Fête des Lumières depuis la direction de l’éclairage urbain
Comment la Fête des Lumières s’inscrit-elle dans l’éclairage urbain à Lyon ?
Jérôme Donna : il y a toujours eu un lien très intime entre la direction de l’éclairage urbain et la Fête des lumières. Les premiers événements étaient pilotés par la DEP. Après, les choses ont évolué. La direction participait en réalisant des mises en lumière pérennes à cette occasion.
Cathédrale Saint-Jean au premier plan, Basilique de Fourvière et tour TDF au deuxième plan, Lyon, France – Festival Lyon Lumières 1999, 1ère Fête des Lumières © Vincent LaganierEt avant que j’arrive, elle effectuait également des mises en lumière chromatique des mairies d’arrondissement et de lieux pour accompagner l’évènement. Elle mettait aussi les fontaines en couleur et réalisait bon nombres d’installations électriques pour l’ensemble des équipes artistiques.
Pourquoi la DEU participe avec une création lumière chaque année ?
Jérôme Donna : il serait regrettable de ne pas participer à un tel événement autour de la lumière qui se déroule sur notre territoire de travail quotidien.
Et puis même s’ils ne me l’ont jamais vraiment dit ici, je pense que quand ils m’ont proposé de réfléchir à la création de projets artistiques, il y avait aussi derrière cette idée : « Il était avant chez Fachard (premier directeur artistique de la Fête des Lumières) et il a participé à cet événement ».
Quand a eu lieu ta première installation lumière pour la Fête ?
Jérôme Donna : depuis 2004, chaque année on propose une création, voire deux. Au sein de la direction éclairage urbain, j’ai essayé de développer ce volet artistique, pour participer à la Fête des Lumières. Au fil des années, j’ai créé mon mode d’expression, ma manière de faire. Finalement Je suis peut-être l’artiste qui a présenté le plus de projets à la Fête des Lumières car chaque année depuis 2004, l’installation lumière de la DEU, c’est une œuvre en complément de la programmation. Même si on s’inscrit et on s’intègre dans un parcours en étroite collaboration avec la direction des événements et animations.
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Pourquoi cette installation lumière de la Fête des lumières est-elle importante ?
Jérôme Donna : c’est important que l’équipe de la DEU s’exprime à l’occasion de ces projets car cela engendre une émulation particulière et un retour image important. Il y a également beaucoup de communication autour de l’événement. Ça démontre aussi un certain savoir-faire du service, non seulement technique. Je suis assez heureux de pouvoir m’exprimer artistiquement sur ces projets, car dans la lumière pérenne, tu ne peux pas t’exprimer de la même manière.
Sur un projet éphémère pour la Fête des Lumières, tu es plus libre de pousser le curseur de la créativité plus loin pour offrir de l’émotion. De plus, il y a de l’enjeu car, maintenant avec l’ensemble des Fêtes des Lumières qui sont passées, des projets il y en a eu des centaines. Et se renouveler est l’exercice le plus délicat !
Comment se renouveler chaque année pour ce projet Fête des Lumières ?
Jérôme Donna : je m’impose de toujours de repartir d’une feuille blanche. C’est ce qui motive mon engagement artistique, aussi par des propositions de nouveaux lieux ou surfaces à découvrir dans la ville. Par le passé, J’ai rarement pu choisir notre site d’intervention. Mais, maintenant, avec le nouveau directeur artistique de la Fête des Lumières, Julien Pavillard, on se connait mieux et on peut échanger plus facilement. Il y a aussi la volonté et le regard sur la manière de les traiter. J’aime ce défi de me renouveler.
J’essaye que la DEU produise les projets les plus innovants possibles en prenant aussi des risques. J’explore et utilise tous les domaines qui produisent de la lumière, aussi bien la vidéo-projection que les objets et ou matières lumineuses, également la flamme. Mais il ne faut pas se le cacher, on est en confrontation directe avec les autres équipes artistiques qui sont des grands noms du métier. Alors, si on veut que notre installation lumière soit autant appréciée par le public que les autres, nous devons chaque fois nous remettre en question.
Comment s’organise l’équipe de cette œuvre lumière Made in Lyon ?
Jérôme Donna : j’essaye de fédérer au mieux une petite équipe au sein de la Direction de l’éclairage urbain. D’abord avec mes collègues proches au BE parce qu’il y a besoin d’une bonne complicité et d’un investissement personnel important dans ces aventures. C’est avec eux que j’essaye de créer un lien et un noyau soudé. Et ensuite, nous demandons quelques agents volontaires du service maintenance pour aller monter ces projets.
Je n’ai pas les mêmes souplesses que dans une structure privée ! Je dois respecter les règles de l’administration et tout ce qui va avec, parfois cela nous pénalise un peu. En revanche, cela me permet aussi d’autres choses. J’ai la chance d’avoir un atelier de serrurerie, avec un forgeron qui m’a rendu des services énormes. Il m’a permis de faire des projets que je n’aurais jamais pu tenter sans avoir ses compétences et un service en interne.
