Peindre la nuit, une exposition sur l’art pictural
Fidèle à l’esprit des expositions du Centre Pompidou-Metz, l’exposition Peindre la nuit ne se limite pas de manière exclusive à la peinture, pourtant centrale. La musique, la littérature, la vidéo et la photographie font aussi partie des œuvres présentés.
« La nuit se retrouve au cœur de débats actuels, qu’ils soient :
- sociétaux : faut-il ouvrir les magasins la nuit ou la consacrer au sommeil ?
- écologiques : comment limiter la pollution lumineuse qui nous empêche de voir les étoiles ou qui dérègle la vie animale ?
- politiques : nuit debout, traversées clandestines de frontières,
- scientifiques : on repousse sans cesse notre connaissance de la nuit.
Ce monde de la nuit, avec tous ses questionnements, est omniprésent chez les artistes, notamment depuis la fin du XIXe siècle. La nuit a évolué et nous a transformés, à travers des révolutions majeures comme l’électrification et l’éclairage, la psychanalyse ou la conquête spatiale : autant de bouleversements dans la définition et le rapport que l’on entretient avec la nuit ».
Jean-Marie Gallais, commissaire d’exposition, responsable du pôle Programmation, Centre Pompidou-Metz
Artistes présentés
L’exposition rassemble une centaine d’artistes :
- des figures historiques : Winslow Homer, Francis Bacon, Anna-Eva Bergman, Louise Bourgeois, Brassaï, Helen Frankenthaler, Paul Klee, Lee Krasner, Henri Michaux, Joan Mitchell, Amédée Ozenfant….
- des artistes contemporains : Etel Adnan, Charbel-Joseph H. Boutros, Ann Craven, Peter Doig, Jennifer Douzenel, Rodney Graham, Martin Kippenberger, Paul Kneale, Olaf Nicolai, Gerhard Richter…
- des installations spectaculaires dont certaines sont conçues spécialement pour ce projet : Harold Ancart, Raphaël Dallaporta, Spencer Finch, Daisuke Yokota, Navid Nuur…
Parcours de l’exposition
L’exposition est répartie sur deux niveaux et en six parties dont voici un bref aperçu.
Se perdre dans la nuit
Cette première partie est consacrée à cette nuit que nous connaissons : la nuit que nous pouvons observer chaque jour, sous les étoiles ou sous les lueurs des réverbères, la nuit qui révèle quelque chose de notre intérieur, de nos obsessions, et qui nous plonge dans les rêves.
« Au clair de la lune, près de la mer, dans les endroits isolés des campagnes, l’on voit, plongé dans d’amères réflexions, toutes les choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques. L’ombre des arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes, en s’aplatissant, en se collant contre la terre ».
Comte de Lautréamont, Les chants de Maldoror, 1890
Habiter la nuit
Au début du XIXe siècle, l’éclairage public au gaz fait son apparition en Europe, ainsi que les premiers réverbères et en 1879, l’électricité révolutionne l’atmosphère nocturne, tant urbaine que domestique. Les artistes se sont emparés de cette nouvelle lueur artificielle, l’ont exaltée (« il faut détruire le clair de lune ! » lance le futuriste Marinetti). Au bout de quelques décennies, la perception de la nuit urbaine change. Cet éclairage nocturne a fini par révéler ce que le jour cache : les vices de l’Homme.
« La lueur des réverbères, tranchant les ombres, ne les détruit pas, elle les rend plus saillantes : c’est le clair-obscur des grands peintres ».
Restif de la Bretonne, Les Nuits de Paris, 1788-89
Obsessions nocturnes
La ville, passée une certaine heure, renvoie l’artiste face à sa solitude dans l’atelier. Insomniaques maladifs ou en quête d’inspiration, les peintres de la nuit sont traversés par des obsessions : quête d’un langage intérieur, dialogue avec des ombres qui s’animent, écriture automatique, exercices de mémoire, résistance, tentation de l’alcool, parfois carburant de la nuit éveillée.
« Mais rien ne traduisait ce présent sans issue et sans repos comme l’ancienne phrase qui revient intégralement sur elle-même, étant construite comme un labyrinthe dont on ne peut sortir, de sorte qu’elle accorde si parfaitement la forme et le contenu de la perdition : in girum imus nocte et consumimur igni. Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu ».
Guy Debord, in girum imus nocte et consumimur igni, 1978
Les yeux infinis
La nuit, porte ouverte sur un monde intérieur qui met en sommeil la raison, qui est prêt aux apparitions et aux métamorphoses, est le lieu de la révolution surréaliste. Le projet de « piéger le soleil » hante ces artistes qui se délectent de la nuit, non comme un lieu de divertissement mais comme le royaume de l’inconscient, de l’errance et du rêve. La nuit devient une matière, le noctambulisme un acte créateur et libérateur.
« Tout ce qui nous inspire n’a-t-il pas les couleurs de la Nuit ? »
Novalis, Hymnes à la Nuit, 1800
Les mangeurs d’étoiles
La deuxième partie « De l’intime au cosmos » est dédiée à un rapport plus cosmique et abstrait à la nuit, qui passe par l’observation des étoiles, l’interrogation sur la réalité de cette nuit, sur sa reproductibilité, et qui amène une réflexion quant à notre place dans l’univers.
« La vue des étoiles me fait toujours rêver aussi simplement que me donnent à rêver les points noirs représentant sur la carte géographique villes et villages. Pourquoi, me dis je, les points lumineux du firmament seraient-ils moins
accessibles que les points noirs sur la carte de France ?Si nous prenons le train pour nous rendre à Tarascon ou à Rouen, nous prenons la mort pour aller dans une étoile ».
Vincent Van Gogh, Lettre à Théo, 9 ou 10 juillet 1888
La nuit m’enveloppe
Le ciel étoilé résiste à la reproduction. Il échappe à l’immobilité. Il change de définition à mesure que l’espace est exploré. Dès lors, comment capter l’essence de cette nuit qui échappe ? En faisant disparaître l’image, au profit de la matière, de l’informe, de la sensation, de l’espace, du vide, l’artiste approche la substance de la nuit.
« Comme tu me plairais, ô Nuit, sans ces étoiles
Dont la lumière parle un langage connu !
Car je cherche le vide, et le noir, et le nu ! »
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1840-1857
Riche programmation associée
Tout au long des six mois d’ouverture, l’exposition Peindre la nuit s’accompagne de plusieurs programmes associés conçus comme les prolongements de l’expérience de la visite et organisés selon une logique de « temps forts ».
Catalogue d’exposition
- Peindre la nuit, catalogue d’exposition
- 260 illustrations
- 250 pages
- 22 x 30 cm
- 39 €
Informations pratiques
- Centre Pompidou Metz
- ouvert du mercredi au lundi, dimanche inclus
- de 10h à 18h
- Fermeture hebdomadaire : tous les mardis
- Peindre la nuit au centre Pompidou Metz
Approfondir le sujet
Équipe du projet
Lieu
- Centre Pompidou-Metz
- Metz, France
Livres
Peindre la nuit, catalogue d'exposition
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