Adidas Arena, luminaires intérieurs extérieurs de Paris 2024
Après la présentation des coulisses de l’éclairage ingénieux de l’Adidas Arena porte de la Chapelle, Philippe Almon et Kevin Garnier de Ph. A, concepteurs lumière et design, entre plus en profondeur dans la conception et les choix des luminaires intérieurs et extérieurs. Ils abordent la collaboration frugale avec le fabricant de luminaires LOuus sur cette réalisation phare, mais aussi les limites de leurs prestations de concepteur lumière.
Baptisée « à l’os », leur approche se concentre sur l’essentiel, éliminant tout superflu. Cette philosophie s’aligne avec les valeurs de la Ville de Paris et des architectes NP2F et SCAU. Elle vise une économie de moyens et un impact environnemental minimal. Pour tenter d’y parvenir, ils ont créé un unique appareil d’éclairage modulable pour l’intérieur. Voici une décision astucieuse qui réduit les coûts et simplifie la maintenance, tout en offrant une qualité lumineuse de haut niveau avec un luminaire fabriqué en France.
Cette suite de l’interview témoigne d’un projet visionnaire où la lumière, loin d’être un simple outil, devient un acteur clé de l’expérience architecturale. Elle est respectueux de l’environnement et des utilisateurs, prouvant que l’on peut allier fonctionnalité, esthétique et durabilité.
Comment chaque strate du bâtiment est-elle éclairée ?
Kevin Garnier : On a plusieurs sujets, plusieurs choix, qui ont été faits à l’extérieur en fonction des trois strates du bâtiment. D’abord, on a le socle primaire du bâtiment, totalement vitré sur deux étages. Ici, on vient éclairer les circulations intérieures et les murs avec des luminaires Wallwasher. Ils participent à l’éclairage intérieur du bâtiment et accentuent la transparence de nuit de ce socle depuis l’extérieur.
Kevin Garnier : Ensuite, la terrasse où l’on utilise le garde-corps pour intégrer un ruban LED. Ce linéaire de diodes est installé en périphérie de toute la terrasse. C’est ce qui apporte toute la lumière fonctionnelle sur la terrasse elle-même la nuit. On voulait autant que possible dissimuler les luminaires pour garantir confort et bien-être, comme le précisait Philippe.
Répartis sur la terrasse, les globes sont là en complément afin d’agrémenter les lieux de réception. Ce sont les seuls luminaires visibles et ils sont suspendus par 4.
L’émergence quant à elle résonne de ces différentes énergies exercées en son pied.
Quel luminaire a été conçu avec LOuss en éclairage intérieur ?
Kevin Garnier : En intérieur, LOuss a développé un luminaire pour le projet. Il a été décliné en plusieurs modèles, en fonction des besoins définis durant nos études. Ce luminaire s’appelle Élis. Il est aujourd’hui, je crois, intégré à leur gamme.
Nous avons souhaité un luminaire le plus simple possible. C’est une petite patère, une tige, un radiateur et un cache pour dissimuler la source et son optique et éviter l’éblouissement. C’est une forme de radiateur spécifique dont l’esthétique fut choisie avec les architectes. L’appareil se décline en deux diamètres de 55 mm et 100 mm pour les grands espaces.
Kevin Garnier : On joue ici avec des optiques au sein des luminaires. Ils sont tous noirs. Les seules choses pouvant s’adapter d’un luminaire à l’autre sont l’optique et la longueur des tiges.
Les architectes souhaitaient avoir des trames les plus alignées possible en altitude, quels que soient l’espace et la hauteur sous plafond. Donc on a joué sur les longueurs de tiges en fonction des espaces, pour conserver ces alignements d’un espace à l’autre.
Comment avez-vous géré cette complexité en interne ?
Kevin Garnier : Vincent Chaigne et Cyrille Fachat, qui travaillent avec nous au sein de l’agence, ont beaucoup participé au développement technique du projet. Ils n’étaient pas là au démarrage de la conception elle-même. En revanche, ils ont réalisé la plupart des adaptations, des études techniques, des reprises d’études d’éclairement, des altitudes et des optiques pour rendre l’idée possible.
Kevin Garnier : Quand on additionne à la fois les longueurs de tiges différentes, les variations de diamètres de spots et d’optiques au sein de ces spots, cela fait beaucoup de configurations différentes. Visuellement, on n’a qu’un luminaire, mais en réalité, ce ne sont pas moins de 30 configurations différentes, pour la plupart invisibles, qui éclairent le projet.
