« La temporalité est indispensable à la maîtrise des consommations d’énergie » Antoine Bouchet
Fin mars 2014, j’ai eu le plaisir d’interviewer Antoine Bouchet. Ce grand professionnel nous livre « une approche non exhaustive de l’éclairage de la ville de Lyon, mais plutôt quelques petites touches impressionnistes » précise-t-il.
Vincent Laganier : comment as-tu commencé dans la lumière ?
Antoine Bouchet : était-ce prémonitoire ? Pour la petite histoire, après mon Baccalauréat d’électrotechnique, j’avais déjà entendu parler d’éclairage. C’était pendant ma dernière année d’étude d’ingénieur à l’’EEIM école d’électricité industrielle de Marseille en 1972-1973 avec une heure de cours par semaine…
Quand es-tu entré à l’éclairage public de la ville de Lyon ?
AB : en décembre 1975, Michel Bouit alors directeur m’a embauché comme responsable du bureau d’études techniques de la Direction Éclairage Public – DEP – de la ville de Lyon. Ce nouveau service public, précurseur pour l’époque, était une première pour la ville.
Comment s’est passée la mise en lumière de la halle Tony Garnier ?
AB : en 1986, le concepteur lumière Louis Clair avait proposé d’éclairer toutes les fermes triangulées, d’une poutre à l’autre, de face. Pour les essais, la DEP avait réalisé des canons de plus d’un mètre. Objectif : défiler les sources, dans les visions lointaines, depuis le sol de la halle. C’est en posant un projeteur par hasard à l’intérieur de la ferme, créant un effet de silhouette, que Louis Clair a changé sa conception lumière. C’est l’effet visible encore aujourd’hui dans la halle.
Quel a été ton rôle principal pendant le premier plan lumière ?
AB : j’ai accompagné la mise en œuvre du premier plan lumière de Lyon à partir de 1989, notamment la création des deux lignes de mobilier lumière. L’objectif était de changer complètement et rapidement l’aspect de la ville pour la rendre plus cohérente, de jour comme de nuit. C’était l’une de mes préoccupations principales.
Directeur de l’éclairage public en 2003, ce nouveau poste coïncide avec le deuxième plan lumière.
AB : le deuxième plan lumière s’est effectué à la fois en continuité avec le premier. Mais aussi avec un concept, une méthode et des orientations différentes. En particulier, il s’agissait de s’affranchir du monument pour voir la rue et les événements du quotidien. En ce qui concerne les orientations, l’accent a été mis sur :
- l’attention aux territoires à travers des plans lumière de quartier.
- des préoccupations nouvelles comme le développement durable, mais aussi la créativité, la temporalité ou la construction d’un pôle de compétence autour de l’éclairage,
- un travail en atelier lumière sur tous les projets urbains,
- le développement de l’expérimentation.
Quelles sont les réalisations clefs de cette période 2003-2012 ?
AB :
- L’entrée de ville sur l’avenue Tony Garnier.
- Les quais du Rhône réaménagés du parc de la Tête d’Or à la Confluence.
- Le lycée Saint-Just sur la colline de Fourvière, souligné en toiture.
- La manufacture des tabacs.
- Le quartier de la Duchère.
- Le cœur de Vaise.
- Les appliques du centre-ville.
Côté optimisation de l’éclairage public, comment a-t-elle été traduite ?
AB : nous avons réalisé quatre actions principales :
- Remplacement des appliques du centre-ville en lançant un concours sur performance remporté par Sermeto pour la console et Philips pour la lanterne.
- Remplacement du dispositif optique de la majorité des luminaires sur mât des parcs, jardins et espaces publics. Son nom de code : LI4. Il s’agit des lanternes coniques indirectes de la gamme Wilmotte Ville de Lyon. Elles étaient équipées d’une lampe iodures métalliques 150 W et malgré un rendement satisfaisant et un très bel aspect, nous avions une perte de lumière sur les côtés. Depuis l’appel d’offre remporté par Comatelec, elles sont en LED de 60-70 W 3000 K avec un contrôle parfait du flux lumineux.
- Réduction considérable des nuisances lumineuses par le remplacement de tous les appareils dits décoratifs (boules, cylindres…) installés entre 1975 et 1989 par des luminaires directifs plus performants.
- Remplacement de tous les projecteurs équipant les fontaines par des appareils à LED de la société lyonnaise LEC.
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Comment as-tu introduit le concept de temporalité dans l’éclairage urbain ?
AB : pourquoi éclairer ? Faut-il éclairer toute l’année et toutes les nuits de la même façon ? C’est l’objet du concept de temporalité. La temporalité est indispensable à la maîtrise des consommations d’énergie. Pour toutes les nouvelles installations comme sur de nombreuses installations existantes, nous avons été amenés à revoir les principes de commande et de séparation des circuits pour maîtriser l’éclairage dans le temps.
Ainsi, nous avons choisi le quartier Saint-Rambert pour mettre en place la télégestion et la gestion au point lumineux sur 1 500 à 2 000 points lumineux. L’idée était de se servir de ce quartier, équipé de lampes de différentes technologies (sodium haute pression, iodures métalliques, LED…), comme un grand laboratoire urbain. Dans le même temps, nous avons lancé diverses consultations pour équiper des rues en LED avec gradation et explorer sur divers sites l’éclairage avec détection de présence. L’INSA de Lyon nous a accompagnés sur quelques-uns de ces programmes intitulés Evalum pour analyser les résultats à partir d’enquête de terrain auprès des usagers.
Quel est ton plus beau souvenir ?
Ils sont trop nombreux pour n’en citer qu’un seul. La lumière s’apprend essentiellement sur le terrain, la nuit, ce moment est privilégié pour nouer des relations de travail dénuées de tout artifice, ce qui fait de notre activité un métier si passionnant et si particulier.
Comment vois-tu l’évolution de l’éclairage urbain aujourd’hui ?
AB : trois points importants :
- l’éclairage est indispensable à la vie et au bonheur des gens. Supprimer l’éclairage dans les villes est absurde et inhumain !
- Il faut absolument réguler l’éclairage urbain, introduire de la temporalité avec de la détection de présence pour tenir compte des rythmes de la ville dans ses différents espaces – par exemple à 20h, 22h, 24h, 5h, 8h du matin.
- Il faut faire participer les habitants à la définition et surtout à la vie de leur environnement nocturne. Nous faisons depuis 30 ans de l’éclairage public sans suffisamment de concertation !
Zoom +
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- Lyon, ville lumière : rétrospective 1999-2005
- 25 images pour 25 ans de plan lumière à Lyon : 1989-2014 de Jean-Yves Soetinck
Concepteurs lumière
- Louis Clair, Light Cibles
- Laurent Fachard, Les Eclairagistes Associés – LEA
- Yves Adrien, Coup d’éclat
- Charles Vicarini
Architectes
Services publics
Ecole d’ingénieurs
Fournisseurs d’éclairage
Zoom –
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Lieu
- Direction Eclairage Public de la Ville de Lyon
- Lyon, France