Nicolas Houel : l’aventure des spectacles Skedanoz en Bretagne
Comment est né le projet Skedanoz ?
Nicolas Houel : l’aventure Skedanoz a commencé en 2013 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes. C’était dans le module « architecture en représentation » du Master supervisé par Laurent Lescop et Bruno Suner. Le projet du semestre était de valoriser le patrimoine mégalithique du Sud-Morbihan.
Au départ, nous étions quatre étudiants ; Brendan Ruellan, Mélanie Charpentier, Justine Poligné et moi. Nous avons proposé une mise en lumière du patrimoine de l’île d’Hoëdic, au large de Quiberon intitulé Skedanoz, « les Nuits Scintillantes » en breton.
Quelle rencontre a été décisive pour sa réalisation ?
Jean-Baptiste Goulard, président de l’association Paysages de mégalithes de Carnac et du Sud-Morbihan. Il était présent dans le jury et a été enchanté par notre projet. Il nous a proposé de le concrétiser l’année d’après à Erdeven.
Skedanoz à Erdeven était plutôt un parcours ?
En 2014, pour les vacances de la Toussaint, nous réalisions la première de Skedanoz à Erdeven. C’était un parcours mais, à la fin de la déambulation, nous avions quand même une petite scène avec un médiateur scientifique (Cyrille Chaigneau) et un conteur régional (Rémy Cochen). L’un venant contredire l’autre pendant une vingtaine de minutes pour un public de 100 à 120 personnes initialement prévu. Nous avons eu 700 à 800 personnes par soirée et nous avons vite été débordés !
Quels choix lumière avais-tu fait avec l’équipe ?
Nous avions balisé le site avec des Lugstones, autonomes en énergie et développés pour ce projet. Grâce à une cellule de détection de mouvement, toute personne passant à proximité déclenchait l’allumage des LED en blanc froid, comme de petits points lumineux dans le paysage. Il s’agissait de présenter le paysage mégalithique différemment. Là où de jour, les visiteurs peuvent à tout moment se saisir de l’ampleur du site d’un seul regard, la mise en lumière d’Erdeven leur demandait à cet instant d’avancer pas à pas et de se saisir de l’envergure du site au fur et à mesure de la déambulation, une approche sensible de la découverte du paysage où les sens du toucher et de l’ouïe étaient mis en avant.
Dès 2015, changement de site. Skedanoz se déplaçait à Carnac ?
Carnac fut une année riche en découvertes pour l’équipe artistique, mais aussi pour les spectateurs et la collectivité. Mise à part la mise en lumière de Yann Kersalé en 2011, c’était la première fois que le site historique de Carnac avait un spectacle son et lumière,. La narration, que j’avais écrite pour l’occasion, contait l’histoire du mégalithisme breton.
Quelles techniques d’éclairage étaient mises en œuvre ?
Nous avions du mapping vidéo et des PAR LED pour souligner les menhirs. Le dispositif le plus important n’était pas le matériel d’éclairage, mais bien le réseau d’électricité et de pilotage des sources. Nous avons déroulé pas loin de 7 kilomètres de câble dans les menhirs cette année là !
Qu’est-ce qui a changé pour Skedanoz en 2016 ?
La même année, nous avons enchaîné sur la création d’un parcours de trois événements à Carnac et un autre spectacle Skedanoz autour du cairn de Petit Mont sur la commune d’Arzon.
A Carnac, nous sommes partis sur trois interventions ;
- La première partie se passait en fin d’après-midi près de la plage, appelée La veillée des Mégalithes,
- La deuxième partie, se prolongeait au tumulus Saint-Michel, en début de soirée, avec du mapping sur sa chapelle, appelée L’écho du tumulus.
- La troisième partie se terminait face aux menhirs du Ménec pour un son et lumière, appelée L’éveil des mégalithes.
Nous nous sommes retrouvés avec 6000 personnes au pied des mégalithes !
Quels étaient les effets lumière pour cette édition ?
Nous n’avions pas souhaité refaire du mapping sur les menhirs. Nous étions partis sur des PAR LED pour l’éclairage d’ambiance et une trentaine de projecteurs asservis à faisceaux RH1. L’un des objectifs était de mener le regard des spectateurs vers les différentes directions issues des études archéologiques et historiques : à l’horizontal pour le phénomène d’alignement, à la verticale pour celui de l’acte d’élévation de la pierre.
Comment s’est passé 2017 ?
En 2017, nous avons changé la donne à Carnac. D’abord, l’équipe s’est réduite à Brendan Ruellan et à moi. Ensuite, l’approche créative a évolué pour des raisons de renouvellement du spectacle mais aussi pour la sécurité du public. Nous avons souhaité que le contingent de plusieurs milliers de spectateurs soit réparti le long d’un parcours, une forme d’itinérance courte, visuelle et sonore nous permettant de réduire les phénomènes de congestion tout en proposant, pour une nouvelle année de spectacle, un projet pour la première fois orienté sur le parcours contemplatif dédié à la médiation de ce patrimoine.
Où a eu lieu Skedanoz en 2018 ?
Nous avons travaillé sur le tumulus de Kernours de la commune du Bono et le Cairn du Petit-Mont à Arzon. Nous sommes revenus aux fondamentaux, mais en conservant le parcours. Cette année, nous avions un élément patrimonial autour duquel nous pouvions faire tourner le public. Nous avons donc travaillé sur la mise en scène du parcours et de la végétation, depuis l’arrivée des gens sur le site.
Ensuite, nous avions une deuxième mise en scène autour du monument avec l’intervention de Gilles Servat, un chanteur de la Bretagne, qui racontait la légende de la ville d’Ys, que nous avons écrite pour l’occasion. L’objectif était de sensibiliser les spectateurs sur la thématique de la montée des eaux, du possible risque d’engloutissement des côtes et de la disparition du patrimoine mégalithique.
Un message très politique finalement ?
Le message de Skedanoz est toujours d’indiquer aux spectateurs qu’ils sont face à un patrimoine millénaire. Il faut trouver les moyens de le transmettre et de le préserver. Nos spectacles viennent souligner le travail de l’association Paysages de Mégalithes dans le cadre de la candidature des mégalithes du sud Morbihan au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Propos recueillis par Vincent Laganier le 7 septembre 2018.
A suivre…
Nicolas Houel : chercheur en études urbaines nocturnes
Approfondir le sujet
Équipe du projet
Lieux
- Alignements de Kerzérho
- Erdeven, France
- Alignements du Ménec
- Carnac, France
- Cairn de Petit Mont
- Arzon, France
- Tumulus de Kernours
- Bono, France