Flaine : premier spectacle de drones en station de ski
Comment s’organisent les manifestations culturelles de l’office de tourisme ?
Pierre Claessen : à mon arrivée, il y a quinze ans, j’ai instauré les semaines thématiques. L’été et l’hiver, et sur les mois de février, à Noël et pour le jour de l’an, on a des semaines type calibrées de cette façon.
- Dimanche soir, animation ludique biathlon ou laser game.
- Lundi soir, le pot d’accueil, avec des animations traditionnelles.
- Mardi soir, un gros spectacle enfants, avec aussi d’autres choses en amont.
- Mercredi soir, la descente aux flambeaux, concert et le feu d’artifice.
- Jeudi soir, le one-man show, un grand spectacle d’un humoriste français.
Ainsi, depuis 12 ans, on a reçu dans notre auditorium de 500 places plus de 25 artistes de Kev Adams en passant par Arnaud Ducret, Anne Roumanoff… mais le Covid nous a contraints à ne plus présenter de spectacle en intérieur ces deux dernières années.
Pour le mois de février, on appelle ça le Flainestival. C’est un déroulé de la semaine très orchestré et très pensé.
Problématique : le Covid et ses interdictions nous ont amené à tout repenser.
Quels types de spectacle produisez-vous à Flaine ?
Pierre Claessen : on cherche à avoir des choses originales que les autres ne font pas. Ça fait partie de l’ADN de la station de Flaine. On essaie d’être avant-gardiste dans tout ce qu’on fait, tout ce qu’on entreprend et tout ce que l’on crée. On demande toujours à nos fournisseurs, notamment de spectacles, de faire quelque chose qu’ils n’ont pas fait ailleurs.
Comment vous renouvelez-vous au niveau des spectacles lumineux ?
Pierre Claessen : quand Julien Sage, responsable animation depuis 12 ans, réfléchit au programme de la saison, le maître mot, c’est de trouver quelque chose de novateur. L’idée, c’est toujours de proposer au moins une ou deux choses nouvelles.
Comment êtes-vous venu à proposer un spectacle de drones ?
Pierre Claessen : j’y pensais depuis trois ans ! En regardant un peu les différents reportages à la télé, je me suis dit que ça serait bien. Mais la première problématique, c’était le budget !
Nous sommes sans doute un des offices de tourisme avec un des plus petits budgets au niveau des grandes stations. Flaine est dans le top 15 des stations françaises, mais notre budget global reste peu élevé. Donc, on ne peut pas faire tout faire… Par exemple, la dépense des drones, c’est quasiment 60 % de mon budget hiver.
Quel a été l’élément déclencheur pour changer de stratégie ?
Pierre Claessen : on est dans le PPA : plan de protection de l’atmosphère. Lorsqu’on a un temps anticyclonique pendant trois semaines, en bas dans la vallée, la pollution de l’air est très élevée. C’est bien connu depuis Chamonix, la vallée de l’Arve est l’une des vallées où l’air est le plus pollué de France. Même si on est à 1600 mètres d’altitude, on est sur le périmètre de Cluses. Et à partir de ce moment, il nous est interdit de tirer les feux d’artifices.
En réfléchissant, on a regardé avec Julien Sage. Avec la problématique du PPA, le spectacle de drones est une solution alternative au feu d’artifice qui est intéressante.
Quand organisiez-vous des feux d’artifice à Flaine ?
Pierre Claessen : à Noël, au jour de l’an et pendant les vacances de février, on organisait des feux d’artifice à Flaine. Depuis cinq ans, le département de Haute-Savoie nous surveille. À chaque fois qu’il y a un petit indice de pollution, il nous contacte directement. Deux fois de suite, ils nous ont interdit de tirer une heure avant de le feu d’artifice. Tout était prêt. On avait mille personnes sur le Forum et on a dû annuler au dernier moment.
Comment avez-vous trouvé votre nouveau fournisseur de drones ?
