Interview

Christophe Gillier : de l’art vidéo au métier de producteur

De l’art du video mapping au métier de producteur de spectacles. Rencontre avec Christophe Gillier, fondateur de Immersia Production.




Quel est ton parcours de formation ?

Christophe Gillier : Dans les années 92, j’ai appris sur le tas en faisant partie d’un groupe pionnier de la musique électronique. Dès 19 ans, je parcourais l’Europe et le monde avec un camion, organisant des fêtes et montant des scénographies.

Quel souvenir gardes-tu de Berlin ?

Christophe Gillier : J’ai été à Berlin très souvent durant les années 90. C’était le berceau de l’art vidéo à cette époque et j’ai collaboré avec de nombreux artistes reconnus. Ils ont été une source d’inspiration pour moi. Au fur et à mesure des besoins, j’ai développé ma propre sensibilité, en gérant notamment tout le contenu visuel et la scénographie pour mon groupe « Les Technokrates ».

Quand es-tu revenu à Paris ?

Christophe Gillier : Après avoir voyagé pendant 15 ans, je suis retourné à Paris. J’ai participé à l’organisation de soirées et à la mise en place de scénographies avec notre collectif. Tout en travaillant dans le spectacle, j’ai intégré une école d’ingénieur de la vision pendant 3 ans à Bry-Sur-Marne et mieux répondre aux exigences du marché.

Comment t’est venu ce goût pour l’organisation technique ?

Christophe Gillier : Étant intermittent, mais surtout opérateur vidéo, puis designer vidéo, je gérais le setup technique. Je faisais le lien entre la production et le client pour toutes les spécificités techniques. J’ai alors travaillé pour de nombreux projets de mapping sur des cathédrales, en ayant une vision globale de la mise en œuvre technique. Plus tard, j’ai opté pour un retour à des activités plus conventionnelles, en travaillant pour le cinéma et pour Canal+.

 

 

Quels ont été tes premiers projets video mapping en milieu urbain ?

Christophe Gillier : Au début, je travaillais en tant que prestataire technique/designer video pour des clients qui me commandaient des projets. Puis j’ai créé mon entreprise, utilisant mes propres serveurs média, ce qui m’a permis de livrer mes prestations de services en direct avec les clients.

Comment est née Cookies Production à Paris ?

Christophe Gillier : Avec un partenaire, j’ai créé une société de production, Cookies Production, il y a 15 ans. C’était une période excitante qui m’a permis de répondre aux appels d’offres et de produire mon propre contenu, nos propres narrations. Au fil du temps, j’ai appris toutes les ficelles du métier, étape par étape.

Travailler à deux avec un associé, quand il y a porosité et créativité, s’est révélé plus efficace lorsqu’il s’agissait de se lancer sur le marché des commandes publiques dédiées exclusivement à la valorisation du patrimoine.

Quelles ont été tes créations en tant que producteur ?

Christophe Gillier : À l’époque, nous avons travaillé sur de nombreux frontons de cathédrales, comme à Bayeux et à Laon.

Cathédrale Notre-Dame de Laon – Video mapping « Les Origines » sur la biodiversité – Direction artistique Abeille Brissaud © Cookies Production

Nous avons également abordé des projets plus ambitieux, notamment au palais des Papes à Avignon. Ce fut notre première expérience immersive, car le projet impliquait les quatre murs de la cour principale. C’était une commande de l’office du tourisme d’Avignon.

Vibrations, clin d’œil au pont d’Avignon, cour d’honneur du Palais des Papes, Avignon, France – Spectacle son et lumière : Spectaculaires, Blachère Events © Vincent Laganier

Dans certains projets comme Cœur de Ville à Montpellier, nous avons remporté des appels d’offres importants. Le musée des Beaux-Arts a pris une orientation plus artistique, moins conventionnelle et plus abstraite.

Cœur de Ville, Montpellier, France – Musée Fabre, Beaux-Arts – video mapping © Cookies Production

Nous avons conclu avec l’Arc de Triomphe pour le 31 décembre 2020.

Que s’est-il passé ensuite, en 2021 ?

Christophe Gillier : En décembre 2020, nous avons produit le show de l’Arc de Triomphe du 31 décembre et souhaité une bonne année aux spectateurs lors du feu d’artifice, puis… !!  Je ne vais pas entrer dans les détails de ce qui s’est passé à partir de février et mars avec le confinement planétaire, mais cela m’a permis de me poser et de prendre du recul.

Arc de Triomphe, nouvel an 2020
Arc de Triomphe, nouvel an 2020 – Mairie de Paris – Direction artistique Holymage et Spectre Lab © Cookies Production

Depuis 4 ou 5 ans, nous répondions à tous les appels d’offres publics, que ce soit pour des mappings architecturaux ou des projets d’intégration muséographique. Nous n’avons jamais internalisé la création de contenu, ce qui nous permettait d’être flexibles dans nos réponses. Je choisissais le directeur artistique et le directeur de création qui correspondait à la sensibilité requise pour le projet. C’était notre signature.

Quelle conséquence la pandémie a-t-elle eue sur l’événementiel ?

Christophe Gillier : La pandémie a profondément affecté nos activités, surtout pour les concepts jouer sur le domaine public, qui ont dû être mises en pause. Cette période a aussi entraîné une baisse des commandes des marchés publiques, nous obligeant à une restructuration. J’ai collaboré avec un ancien directeur qui avait travaillé pour le groupe Culturespaces pour nous aider à repenser notre stratégie de développement.

 

 

Combien de temps la production de lieux immersifs prend-elle ?

Christophe Gillier : Nous recherchons toujours de nouveaux lieux pour nos installations, mais ces projets prennent du temps. Certains ont des phases de gestation très lentes. Clôturer et signer une délégation de service public, ou/et monter un projet d’envergure avec un promoteur immobilier peut prendre jusqu’à 7 ans. Entre la phase du sourcing et l’ouverture du site au public les étapes sont très nombreuses.

Propos recueillis au téléphone le 22 janvier 2025 par Vincent Laganier.

A suivre…

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Équipe du projet

Fondateur de l'agence de relations publiques LZL Services depuis 2023. Son thème : la lumière et l’éclairage. Rédacteur en chef et éditeur du portail français n°1 Light ZOOM Lumière depuis 2012. Architecte diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes. Éclairagiste urbain de 1997 à 2013 en Europe. Auteur de huit ouvrages de référence sur la ville, le bâtiment et le millénaire. Enseignant sur l'histoire de la conception lumière à l’ENSA Nantes et à l'éclairage dans l'art contemporain à l’ENSATT Lyon.
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