Quelles sont ces installations lumière qui t’ont le plus marqué ?
Jérôme Donna : on peut dire qu’elles ont toutes été importantes, pour différentes raisons et qu’il reste à chaque fois des anecdotes humaines enrichissantes. Je peux en évoquer quelques-unes.
Laniakea, place Antonin Poncet, en 2014. C’est un projet marquant, car il utilise aussi bien la projection d’images qu’un millier d’objets plastiques. Il y a une dualité entre les sphères lumineuses qui viennent se marier à l’image et l’image qui répond aux objets plastiques.
Je l’ai cocréé avec un ancien collègue, Simon Milleret-Godet et nous avons rencontré et collaboré avec l’astrophysicienne lyonnaise, Hélène Courtois, qui a fait la découverte scientifique. C’était une superbe rencontre. Nous avons pu également exporter cette installation à Quito en Équateur et à Genève en Suisse.
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La Jungle urbaine en 2010, à l’intérieur de la cour du musée des Beaux-Arts de Lyon, était aussi un projet franchement intéressant parce que le lieu n’avait jamais été traité. Nous avons mappé les 4 façades de la cour intérieure en vidéo projection à 360° et des lianes lumineuses descendaient des arbres.
Par rapport au bâtiment qui renferment toutes ces œuvres d’art, j’ai souhaité travailler sur un aspect graphique particulier car une partie de mon inspiration se trouve dans la lumière de l’art pictural. Il y a de multiples lumières dans la peinture au travers des différentes époques de l’histoire de l’art. C’est un sujet dont on pourrait parler encore longtemps sur de nombreux artistes qui m’inspirent.
Après, même le projet Météore en 2017 à la piscine du Rhône – Centre nautique Tony Bertrand de Lyon – où on avait fait voler une météorite dans l’espace sur 300 mètres de large et 50 mètres de haut en détournant un système de Spidercam mobile sur câble était un projet très ambitieux.
Malheureusement, les conditions climatiques ne nous ont pas permis de jouer tous les jours. Mais, je suis convaincu d’avoir pris ce risque, car je ne l’ai jamais vu à la Fête des Lumières !
En 2006, À la cathédrale Saint-Jean, mise en scène, on avait suspendu un immense rideau lumineux. C’était un travail de mise en lumière plus classique, mais le geste artistique était très fort. Cela on ne pourrait plus se le permettre maintenant parce que, techniquement, c’était un peu compliqué avec les responsables des monuments historiques…
Malgré tout, je tiens à le souligner, tout ce que l’on a installé sur ce projet-là était seulement posé. Nous n’avons jamais percé une pierre pour aller fixer en dur notre structure. Tout notre système était un pendule en équilibre via des contre-poids. On arrive aussi à faire quelques prouesses techniques avec de grandes équipes !
Quelles personnes font partie de ces équipes Fête des Lumières ?
Jérôme Donna : je travaille avec les volontaires de la direction éclairage urbain parce que l’on travaille un peu hors du cadre habituel. Donc, il faut que chacun donne une énergie et du temps supplémentaires. Ensuite je m’entoure de prestataires techniques qui viennent du privé, en fonction des besoins en compétences, ils viennent nous aider à former l’équipe pour réaliser ces projets. Maintenant pour l’équipe artistique, une garde rapprochée s’est constituée autour de ces projets, vu qu’il faut se comprendre et aller très vite. Je collabore maintenant quasiment toujours avec le même compositeur sonore et musicien, les mêmes graphistes, pupitreur lumière et opérateur vidéo. De plus dans l’organisation interne, on consacre seulement du temps dans les deux-trois derniers mois avant la Fête des Lumières, ça rend la tâche plus difficile. Je souhaiterais rentrer dans un calendrier qui correspond à celui des autres artistes qui participent la fête.
Quels sont les points clés de ton métier dans cet événement ?
Jérôme Donna : par rapport à mon métier, il faut utiliser les bases de la lumière, mais pour œuvrer, il faut avant tout être passionné par la lumière. C’est vraiment un point fort. Il est nécessaire de faire preuve de curiosité quotidienne et pas seulement dans le microcosme de l‘éclairage. Il faut aussi aller voir les autres installations de la Fête des Lumières à Lyon. C’est l’événement majeur dans le monde sur la lumière événementielle.
Je souhaiterais également qu’on me laisse plus de temps et me permette d’aller observer d’autres projets en France et à l’étranger, même modestes. Ce sont souvent des projets qui sont très inspirants plutôt que les grosses productions où il y parfois moins de créativité.
Propos recueillis par téléphone par Vincent Laganier le 7 décembre 2020.
À suivre…
Jérôme Donna, éclairagiste : de LEA à la ville de Lyon
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