Éric Wurtz, créateur lumière de spectacle de danse
Comment t’es-tu inscrit dans cette démarche qui produisait une nouvelle façon de danser ?
Éric Wurtz : une grande volonté de déconstruction et de renouvellement irriguait le champ chorégraphique.
Pour l’éclairage, il fallait s’échapper d’une certaine forme d’académisme qui régnait venant des États-Unis, avec une prédominance de lumières latérales. Cette implantation lumière était tributaire d’un dispositif scénique à base de pendrillons, rideaux de fond en velours noir et/ou de cyclorama. On a commencé à faire disparaître les pendrillons, les frises et fonds, et à travailler avec les cages de scène nues, tout en abandonnant le dispositif d’éclairage latéral et venant du sol.
Quand a été inventé cet éclairage académique d’un plateau de danse ?
Éric Wurtz : ce type d’éclairage fut inventé dans les années 40 par l’éclairagiste de Martha Graham, Jean Rosenthal [ndlr 1912-1969], en réaction à la platitude de l’éclairage qui existait dans les ballets classiques. En disposant la lumière latéralement par rapport au corps du danseur, on lui donne un relief important. C’est vraiment une révolution dans le mode d’éclairage. Ensuite, ça devient une forme de d’académisme.
Vallée, 2008 – Mathilde Monnier et Philippe Katerine
Quels changements d’implantation lumière as-tu réalisés alors ?
Éric Wurtz : nous avions la volonté de situer la lumière différemment dans l’espace, de la disposer et de la travailler différemment. En modifiant cette façon de produire de la lumière très conventionnelle et hiérarchisée, il était possible de libérer le danseur dans ses déplacements et dans son appropriation de l’espace.
Quand j’ai commencé, il existait une forme de domination de l’éclairage sur le corps du danseur qui devait se soumettre à de longues séances de placement lumière.
Nous avons modifié ce rapport au travail, avec une lumière plus extensive et enveloppante.
EEEXEEECUUUUTIOOOOONS!!!, 2012, La Ribot
Et le régime interne de l’expression chorégraphique a changé, il était important d’exprimer des notions d’états, de présence, de forces… D’où la nécessité de rendre sensible les visages et de redonner de l’importance à l’éclairage de face.
Dans certains spectacles de Mathilde Monnier, je pense en particulier à Déroutes, toute la lumière vient de la face.
D’où remonte cette relation passionnelle entre la lumière et le danseur ?
Éric Wurtz : la danse entretient un rapport très privilégié avec la lumière, et cela dés 1900, avec Loïe Fuller qui l’a utilisée comme vecteur essentiel. J’ai travaillé récemment sur la reprise de « Relâche », le ballet de Francis Picabia pour les ballets suédois, où il inventa en 1924 un dispositif scénique composé d’un mur de réflecteurs et d’ampoules qui produisait par son aveuglement un choc novateur. On pourrait écrire l’histoire de cette relation féconde.
Relâche, le ballet de Francis Picabia – Reprise en 2014 par Petter Jacobsson et Thomas Caley
Quels sont pour toi les éléments essentiels quand tu créé une lumière de danse ?
Éric Wurtz : nous sommes les garants de la dramaturgie spatio-temporelle. Nous opérons une forme de traduction des intentions d’une pièce en maîtrisant la lumière.
Soapera, 2010 – Mathilde Monnier et Dominique Figarella
Ce qui importe, c’est de trouver un dispositif singulier, qui diffère d’un projet à l’autre. En choisissant les appareils, leur répartition et groupement, en jouant des colorations, contrastes, directions et valeurs. Chercher et innover en seraient les maîtres mots.
La lumière orchestrée intervient alors non seulement comme interprétation du propos, mais aussi comme agent de transformation des corps et de leur dynamique.
Propos recueillis par Vincent Laganier à Lyon, le 9 novembre 2014.
A suivre…
Éric Wurtz, du light-show à l’éclairage scénique
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Introduction | Éric Wurtz, créateur lumière de spectacle de danse |
Page 1 | Éric Wurtz, du light-show à l’éclairage scénique |
Page 2 | Éric Wurtz, profession et formation à la lumière de scène |
Lieu
- Eric Wurtz
- Lyon, France