Adidas Arena porte de la chapelle, un éclairage « à l’os »
Quelle est la mission éclairage sur l’Adidas Arena ?
Kevin Garnier : Nous avions deux missions distinctes sur ce projet. D’abord, une mission complète sur l’éclairage extérieur de l’objet architectural, ensuite, une mission de direction artistique sur tous les intérieurs. Cette deuxième partie semblait au départ plus légère, mais nous avons eu à définir les principes d’éclairage, le choix des luminaires, les types de trames liés aux éclairements et uniformités demandés. En bref, tout un programme technique permettant de guider notre agence dans ses études d’application du concept.
Qu’est-ce qu’un éclairage intérieur « à l’os » ?
Philippe Almon, fondateur de Ph. A, concepteurs lumière et design : C’est très certainement l’éclairage des espaces intérieurs qui nous a demandé le plus de temps de travail. En accord avec les souhaits de la maîtrise d’ouvrage, Ville de Paris, et des architectes NP2F et SCAU, notre intervention s’est avant tout inscrite dans une recherche d’économie de moyens, de consommation et une recherche optimum de confort pour les utilisateurs.
Nous avons rapidement fait ensemble le choix d’un projet que je dirais « à l’os ». C’est-à-dire un projet où sont apportés des éclairements et des uniformités juste nécessaires, et pas plus. Un projet où un regard précis est porté sur la conception des appareils et leur approvisionnement. À savoir qu’ils ne proviennent pas d’une fabrication réalisée de l’autre côté du globe. Un projet nous obligeant donc à un regard vraiment très poussé sur l’aspect environnemental de notre intervention.
Quid de l’aspect esthétique du projet ?
Philippe Almon : Notre concept de projet n’est en rien engagé dans une démarche à l’esthétique événementielle. Bien au contraire. La recherche de sobriété, de frugalité et de simplicité inféodées à l’écriture architecturale et à ses textures de matériaux furent nos axes de recherche pour construire notre esthétique de projet, dans une démarche la plus environnementale possible.
Pourquoi avoir un seul appareil d’éclairage en intérieur ?
Philippe Almon : Notre démarche autour d’une recherche d’économie de moyens nous a conduits, par exemple concernant l’éclairage intérieur, à ne travailler qu’à partir d’un seul appareil d’éclairage. En effet, plus on multiplie les typologies d’appareils d’éclairage, plus on multiplie les coûts… Alors qu’en utilisant un seul type de produit pouvant être simplement adapté aux différentes situations rencontrées en modifiant uniquement l’optique intégrée, on optimise mécaniquement les coûts tout en conservant un produit très qualitatif, mais à un prix extrêmement raisonnable.
Comment avez-vous travaillé avec les architectes de NP2F et SCAU ?
Philippe Almon : Entrer dans l’écriture générale du projet aurait dû être compliqué, car nous intervenions dans des espaces de circulation et déambulatoires aux « plafonds squelettes », c’est-à-dire des plafonds sans faux plafond. Des plafonds où toute la technique devient écriture architecturale. Mais afin d’éviter toute cacophonie visuelle due à une telle quantité d’éléments techniques, nous sommes entrés, avec NP2F, dans un travail collégial fastidieux et rigoureux autour d’une implantation d’appareils d’éclairage combinée avec précision au calepin d’un plafond technique très construit, très dessiné.
Ce travail commun avec les architectes, le design épuré de l’appareil et son utilisation, tous espaces confondus, nous ont vraiment permis d’approcher l’écriture architecturale à « l’os », sans « graisse ». C’est l’objectif que nous nous étions tous fixé.
Quelle texture miroir a été choisie en façade ?
Philippe Almon : Le matériau extérieur est en aluminium brillant. Un projet miroir très légèrement dépoli. Dans la journée, le matériau et la masse de l’émergence disparaissent complètement en réfléchissant totalement la couleur du ciel. C’est d’ailleurs assez surprenant. L’architecture est pour moi – en ce sens déjà – très réussie.
Kevin Garnier : Ce matériau particulier est de l’Alucobond brossé.
Quel parti prendre pour l’éclairage d’une architecture miroir ?
Philippe Almon : En extérieur, nous avons travaillé à partir des mêmes objectifs physiques et philosophiques que ceux proposés en intérieur. D’abord, le revêtement de l’émergence située au-dessus de la plateforme terrasse qui l’entoure a été choisi par les architectes : une texture de matériau un peu comme celle de la géode, qui ne génère aucune luminance.