Pierre Claessen : il y a un an, par hasard, lors de mes congés et d’un déplacement en France, je consulte mes mails rapidement. Alizée Caffy, directrice commerciale de la société de spectacles de drones Exaus m’avait envoyé une proposition commerciale. En regardant de plus près son adresse postale, je m’aperçois que son siège social se situe à 5 minutes de mon lieu de villégiature.
Où avez-vous découvert votre premier spectacle de drones avec des LEDs ?
Pierre Claessen : elle me renvoie un mail et me propose d’assister à une séance d’entraînement. Je m’en rappelle très bien, je voyais les drones évoluer pour la première fois. Il fallait se projeter parce que les formes géométriques programmées, c’était un peu le début de l’aventure. Mais on voyait le potentiel. En même temps, je discutais avec Alizée. Je lui disais : est-ce que tu peux faire ça ? Est-ce que tu peux créer un Choucas ? [ndlr : Chocard à bec jaune] Un skieur ? jusqu’où peut ton aller ?
Comment avez-vous ajusté les tableaux du spectacle avec Exaus ?
Pierre Claessen : au début, le devis de Exaus était prévu pour 25 drones. Deux ou trois mois après, on commence à avancer sur la programmation des tableaux qu’on allait faire à Flaine, la scénographie. Elle m’envoie un email un soir, et me dit : « Pierre, ça ne va pas passer au niveau du nombre de drones. Le rendu sera moyen, voire impossible pour certains tableaux. Donc, je vais passer à 40 drones et on reste sur le même budget. » Du coup, ils ont fait un effort. Le rendu a été exceptionnel. J’ai apprécié le geste d’Alizée Caffy !
Quand avez-vous présenté le premier spectacle de drones à Flaine ?
Pierre Claessen : le premier spectacle de drones à Flaine a eu lieu juste avant Noël dernier. C’était le 22 décembre 2021 [ndlr : Des drones illuminent le ciel à Flaine : une première en France, Le Dauphiné]. On a été la première station de ski française, peut-être même mondiale, à proposer un spectacle de drones nocturne, en altitude.
https://x.com/FLAINESki/status/1473735094561124354
Et le rendu fut vraiment surprenant et magique. Plus de 1 500 personnes ont vu et plébiscité le spectacle. Le succès a été au rendez-vous, c’était incroyable et encore plus sur les spectacles de février 2022.
Quels ont été les retours du public de la station ?
Pierre Claessen : l’accueil public était super ! Le retour a été exceptionnel, notamment l’effet transversal sur les réseaux sociaux. En fait, c’est tout à fait la station de Flaine depuis 50 ans : avant-gardiste et novateur !
Comment avez-vous obtenu le budget nécessaire finalement ?
Pierre Claessen : le conseil d’administration de l’office du tourisme a validé rapidement les drones parce que, mine de rien, c’est un très beau budget pour quatre spectacles. Et c’est très significatif. Mais nous avions été échaudés des interdictions de tirs de feux d’artifices. Donc le conseil d’administration a validé rapidement cette dépense, en pariant sur le côté novateur.
D’ailleurs, on en a commandé six avec une nouvelle programmation et scénographie pour 2023.
Quel était le périmètre de sécurité mis en place ?
Pierre Claessen : le périmètre, c’est une zone de vol des drones de 2 000 mètres carrés. La zone de sécurité public, c’est beaucoup plus autour et au-dessus. Comme on est sur un domaine skiable, les pistes sont fermées la nuit. C’est ce que j’ai expliqué à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Mais, il faut quand même mettre en place un périmètre très large.
La police municipale est venue bloquer les deux ou trois endroits qui accèdent aux pistes, et nous avions aussi le renfort des gendarmes locaux.
Au niveau de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), on a mis deux ou trois mois pour avoir l’autorisation de produire le spectacle de drones de nuit.
Propos recueillis par Vincent Laganier à Flaine le 10 février 2022.
A suivre…
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Lieu
- Station de ski de Flaine
- Flaine, France
Équipe du projet
Livres
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