Marcel Ragni, de la présidence à la médaille du Mérite
Comment s’est passé le changement de présidence en 2008 ?
Marcel Ragni : En 2008, lorsque j’ai pris la présidence après mon frère, j’étais fier, mais aussi un peu angoissé, car mon prédécesseur avait beaucoup fait croître l’entreprise. En tant que directeur commercial, je m’occupais de recueillir et transmettre les demandes des clients aux ingénieurs. Durant la crise financière des subprimes, j’ai travaillé intensément tout en continuant mes activités commerciales pour prouver ma valeur.

Quelles sont vos premières performances de l’entreprise ?
Marcel Ragni : En 2009, j’ai parcouru 80 000 km en voiture pour rendre visite à nos clients, ce qui nous a permis de limiter la baisse de notre chiffre d’affaires à seulement 4 % malgré la crise. Grâce à l’effort de mon fils Jean-Christophe, directeur export, nous avons connu une croissance de 35 % en 2010. Cela m’a valu la reconnaissance et le soutien des fournisseurs, des clients et des banquiers.

C’est ce que l’on appelle le charisme du dirigeant et de son équipe ?
Marcel Ragni : Les partenaires financiers et industriels lient souvent la stabilité d’une entreprise à son dirigeant. Vous savez, les banquiers insistent pour nous garder quand on demande un crédit, mais il est crucial de connaître la stratégie de l’entreprise, pas seulement le côté commercial.
Quel a été l’impact de votre nouvelle stratégie commerciale à l’export ?
Marcel Ragni : Nous avons réalisé nos premiers projets à l’export en Guinée équatoriale, générant plus de 4 millions de chiffre d’affaires.

Le développement commercial a été transformé grâce à de nouveaux agents dynamiques qui nous ont poussés à créer de nouveaux produits et à révolutionner notre manière de vendre.
De quel projet lumière êtes-vous le plus fier ?
Marcel Ragni : L’un des projets marquants pour moi est celui de la troisième ligne de tramway à Montpellier. J’ai pris la présidence en 2008 et nous avons installé 3 500 luminaires avec une lampe CDO-T de chez Philips. Le projet a été conçu spécialement pour répondre aux besoins de la métropole.

Comment avez-vous gagné cette belle commande ?
Marcel Ragni : Je me souviens d’avoir eu une trentaine de rendez-vous pour répondre aux exigences du marché. À chaque question posée pour essayer de me dissuader, je répondais toujours que je savais faire. Malgré les obstacles, nous avons réussi à obtenir une belle commande.

Quelle est la part d’économie apportée par l’éclairage LED ?
Marcel Ragni : Le marché de l’éclairage public est très important pour les communes, surtout avec la hausse du coût de l’énergie. Maintenant, nous devons faire des économies partout. En utilisant des LED, nous économisons jusqu’à 80 % sur l’éclairage, ce qui accélère l’amortissement malgré l’augmentation du coût de l’électricité. Avant, il fallait 7 à 8 ans pour amortir un luminaire LED. Maintenant, cette durée est réduite à 3 à 5 ans. L’introduction de technologies comme la détection de présence et l’abaissement de puissance contribue également à une meilleure rentabilité.

Quel est le taux de renouvellement des luminaires ?
Marcel Ragni : Dans certains endroits, il y a encore de vieux luminaires. Il faudra changer tout cela, surtout ceux au sodium en zone rurale. Je pense que d’ici la fin d’année, la profession aura remplacé environ 30 % des luminaires vétustes, mais il en reste donc encore 70 %.

La durée de vie des luminaires est d’environ 25 ans. Ceux installés dans les années 2000 – donc depuis environ 20 ans – devront probablement être remplacés, car la technologie a beaucoup évolué depuis.
Qu’en sera-t-il demain face à l’évolution des financements ?
Marcel Ragni : La volonté écologique nous pousse à modifier les territoires. Malgré l’autorité des communes, il y a toujours des voitures. Il faut poursuivre, en espérant que les budgets des États et des communes soient libérés pour de nouveaux projets verts. Les grandes villes veulent démolir l’ancien pour construire du neuf et optimiser l’espace. Les nouveaux bâtiments seront plus hauts, utilisant efficacement l’espace urbain. Malgré les défis, la construction continue avec des projets qui incluent l’éclairage moderne.

Donc, même si nous venons de passer une période de fonds réduits pour l’éclairage public, nous en avons quand même profité pour changer un maximum de lampes. Et même si les Fonds verts ne sont plus là, je pense qu’il y aura encore des financements disponibles pour la rénovation énergétique.

Comment voyez-vous l’avenir de l’éclairage public en France ?
Marcel Ragni : En France, nous ne pourrons plus faire que des lanternes. Il faudra qu’elles soient intelligentes. C’est ce que font tous les fabricants. L’intelligence artificielle est primordiale pour produire des produits écologiques, moins polluants. On doit toujours penser à faire des produits légers, esthétiques et performants. La nouvelle technologie LED est en place.

L’industrie est résiliente, surtout les PME et PMI qui sont toujours avides de nouveauté. Nous devons nous maintenir à la pointe de cette nouveauté.
Une dynamique que vous valorisez aussi à l’UIMM, l’Union des industriels et métiers de la métallurgie ?
Marcel Ragni : Je suis président de l’UIMM Côte d’Azur et de la région Sud. Je fais également partie du bureau de l’Union nationale. Je continue à promouvoir l’industrie car je suis convaincu que sans elle, les transitions écologiques et énergétiques seront impossibles.

Il est crucial de soutenir les PME, car elles représentent environ 80 % de l’économie du pays et contribuent significativement aux impôts.
Que vous a inspiré la nomination à la médaille de chevalier national de l’ordre du Mérite ?
Marcel Ragni : Je n’ai pas encore assisté à la cérémonie de remise, mais oui, c’est passé au Journal officiel, donc c’est confirmé. Pour moi, cette médaille compte énormément. C’est une reconnaissance nationale qui est symboliquement très forte. Surtout pour une famille italienne : mon grand-père, réfugié politique, est arrivé en 1924 en France avec rien.

Cent ans après, pour moi, son petit-fils, obtenir cette reconnaissance est le signe d’une bonne intégration de notre famille laborieuse, qui a toujours valorisé le travail et le partage.
Je reçois avec bonheur et honneur cette médaille au nom de tous les employés, passés et présents, de ma famille, et de tous les industriels. C’est une grande fierté puisque désormais, j’occupe plus qu’une vice-présidence : je suis également président du conseil de surveillance du Groupe Ragni.

L’entreprise Ragni fêtera bientôt ses 100 ans…
Marcel Ragni : Dans 2 ans, l’entreprise Ragni fêtera ses 100 ans, ce sera sûrement très touchant, car pour les 90 ans, j’ai déjà ressenti beaucoup d’émotions. Mes enfants ont repris les rênes avec brio en juin 2024. Ils innovent dans des domaines que nous n’aurions jamais imaginés.

Grâce à la confiance que nous plaçons dans nos collaborateurs, l’entreprise continue de prospérer et gagne en performance. Nous nous sommes étendus à l’international, avec des résultats économiques importants. Aujourd’hui, nous sommes présents dans plus de 60 pays.

J’ai travaillé 53 ans dans l’entreprise, soit près de la moitié de son existence, ce qui prouve que le travail acharné porte ses fruits.
Propos recueillis en visio conférence le 31 janvier 2025 par Vincent Laganier.
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