D’un point de vue environnemental, éclairer l’émergence n’était pas du tout souhaitable puisque sans aucune possibilité de recul, l’éclairage rasant diffusait alors énormément de flux vers le ciel, sans réel résultat visuel en raison de la texture du matériau. Par réflexion du ciel, cet objet monumental semble, de jour, disparaître. Pourquoi sortir, de nuit, de cette démarche imposée par la matière ? Pourquoi montrer de nuit ce qui cherche à disparaître de jour ?
Qu’est-ce qu’un éclairage de besoin sur les terrasses ?
Philippe Almon : Puisqu’il ne s’agissait pas d’évoquer un éclairage événementiel ou monumental, nous nous sommes plutôt inscrits dans une démarche de besoin. C’est-à-dire que nous avons apporté des éclairements selon les besoins du projet et toujours dans une recherche de confort et de bien-être des utilisateurs, comme c’est en effet le cas en terrasse, pour une déambulation nocturne ou une évacuation rapide, puisque ces cheminements font partie des circulations d’évacuation.
Il y a pourtant un côté un peu festif avec les guirlandes…
Philippe Almon : Oui, un côté un peu festif apporté par des boules en suspension sur câbles tendus.
Kevin Garnier : C’est une guinguette surdimensionnée.
Philippe Almon : Voilà. Une guinguette surdimensionnée… mais dans le seul but d’accompagner des espaces, des lieux définis où pourront être organisés cocktails ou réceptions.
Kevin Garnier : Ces boules installées selon les besoins sur les terrasses, comme les éclairements apportés en sol et évoqués précédemment, animeront de nuit ce bloc, cette émergence, puisque comme le précisait Philippe, toutes ces réflexions sur cette matière légèrement dépolie seront aussi une manière d’apporter un peu de lumière pour faire exister cette façade, bien que l’on ne souhaite pas l’éclairer directement.
Qu’en est-il de la signalétique lumineuse des événements à l’Arena ?
Philippe Almon : Nous ne souhaitions pas une image particulièrement nette, mais plutôt une image qui laisse travailler l’imaginaire. En revanche, notre proposition devait permettre une lecture claire et facile des informations liées à l’utilisation du site.
Kevin Garnier : Ce n’est surtout pas un objet. Plutôt que de proposer un écran banalement posé sur la façade, nous avons cherché à nous intégrer à l’architecture. Nous avons utilisé le bandeau en périphérie servant de garde-corps à la terrasse. En effet, l’habillage métallique proposé en finition de bandeau est régulièrement perforé de trous « calepinés » de 50 millimètres de diamètre. Nous nous sommes donc logés à l’intérieur de ces creux, en nous intégrant totalement dans l’écriture architecturale du projet, en nous servant de l’existant pour dissimuler et proposer cet écran basse résolution.
Philippe Almon : Nous nous sommes donc inscrits dans cette trame d’environ 200 mm par 200 mm présente dans le projet architectural. Une image peut être assez précise quand on est très loin, mais bien évidemment, quand on est à proximité du bâtiment, le flou s’installe, le message devient plus allégorique. Cela ne nous gênait en rien puisque le socle-écran a d’abord une intention informative. En fait, il n’y a rien de gratuit ici !
Nos propositions de lumière sont, pour chacune de nos interventions, liées à une fonction particulière du bâtiment, mais tous ces éclairages, bien évidemment, et comme le précisait Kevin, participent aussi à la mise en lumière générale très en douceur du bâtiment, en connivence avec ses respirations, sans jamais entrer dans l’ostentation d’un éclairage événementiel. Nous nous sommes inscrits dans une démarche à l’exact inverse de l’Arena de Nanterre où c’est, en extérieur, un « global show » qui selon nous correspond à une autre époque.
Propos recueillis en visio, le 5 septembre 2023, par Vincent Laganier.
À suivre…
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Photo en tête de l’article : Adidas arena, porte de la Chapelle, Paris 2024 – Lumiere du jour, ciel bleu et nuages – Architectes SCAU, NP2F – Mâts TMC Innovation © Nicolas Grosmond, Bouygues Bâtiment Ile-de-France
Lieu
- Adidas Arena porte de la chapelle
- Paris, France
Équipe du projet
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