Références méconnues de l’agence en éclairage urbain
Comment se sont passées les premières années de pratique ?
Jean-Yves Soëtinck : mes premières années ont été particulièrement difficiles, car je suis parti sans réseau, sans référence et sans rien. J’ai peu à peu construit des partenariats, en équipe pluridisciplinaire, avec des grands noms du paysage. Par exemple, avec le paysagiste urbaniste Alfred Peter. Très rapidement, il m’a emmené sur des opérations, comme la mise en lumière du boulevard du littoral à Cagnes-sur-Mer.
Quelles sont tes réalisations lumière préférées de ces 20 ans ?
Jean-Yves Soëtinck : il y a plein de réalisations importantes, mais parfois restées trop confidentielles, car elles amenaient des choses à l’époque où elles ont été faites. Je n’ai peut-être pas su communiquer dessus.
Par exemple, le boulevard du littoral à Cagnes-sur-Mer en juin 2005. C’était une petite prouesse technique d’éclairer avec des réflecteurs isotropes et 75 mètres d’interdistance entre mâts. Et une esthétique fluide bien intégrée dans le grand paysage.
Finalement, ce n’est qu’un simple mât de stade, incliné en arrière de 8°, avec une pointe courbée en finition. C’était mon premier gros projet ! Il m’a permis de faire décoller l’agence.
D’autres références d’éclairage urbain d’espaces publics méconnus ?
Jean-Yves Soëtinck : il y a aussi le projet de la place Darcy à Dijon. J’ai retravaillé un matériel que « j’aime » énormément. C’est le « Boréal » de Laurent Fachard. J’ai utilisé la capacité de personnalisation du masque de cet appareil, un peu en forçant la main de Comatelec.
En fait, j’ai fait changer le matériau pour un inox de finition polymiroir et créé le graphisme de la découpe du bouclier. Je souhaitais m’inspirer de la culture de la mosaïque des tuiles vernissées, une spécialité architecturale bourguignonne.
J’aime aussi beaucoup les quais de l’Isère à Grenoble parce que les dessins du mât et de la lanterne sont entièrement des designs sortis de L’Acte Lumière. Mais aussi, son mode d’implantation.
Ce luminaire est un hybride destiné à rompre l’implantation linéaire des appareils en variant hauteur et position transversale de la lanterne. Ce que j’ai appelé « mon joyeux bordel lumineux ».
Ici, on cherche à mixer les axes de lumière pour éviter le grand alignement d’éclairage public, et garder un esprit festif façon « marche aux lampions » sur ce quai très animé.
Quelles sont tes sources d’inspiration dans la lumière ?
Jean-Yves Soëtinck : mes sources d’inspiration franco-françaises ont été les réalisations emblématiques internationales de l’agence dans laquelle j’ai travaillé à mes débuts. Mais j’ai été toujours admiratif des écrits de Roger Narboni, et du travail de Laurent Fachard par la qualité et le pointu de ses projets. Je pense que Laurent Fachard a été le « bulldozer », le « chasse-neige » qui a ouvert la voie à plein de choses pour nous, la seconde génération de concepteur lumière. Aujourd’hui, si l’on peut mettre de la couleur dans l’espace public, c’est parce qu’un jour il a tapé du poing sur la table.
Ainsi, Laurent Fachard a éclairé :
- une rue en bleu dans le quartier de la Part-Dieu,
- et poétisé de couleurs le parc de Gerland à Lyon, ou
- la place de Jaude à Clermont-Ferrand.
Mon regret est d’avoir découvert sur le tard la justesse du travail de Pierre Bideau.
Et au niveau international, quel concepteur lumière te fascine ?
Jean-Yves Soëtinck : plus tard en cherchant à voir hors de France, forcément, il y a le concepteur lumière et théoricien de l’éclairage Richard Kelly, qui était déjà à la base de tout.
Avec trois concepts de base – éclairage général, de fond primaire et des jeux de brillances –, il avait déjà tout décrit depuis 1950, si je me souviens bien… et puis les écrits de William M. C. Lam.
Propos recueillis par Vincent Laganier par téléphone le 8 janvier 2021.
À suivre…
Métier de l’éclairage architectural et de la conception lumière en pratique
Approfondir le sujet
- Jean-Yves Soëtinck : fondateur de l’Acte Lumière à Lyon
- Place Darcy de l’Acte Lumière, un salon urbain en France
- Bordeaux Métropole lance le premier marathon nocturne de France
Photo en tête de l’article : place de la Mairie, Sotteville-les-Rouen, France – Architecte paysagiste : JNC international – Concepteur lumière : L’Acte lumière © Xavier Boymond