Ragni, de la croissance externe à l’éclairage LED
Quand avez-vous investi dans le fabricant d’éclairage Clarel ?
Marcel Ragni : En 1989, nous avons racheté la division éclairage public de Clarel. À cette époque, nous étions uniquement des fabricants de luminaires de style, mais l’acquisition nous a permis de fabriquer des luminaires fonctionnels, tels que des projecteurs de stades. Cette expansion nous a permis de devenir des fabricants reconnus par la profession.


Puis vous avez racheté le fabricant Soldi e Scatti ?
Marcel Ragni : Quelques années plus tard, en 1992, nous avons racheté une entreprise en Italie nommée Soldi e Scatti, qui fabriquait des luminaires fonctionnels de nouvelle génération, avec des miroirs, des lampes au sodium et des iodures métalliques. Cela a élargi notre gamme de produits. Grâce à l’innovation, cette petite entreprise est devenue le grand groupe que vous connaissez aujourd’hui.

C’était pendant la présidence de Roger Ragni ?
Marcel Ragni : Oui, c’est mon frère, Roger Ragni qui était alors président de l’entreprise. Victor était directeur technique, Marie-France, directrice financière, Laure, directrice administrative, et moi, directeur commercial et achats.


Ragni a donc toujours été une entreprise familiale ?
Marcel Ragni : Mon grand-père, un immigré italien arrivé en 1924, a créé notre atelier d’artisan en 1927. Il a débuté par des travaux spécifiques sur des balcons et peu après, il a commencé à embaucher.
- L’entreprise a toujours été gérée par la famille : d’abord mon grand-père, puis mon père qui l’a rejoint en 1936 et a pris la direction dans les années 50.
- Après lui, mes frères sont arrivés entre 1956 et 1959, et enfin moi en 1971 et mes deux sœurs en 1974.
- J’ai repris la présidence en 2008 avec mes deux nièces et mes fils.


Quels sont les choix stratégiques de Ragni ?
Marcel Ragni : L’innovation a toujours été au cœur de notre démarche, nous nous y sommes facilement adaptés sans voir les nouvelles réglementations ou normes comme des obstacles. Nous cherchions toujours à être rapides et meilleurs. Nous avons même été les premiers à adopter certaines innovations en nous inspirant de nos confrères, et ça n’a pas trop mal marché.

Comment a évolué le marché de l’éclairage public ?
Marcel Ragni : Le marché de l’éclairage public était déjà en route. Au début, nous avons utilisé des lampes à vapeur de mercure pour la majorité de nos luminaires, puis nous sommes passés à des lampes au sodium pour un éclairage routier plus performant. Ensuite, nous avons accueilli de nouvelles technologies, comme celles aux iodures métalliques et les drivers électroniques. Enfin, bien entendu, il y a eu l’avènement de la LED qui a été une révolution au sein de l’éclairage public.
Où avez-vous présenté le luminaire LED pour l’extérieur ?
Marcel Ragni : Je me souviens de la première présentation d’un luminaire LED au salon LumiVille de Lyon en 2007, c’était un Atinia bénéficiant du bloc optique Dataled conçu en partenariat avec Lyracom.


Les confrères souriaient moqueusement en pensant que ça ne fonctionnerait jamais. Ils me disaient que « c’était juste bon pour les guirlandes lumineuses ». Mais pour moi, c’était sérieux, car nous étions parmi les premiers à utiliser la LED. L’année suivante, tous avaient des LED sur leurs stands, et c’est moi qui rigolais.

Comment s’est passé ce premier développement LED ?
Marcel Ragni : C’étaient vraiment les balbutiements de la LED. Nous avons travaillé avec un ingénieur qui avait bricolé les premiers blocs LED dans son garage.

Cela coûtait 2 500 € à l’époque. Donc difficile de voir ce luminaire se développer à un tel prix !
Quelle a été la réaction du marché de l’éclairage public ?
Marcel Ragni : Nous avions créé le buzz sur le salon pour tester nos idées. Ça a marché, car la revue LUX en a parlé, avec un encart produit sur le « bloc optique interchangeable à LED » de Lyracom.

Ce luminaire LED a attiré l’attention et beaucoup de monde est venu sur notre stand à LumiVille. Cependant, ce n’était pas le produit définitif… Par exemple, quand Ford sort un premier modèle, ce n’est jamais celui de la série. Ça nous a mis le pied à l’étrier.

Comment avez-vous développé la technologie LED ?
Marcel Ragni : En réalité, la communication est cruciale. Nous étions précurseurs avec la technologie LED grâce à un contrat avec Vossloh-Shwabe, qui développait des diodes électroluminescentes. Grâce à eux, nos produits LED sont devenus très fiables. Cela nous a permis de créer des luminaires répondant aux diverses exigences de température de couleur, en commençant à 6 000 K, puis en diminuant à 4 000 K, 3 000 K et finalement 2 700 K. Je n’ai pas les dates exactes en tête, mais notre force a toujours été de ne jamais baisser les bras et d’être innovants.



Que permet l’innovation chez Ragni ?
Marcel Ragni : Elle nous a permis de rester compétitifs face à des géants comme Philips, Osram ou Schréder qui disposent de bureaux d’études que nous n’avons pas. Grâce à cette innovation, nous n’avons pas été laissés derrière, contrairement à certains concurrents qui sont restés confortablement dans leur routine avec des lampes au sodium et iodures métalliques. Ne pas évoluer leur a fait perdre des marchés. Il y a aussi eu des problèmes avec la transmission des entreprises et des reventes. Certaines de ces sociétés ont disparu.
Propos recueillis en visio conférence le 31 janvier 2025 par Vincent Laganier.
A suivre…

Approfondir le sujet
- Marcel Ragni, de la ferronnerie à l’éclairage public
- Éclairage public : les multiples vertus de la technologie LED
- Annuaire des fabricants de luminaires en France

Photo en tête de l’article : éclairage public avec lanterne de style Vence en LED, place Ampère, église Notre Dame de L’Assomption, Neuville-sur-Saône, France – Epalis © Ragni