
Christophe Gillier : producteur événementiel de lieux immersifs
Qu’est-ce que le métier de producteur événementiel ?
Christophe Gillier : En tant que producteur, mon rôle va bien au-delà du financement. Je pense, conceptualise, écris la première phase, puis je monte l’équipe artistique et technique qui saura mettre en œuvre le projet. Mon talent artistique s’arrête là où commence celui des autres ; ensuite, je reprends ma casquette de producteur !
Nos projets ont cette singularité d’avoir une combinaison unique entre la narration et la technique. Dans ce monde ou les spectateurs cherchent à vivre des expériences authentiques, nous nous efforçons de repousser les limites de l’art en intégrant des technologies avancées.
Enfin, mon rôle de producteur est de donner aux équipes artistiques le moyen d’exprimer leur contenu de la manière la plus optimale. Ce qui est très agréable et c’est un poste clef !
Pourquoi avoir créé des filiales plus artistiques ?
Christophe Gillier : J’ai en moi une part artistique, un côté rêveur. Après 10 ans à répondre à des appels d’offres spécifiques, nous avons choisi de créer nos propres spectacles selon notre vision artistique et d’explorer nos propres scénographies, en utilisant notre technologie.
Avec le temps, nous avons développé plusieurs filiales, comme Art of Senses, et récemment la société Immersia Production que nous avons créé grâce à un partenariat avec Miala production.

Quel est l’ADN d’Art of Senses ?
Christophe Gillier : Nous collaborons souvent avec des promoteurs immobiliers pour reconvertir des hangars et des ateliers mécaniques. Notre ambition ne se limite pas à créer des espaces culturels. Nous voulons offrir des lieux qui reflètent une véritable identité et qui intègrent à la fois des aspects esthétiques et technologiques.
Quels sont les spectacles dont tu es le plus fier ?
Christophe Gillier : Personnellement, je suis fier des premiers mapping architecturaux sur les cathédrales, les différents show XXL sur l’Arc de Triomphe pour le 31 décembre, et le premier volet des expériences immersives Immersia, sorties en 2024.
Pour le premier sur l’Arc de Triomphe en 2019-2020, on m’a donné le choix d’écrire un spectacle. Auparavant, il y avait juste une vidéo de 10 minutes, puis le feu d’artifice. J’ai proposé à la Ville de Paris un concept qui sort des conventions classiques en intégrant lumière, musique, collectifs numériques et musiciens dès 19 h pour accueillir les visiteurs. Nous avons reçu d’excellentes critiques il y a quatre ans, tant sur le plan artistique que sur la profondeur du contenu. Nous étions très fiers.

Ensuite, très récemment, a eu lieu le 1er volet des expériences Immersia à Nantes. Cela a représenté 14 mois de travail, avec un déploiement technique de 30 vidéoprojecteurs, 90 lumières et un son immersif. On a choisi une approche moderne plutôt que baroque, très didactique et pédagogique. C’était un pari, mais il a été gagnant car les retours ont été plutôt élogieux. Nous avons opté pour une narration plus moderne, qui interpelle davantage les consciences plutôt que de simplement contempler et écouter.

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Comment le spectacle Immersia est-il né ?
Christophe Gillier : Le spectacle Immersia à Nantes est vraiment unique, il a un petit côté hybride, car il combine différents éléments. Nous prévoyons de le jouer pendant 4 à 6 mois et il pourrait même être prolongé. Il est également conçu pour être adapté ultérieurement.

Quel est le modèle économique d’un tel projet immersif ?
Christophe Gillier : En matière de modèle économique, nous visons une rentabilité sur une période de 4 à 6 mois d’exploitation. Ce rapprochement marque une étape clé dans notre vision du développement.

Pour Immersia, il y a aussi un système de diffusion audio spécifique ?
Christophe Gillier : Pour Immersia, nous avons opté pour un système de diffusion audio L-ISA peu commun, qui gagne lentement en popularité. Pour moi, la qualité d’une expérience immersive dépend à 60 % du son.

Quelques chiffres sur Immersia Production ?
Christophe Gillier : Le siège de notre entreprise, Immersia Production, est situé à Nantes. On est une équipe de 5 personnes. En dehors de cela, nos autres collaborateurs sont des contractuels. Au cours des dix dernières années, nous avons réalisé environ soixante productions, allant de petites à très grandes. Notre chiffre d’affaires avoisine les 1,4 million d’euros. Cette année, avec les nouvelles billetteries, nous nous attendons à une croissance significative.

Où le spectacle Immersia sera-t-il présenté en France ?
Christophe Gillier : Je suis en train de finaliser un accord sur un site emblématique dans le sud de la France pour un projet similaire à Immersia à Nantes. Il utilise les mêmes éléments d’eau et de lumière, mais dans un contexte de grande ville du sud. Le projet, hybride et innovant, s’intègre dans le site afin d’être exploité pour plusieurs années.

Comment s’est passé le dernier spectacle sur l’Arc de Triomphe ?
Christophe Gillier : Quand on travaille pour la ville de Paris, c’est toujours un peu sport ! Nous avons livré un show et du contenu de plus de 5h en 6 semaines. : Une 1ère partie plus Arti et musicale avec des DS et un média artist, le show video mapping du passage à la nouvelle année et le feu d’artifice après minuit. Par ailleurs, France Télévisions nous a passé commande le 15 décembre 2024 et nous avons aussi produit 37 tableaux de video mapping pour accompagner la scénographie de leur direct présenté par Stéphane Bern.

Quelles émotions ce vêtement lumineux en video mapping procure-t-il depuis les Champs-Élysées ?
Christophe Gillier : C’est toujours magnifique et poétique de voir un bâtiment se métamorphoser sous la puissance de la lumière. Et c’est extrêmement plaisant de faire vibrer des millions de personnes sur les Champs-Élysées. Et dans un contexte plus patrimonial et culturel, le spectacle final était une source de grande fierté, car il représentait beaucoup de réflexion, de sensibilité et de travail.

Une vraie performance artistique et technique ?
Christophe Gillier : Il y a eu un reportage sur les coulisses du spectacle avant le prime sur France 2 à 21h qui montre bien toute l’ingénierie technique et artistique qu’il faut déployer pour arriver à produire un show de cette envergure en aussi peu de temps. Toutes les équipes ont été formidable. Nous avons également rajouté un nouveau concept de live video en 3D temps réel pour accompagner la musique live. Rien n’était précalculé. Nous avons laissé vivre et dialoguer l’artiste numérique avec le monument. C’était magnifique !
Propos recueillis au téléphone le 22 janvier 2025 par Vincent Laganier.