« La lumière du ciel est un spectacle » Mourka
Qu’est-ce que la lumière pour vous ?
Mourka : la lumière c’est un miracle ! Et j’aime le merveilleux.
Tout d’abord je me suis intéressée aux fêtes d’hiver, au carnaval et à leurs symboliques. Dans toutes les cultures, les traditions sont reliées au cycle des saisons et les astres y ont une très grande importance. Aujourd’hui, du fait de l’électricité, nous ne sommes plus tellement sensibles ni conscients de l’importance de la lumière des astres. D’autant moins dans les villes sur-éclairées, puisque nous ne parvenons même plus à voir les étoiles.
Quand on se lève le matin, on ne se pose pas la question si le soleil va se lever aussi, il fait jour, il fait nuit, c’est normal, on ne se pose jamais la question d’une panne solaire. Mais quand on pense que pour nos ancêtres, tout dépendait des caprices du soleil et de la lune, on comprend mieux leurs célébrations de la lumière qui perdurent aujourd’hui sous forme d’illuminations de fin d’année par exemple.
Quelle est votre première émotion lumière ?
Mourka : la toute première émotion dont je me souvienne, c’est l’émerveillement devant le sapin de Noël éclairé par des petites bougies dans les branches. Mais ce n’est pas ce qui m’a donné envie de travailler avec la lumière.
Mon travail avec la lumière a commencé d’une manière carnavalesque : en déguisant des lampadaires ! C’était en 1995, j’avais organisé un parcours-exposition dans un square derrière le Sacré-Coeur à Paris avec un collectif d’artistes. Nous avions utilisé le mobilier urbain et j’avais transformé les lampadaires en marionnettes articulées. A cette époque on parlait beaucoup de plans lumière. Malheureusement, le parc n’était pas accessible de nuit. Je trouvais ça tellement dommage que ça m’a donné l’idée de faire moi aussi un plan lumière éphémère.
J’ai investi quelques petites rues du vieux Bordeaux avec des artistes en costumes lumineux, une signalétique d’étoiles clignotantes, des petites installations et des poèmes aux murs, des bougies et une grosse lune lumineuse coincée entre deux rues. Quand j’ai donné comme indications aux artistes d’être porteurs de lumière, j’ai compris la relation qu’il y avait avec les cultes primaires de la célébration de la lumière, à l’époque tout était spiritualité et la lumière était avant tout divine.
Quelle est votre sensation lumineuse préférée ?
Mourka : l’heure bleue. La sensation d’un ciel rien que pour soi lorsque la ville dort encore.
Quelle est la réalisation lumière la plus aboutie pour vous ?
Mourka : j’ai un coup de cœur pour « les voyageurs », les sculptures lumineuses de Cédric Le Borgne, c’est un magnifique travail avec un matériau tout simple, du grillage de poule qu’il a eu l’idée d’éclairer. Cédric est un artiste très contemplatif, il passe des heures en silence sur le site à réfléchir sur l’installation et je trouve que l’on ressent très fortement cette contemplation dans ses œuvres. Il se dégage un calme et une poésie qui se passent de toute explication. C’est l’art de la lumière le plus abouti que je connaisse. Il ne nécessite pas de projecteurs sophistiqués, ni de changement de couleurs en veux-tu en voilà, non, juste une lumière blanche sur un bête grillage de poule ! Du grand art.
Qu’est-ce que la lumière ne fait pas encore et que vous aimeriez qu’elle fasse à l’avenir ?
Mourka : après avoir lu toute l’histoire de l’éclairage public, de l’utilisation de la vessie de porc à l’expérimentation en URSS d’un miroir sur satellite, je me suis dit qu’on allait forcément trouver une nouvelle manière de s’éclairer. Quelque chose qu’on n’appréhende pas encore. Le feu, le pétrole, le gaz, l’électricité, les ondes, tout était déjà là depuis des millénaires mais chaque énergie s’est révélée en son temps ! Qu’est-ce que la lumière ne fait pas encore ?
Elle éclaire, elle chauffe, elle guérit, elle nourrit, elle crée de la nature bien sûr, et peut-être même qu’elle joue de la musique qu’on ne sait pas entendre ? Lumière et vision étant liées, ce que j’adorerais c’est tout voir : voir comme le chat, la mouche ou le poisson, voir l’invisible, et puis voir ces fameuses lumières colorées qui paraît-il nous entourent. En tous cas, d’une manière plus pragmatique, j’ai hâte qu’on n’ait plus besoin de câble électrique !
Quelle personnalité de la lumière est la plus inspirante ?
Mourka : celui qui la fit ! Qui-quoi que ce fut…
Élohim dit :
« Qu’il y ait des luminaires au firmament des cieux pour séparer le jour de la nuit et qu’ils servent de signes pour les saisons, pour les jours et pour les années ! Qu’ils servent de luminaires dans le firmament des cieux pour luire au-dessus de la terre ! » Il en fut ainsi. Élohim fit donc les deux grands luminaires, le grand luminaire pour dominer sur le jour et le petit luminaire pour dominer sur la nuit, et il fit aussi les étoiles. Élohim les plaça au firmament des cieux pour luire sur la terre, pour dominer sur le jour et sur la nuit, pour séparer la lumière des ténèbres. Élohim vit que c’était bien. Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le quatrième jour ».
Genèse, livre I
Quel est votre objet lumineux préféré ?
Mourka : j’aime les effets de la lumière vivante et chaleureuse des bougies qui donnent tout de suite une âme poétique à un lieu. Dans mon atelier, j’ai un lustre de la fin du XIXème siècle, initialement à pétrole et bougies, que j’ai équipé d’une ampoule de 200W sur variateur et dont j’allume parfois les chandelles.
Quelle est votre source de lumière idéale ?
Mourka : la lumière naturelle. Pour l’artiste, rien de plus frustrant que la nature, tout est déjà là, d’une créativité inégalable… J’aime la délicate lumière rosée de l’aube en hiver, le rayon de soleil mordoré d’une fin de journée pluvieuse, les reflets lunaires… La lumière du ciel est un spectacle dont je ne me lasse pas. Elohim vit que c’était bien, et il avait raison : c’est une bien belle création.
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Lieu
- Mourka
- Lyon, France