Philippe Hutinet : effets, nuances et qualité de la lumière
Quels sont les effets d’éclairage que tu préfères ?
Philippe Hutinet : j’aime beaucoup les éclairages rasants et contenus. Les premiers mettent en valeur la pierre et les détails architecturaux, les seconds mettent en scène l’ordonnancement des façades. On est dans le domaine de la composition, destinée à mettre en valeur un bâtiment pour ce qu’il est, et non pour me faire remarquer. On revient là à la notion de « servir » évoqué au début de l’entretien.
Et la couleur ?
Philippe Hutinet : ah, la couleur ! Je ne l’utilise que très peu et toujours de manière particulière. En préambule, j’affirme ici que toute mise en valeur nocturne, quels que soient le support et le lieu, doit avoir du « sens » et le plus universel possible pour que les émotions visuelles soient partagées par le plus grand nombre d’observateurs possible.
Or, la couleur à tire-larigot, sur tout et n’importe quoi, n’est absolument pas porteuse de sens.
On peut comparer l’image Noir & Blanc et l’image en couleur.
La première est porteuse d’émotions grâce notamment à toutes ses nuances de gris alors que la photo en couleur est plus séduisante qu’émotionnelle et aussi plus vendeuse.
Pour les mêmes raisons, dans mes éclairages de spectacles, je ne mettais que très peu de couleurs. Je préférais déjà travailler sur la densité et les vibrations de la lumière plutôt que sur le tape-à-l’œil. On ne se refait pas !!
Quelles sont pour toi les qualités de la lumière ?
Philippe Hutinet : outre ce que j’ai pu dire précédemment et au risque de me répéter, la lumière doit être « émotion ». Pour ce faire, dans l’absolu, l’observateur ne doit pas voir les appareils et encore moins la brillance des faces avant des projecteurs. Sinon, la lumière devient tangible, brisant du même coup les émotions recherchées.
Un jour où je mettais en service le nouvel éclairage extérieur de la Collégiale de Montélimar, en présence du Maire, de l’adjoint aux Travaux et de la directrice de la Communication de la ville, il m’a été fait la réflexion suivante.
Après un long silence des représentants municipaux qui, je dois le dire, a eu tendance à me glacer le dos, l’adjoint aux Travaux se retourne vers moi et me dit « Bon monsieur Hutinet, ce n’est pas le tout, maintenant il va falloir que l’on communique… ». Interloqué, je lui réponds « oui et pourquoi ? ». A ce moment-là, tous les trois se retournent vers moi et le maire me dit « on a l’impression que ça a toujours été là !!! » C’est le plus beau compliment que l’on pouvait me faire. La lumière était là pour « faire voir » et non pour ce « faire voir ».
Propos recueillis par Vincent Laganier
24 juillet 2012 à Lyon, France
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Photo en tête de l’article : détail des façades de la Cour du Château de Montseveroux Isère – Photo : Atelier Philippe Hutinet
Lieu
- Philippe Hutinet
- Beaurepaire, France