In fine, il a été particulièrement compliqué et fastidieux de développer le système et de rendre nos intentions réelles. Philippe Alibert, gérant de LOuss et électronicien de formation, s’est beaucoup impliqué dans le projet.
En extérieur, quel luminaire Ambiance Lumière avez-vous utilisé ?
Kevin Garnier : À l’extérieur, pour ce qui est visible, nous avons un globe diffusant développé avec Ambiance Lumière. C’est un « spécial », d’un diamètre de 300 mm. Nous avons conservé le souhait d’un radiateur, comme sur l’Élis, afin de garder cette esthétique radiateur visible + optique.
Quel luminaire Color Kinetics est installé pour l’écran LED ?
Kevin Garnier : Color Kinetics est intervenu pour les petits globes positionnés en façade sur le bandeau. Ce sont des pixels lumineux Flex Compact RGB. On a pris l’option disponible d’avoir des globes complémentaires d’environ 40 à 50 millimètres de diamètre pour se rapprocher autant que possible de la dimension des percements de ce bandeau. Afin que ce soit le plus ajusté possible. En laissant très légèrement déborder les globes, on voulait aussi pouvoir offrir une vision latérale.
Quels sont les équipements sportifs du bâtiment ?
Kevin Garnier : Au sein du bâtiment, on a la salle, l’Arena elle-même, et une partie utilisée par la Ville de Paris directement. Il y a aussi des gymnases installés dans une excroissance différente du bâtiment. Ils serviront aux compétitions durant les Jeux olympiques pour ensuite être mis à disposition des écoles ou des cours de sport.
Au départ, durant la construction du projet, nous avions aussi éclairé ces gymnases avec les luminaires Élis pour conserver à la fois notre trame et la même typologie de produits. Malheureusement, cela n’a pas pu être retenu parce qu’il y avait, durant la compétition, quelques sports incompatibles avec le fait d’intégrer des luminaires directement à l’aplomb de l’aire de jeux, notamment le badminton.
Philippe Almon : Argument que l’on ne pouvait pas rejeter malgré notre désir – comme celui des architectes – de conserver ce choix d’un seul appareil d’éclairage, et cette rigueur de calepinage.
Comment sont éclairées les tribunes de l’Adidas Arena ?
Kevin Garnier : Le concept « un luminaire pour un projet » réussit à être préservé ici. Il était essentiel pour nous de le conserver jusqu’au cœur du projet, même au sein de la grande salle pour les éclairages des tribunes, malgré leur hauteur très importante.
Je pense que le point le plus bas doit être à une vingtaine de mètres de nos luminaires. Le luminaire Élis offrait aussi des optiques très pointues permettant d’éclairer la périphérie du terrain comme le bol de tribunes.
Qu’en est-il de l’éclairage sportif du terrain de l’Arena ?
Kevin Garnier : Pour l’aire de jeu de l’Adidas Arena elle-même, ce sont des luminaires à vocation d’éclairage sportif qui sont utilisés. Mais les aires de jeux n’entraient pas dans notre périmètre d’études. Ce sont les bureaux d’études qui se sont chargés de ce travail.
Pour conclure, qu’en est-il de l’éclairage de secours ?
Philippe Almon, fondateur de Ph. A, concepteurs lumière et design : Là encore, nous avions la possibilité d’adapter les appareils Élis afin qu’ils puissent être affectés à la fois à l’éclairage général, mais aussi, pour une partie d’entre eux, qu’ils puissent basculer sur l’éclairage de secours. Il n’aurait alors plus été nécessaire d’ajouter des appareils spécifiques au secours, et nous réalisions donc une grande économie de câble. C’est dire combien nous avions poussé loin la rationalité du projet afin d’être « à l’os ».
Propos recueillis en visio, le 5 septembre 2023, par Vincent Laganier.
À suivre…
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Photo en tête de l’article : Adidas arena, Paris 2024 – Architectes SCAU, NP2F – Ph. A, concepteurs lumière et design – Pixels lumineux Color Kinetics © Nicolas Grosmond, Bouygues Batiment Ile-de-France
Lieu
- Adidas Arena
- Paris, France
Équipe du projet
Livres
Éclairage et lumière du IIIe millénaire, 2000-2050, un livre collector
Le phénomène éclairage a vécu une mutation. Ville, architecture, conception lumière, pollution lumineuse... Qu'en sera-t-il demain ? |