« La lumière est partout, naturelle ou artificielle » Lionel Bessières
Quelle est la demande des collectivités en termes d’économie d’énergie ?
Lionel Bessières : c’est malheureusement assez étonnant car, il y a cinq ans, les collectivités nous parlaient beaucoup plus de retenue, d’économie d’énergie et de maîtrise des niveaux d’éclairement qu’aujourd’hui. C’est un sujet qui revient trop peu souvent dans les échanges que nous avons maintenant avec les maîtrises d’ouvrage.
Avec les arrêtés du 28 décembre 2018, les consciences sur ce sujet se réveillent un peu et c’est primordial. Je me pose d’ailleurs beaucoup de questions en ce moment sur la pertinence de nos interventions sur certains projets ! Nous devrons certainement apprendre encore à penser la lumière autrement, nous le savons tous ; un beau projet n’est pas forcément un projet spectaculaire.
Quelle est l’essence d’un projet de mise en lumière ?
Lionel Bessières : pour un éclairage pérenne, la réalisation que nous allons faire est là pour longtemps. Nous avons le temps de la penser, de la vivre et aussi de la voir vieillir, ce qui est parfois douloureux ! Une mise en lumière patrimoniale révèle ou transforme celui-ci. Il y a une véritable notion de respect quand nous éclairons pour quelques années seulement un édifice de plusieurs siècles.
Quels sont les inconvénients du métier de concepteur lumière ?
Lionel Bessières : la difficulté de la maîtrise d’ouvrage à appréhender la lumière et l’approche des concepteurs lumière. Puisqu’il n’y a pas encore de formation de concepteur lumière en France nous apprenons tous ce métier sur le tas. Quelle est alors notre approche ? Quel est le degré, le niveau et les limites d’intervention dans les rendus que nous allons faire ? Est-ce que nous allons parler des réseaux ou pas ? Est-ce que nous allons va faire des plans, des simulations informatiques ou des croquis ? Quand j’échange avec des collègues, nous prenons plaisir à échanger sur nos métiers et nos méthodes de travail qui sont souvent différentes.
Quels sont les compétences d’un concepteur lumière ?
Lionel Bessières : nous devons être passionnés ! Car la lumière est partout, naturelle ou artificielle.
Ensuite, c’est une certaine capacité à approcher, appréhender et adapter un projet car, chaque projet est différent. Sur certains projets, il va falloir travailler avec une lumière dynamique, d’autres une lumière très chaude douce et statique, de la vidéo ou de l’éclairage public. Donc, c’est une capacité à maîtriser tous les médias et technologies disponibles.
Lionel Bessières : de plus, pour faire un projet aujourd’hui, il nécessaire d’avoir un certain recul et s’intégrer dans un processus de réalisation sur le long terme. Comme je le disais, nous sommes dans un métier à forte dose de pédagogie avec les élus, les décideurs, les ABF, la DRAC et tous les acteurs qui sont de plus en plus nombreux sur chaque projet. Il faut passer du temps à dialoguer et à convaincre, étape par étape. C’est cette capacité de dialogue, d’écoute et presque de « séduction » sur les projets qui est aussi nécessaire pour arriver à mener un projet à son terme.
Lionel Bessières : enfin, il faut aussi une dualité d’approche entre créativité et technique. Pour moi, l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre. C’est primordial. Nous devons maîtriser la technique si nous voulons arriver à mettre en place le concept que nous avons imaginé.
Pourquoi un jeune ferait-il ton métier ?
Lionel Bessières : quand nous accueillons des stagiaires, je leur présente un métier qui se renouvelle sans cesse. Tous les projets sont différents. C’est un renouveau perpétuel. Il y a aussi le plaisir (et la difficulté) du travail de jour et de nuit. Nous touchons un peu à tous les médias et toutes les techniques. Et surtout, nous travaillons toujours sur des sujets intéressants. Par exemple, nous découvrons régulièrement l’intérieur de charpentes millénaires ou les toits d’une cathédrale. Nous allumons en ce moment avec Wonderfulight le littoral de Biarritz et nous passons des nuits entières à faire des réglages, assis sur la plage à regarder et diriger des réglages lumières dans un cadre urbain et naturel fabuleux. C’est des moments assez exceptionnels. C’est un métier de mouvement et il y a une finalité à notre travail. Il y a aussi une certaine fierté quand nous mettons en œuvre un projet lumière. La lumière a ce pouvoir étonnant de séduction et de rêve.
Comment se former au métier de concepteur lumière ?
Lionel Bessières : faire des stages, hors ou dans son cursus, je crois que c’est primordial. C’est le meilleur moyen pour comprendre un peu ce qui se passe chez un concepteur lumière. Pour se former, le mieux est aussi d’être autodidacte et de toucher à tout, les logiciels, le chantier… Puis après faire une formation spécialisée abordant l’éclairage comme l’IAE de Lyon ou à l’ENSI Poitiers, ou une formation continue, telle que celle que tu peux donner au Pôle Atlantique de Nantes. Quelques personnes basculent dans la conception lumière ensuite. Pour autant, je ne serais pas forcément un très bon conseiller d’orientation car, je ne connais pas tous les détails des formations.
Propos recueillis par Vincent Laganier le 19 juillet 2019
A suivre…
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