce sujet : https://www.lightzoomlumiere.fr/realisation/audi-matrix-led-phare-intelligent-en-eclairage-routier/
Pour vos questions sur les normes techniques et sanitaires dans ce domaine hyper spécialisé, n’étant pas un spécialiste, je vous conseille de contacter des constructeurs automobiles ou des laboratoires en photonique comme Piseo https://piseo.fr/ pour avoir des réponses.
A notre connaissance il n’y a pas de réglementation ou de normalisation particulière quant à la luminance et à la température de couleur des feux avant de véhicules. La règlementation en matière de sécurité et de performance des feux s’applique et est décrite dans les documents ECE.
Pour avoir travaillé avec eux, nous savons que certains équipementiers qui fabriquent ces feux LED se préoccupent du risque photobiologique induit par cette technologie, en particulier pour les enfants transportés dans des poussettes. En effet, ces derniers peuvent être exposés à la source de lumière de manière assez directe et proche. Lors des travaux que nous avons menés, nous nous sommes appuyés sur la norme IEC 62471 qui fait référence et qui permet d’évaluer le risque photobiologique des sources de lumière en fonction de leur usage. Le laboratoire accrédité ISO 17025 de PISEO dispose d’une forte expertise dans ce domaine et participe aux travaux de normalisation dans le cadre de la commission UF76 de l’AFNOR.
https://piseo.fr/laboratoire-optique/
@Joël Merci à l’équipe d’experts de Piséo pour cette réponse précise et technique.