Souvenirs du premier Festival Lyon Lumières 1999
Quelques années après les Allumées de Nantes, Lyon inventait un Festival des Lumières, précédant la Fête traditionnelle du 8 décembre d’origine religieuse. Ville de référence au niveau national et international en matière d’éclairage urbain et de sites mis en lumière, la ville en possédait déjà les atouts et les savoir-faire. Après le secret légitime entretenu aux JTSE à l’ENSATT, Laurent Fachard, éclairagiste, LEA, nous révèles l’envers de ce premier festival qui s’est tenu du 3 au 8 décembre 1999.
Quel a été votre rôle dans ce Festival des Lumières ?
Laurent Fachard : j’ai remporté un marché public de la ville de Lyon d’assistance à maîtrise d’ouvrage (directeur artistique). J’ai donc organisé le festival avec l’idée de mettre en oeuvre tous les arts et les savoir-faire de la lumière. Tous les métiers de la lumière, c’est à dire :
- les peintres,
- les sculpteurs,
- les architectes,
- les photographes,
- les chefs opérateurs lumière,
- les scénographes,
- les éclairagistes de spectacle,
- les concepteurs lumière,
- les projectionnistes en tous genre,
mais également avec
- des montreurs de curiosité,
- des saltimbanques,
- des magiciens,
- des groupes folkloriques.
L’objectif étant pour moi de faire travailler les artistes.
Je considère que l’Histoire de la Lumière découle plus de l’Histoire de l’Art que celle de la Physique et la Chimie. Pour moi, l’Histoire de la Lumière commence avec la grotte Chauvet, car l’artiste qui a peint ces grottes est sans doute le premier éclairagiste. Dans cette confrontation avec l’espace urbain, la ville nocturne est envisagée comme un véritable laboratoire culturel.
De quelle manière ont été choisi les artistes du festival ?
Laurent Fachard : c’est une originalité du festival, tous les lots sont lancés par appel d’offre public. C’est la première fois que l’on choisit des artistes comme cela. Keiichi Tahara, comme les autres, ont été obligés de répondre à un appel d’offre en venant à la fois avec :
- un projet de production,
- un projet artistique.
Aujourd’hui, même le domaine culturel va être touché par des procédures administratives quand des établissements ou organismes publics lancent des opérations. Or, la particularité de ce festival est qu’il s’adressait à des artistes et qu’on ne pouvait même pas les inviter,
ni les choisir.
Les artistes ne savent pas répondre à des appels d’offre car ils n’ont pas les pièces administratives demandées. Face à cette complexité, la ville a décidé de déléguer entièrement les prestations à des producteurs d’événements par appels d’offre.
Comment s’organisent les points forts de votre programmation ?
Laurent Fachard : j’ai organisé les choses autour de quatre thèmes.
Si on fait un festival des lumières dans la ville, il faut faire des signaux, des lieux de lumière aux portes d’entrée de la ville, pour montrer qu’il se passe quelque chose. Dans la ville elle-même, sur des endroits assez identifiés et remarquables.
Le deuxième thème était de dire, on va faire des jardins de lumières dans la ville, dans les espaces publics, les jardins, les squares. Ce sont des lieux ou l’on peut faire des installations artistiques.
Les parcours de lumière correspondaient au troisième thème basé sur la déambulation. Ils introduisaient aussi aux déplacements.
Le dernier thème, le spectacle de lumière. De la place Lyautey à la presqu’île, le spectacle de feu de la Compagnie Carabosse était aussi un élément phare du festival.
Ainsi, à travers les lieux de lumière, un jardin de lumière, un parcours de lumière, un spectacle de lumière, je croise à peu près tous les savoir-faire.
Vincent Laganier : selon les espaces investis, le spectateur était confronté à différentes ambiances lumineuses. Le travail sur le jardin du Rosaire établit un l’apport très théâtral. Dans la pénombre, les effets sont similaires a un cadre de scène pourvus d’un taps noir. Les taches de lumière des zooms sur les éléments à observer. A l’opposé, le parcours dans les traboules de la Croix Rousse, mise en jeu une sensibilité beaucoup plus spectaculaire de l’espace urbain. Cette séquence utilise d’ailleurs beaucoup plus de lumière. Dans un autre style, les projections d’images sur la façade de l’Hôtel de Ville et du théâtre des Célestins établissaient un rapport de contemplation à l’édifice.
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Quels ont été les choix que vous avez effectué au niveau de l’esthétique lumière ?
Laurent Fachard : l’idée du festival était d’essayer de montrer au public, les différents aspects que prend la lumière et les différents sens qu’elle peut donner aux espaces. Donc, le jardin de lumière, sous la Basilique de Fourvière, était très orienté vers un travail intimiste sur le thème de la lumière et de la spiritualité. Au cahier des charges, c’était une thématique de base donnée aux artistes. L’objectif était franchement d’être anti-spectaculaire. Le parcours des lumières de la Croix Rousse se devait d’être très spectaculaire, divertissant et de restituer l’esprit des lieux. C’est pour cela que l’artiste a travaillé sur la notion de tressage/tissage.
Laurent Fachard : en 1999, nous n’avons fait qu’un jardin, qu’un parcours, qu’un spectacle. Dans les années à venir, l’idée serait d’avoir neuf jardins de lumière, dans les neuf arrondissements de Lyon. Neuf parcours de lumière…
L’un des éléments attrayants du festival est l’utilisation systématique de la couleur en tant qu’élément de composition nocturne.
Laurent Fachard : Oui, le propos du festival est aussi d’avoir une mission didactique et éducative. On n’avait jamais vu de la couleur la nuit dans les villes. Et cette question de la couleur n’a jamais été abordée, alors que c’est un des domaines d’expression de la lumière.
Place à la couleur, stop à la sodiumisation industrielle qui n’est pas de la vraie couleur, qui est de la couleur sale, et place à, une couleur. La couleur est tout aussi arbitraire que le sodium, cependant, elle a l’avantage d’introduire à la dimension sensible; c’est à dire, à influencer sur le psychosensoriel, et ceux qui vivent dans ces espaces. Donc, la couleur c’est un axe de travail, futur sûrement, propre à tout développement de l’éclairage urbain. Le mouvement, la lumière dynamique dans toutes ses dimensions, doit aussi être pris en compte.
Qu’est-ce qui a présidé l’emploi de matériel d’éclairage scénique ou de cinéma ?
Laurent Fachard : du fait que ce festival s’adresse à des artistes et aux métiers d’origines de la lumière d’abord, il y a forcément ces instruments et ces outils de travail qui sont mis en oeuvre et non pas ceux de l’industrie.
Pour moi, cela fait quinze ans que je demande aux fabricants du scénique de faire de l’étanche et aux industriels de regarder attentivement, ce qu’est la photométrie dans le cinéma et le scénique, pour que ces techniques se rapprochent. Les gens du scénique ont su s’adapter et aujourd’hui, on trouve :
- des changeurs de couleur étanches,
- des projecteurs à découpe étanches,
- des projecteurs qui mettent en oeuvre des photométries précises, un peu étanches.
La projection d’images géantes a créé l’étonnement auprès des spectateurs. Quels types de matériel avez-vous employés ?
Comment ont-ils été intégrés à l’espace public?
Laurent Fachard : on a travaillé avec des systèmes de projections type Pani, Hardware, défilant, simple défilant ou double défilant classique, des projecteurs qui sont dans la technique du scénique, très classique. C’est simplement un transfert de ce savoir-faire du scénique vers l’extérieur. La contrainte était que ces machines ne sont pas étanches. Donc, il fallait prévoir des protections. Les flightcase de la Warrener étaient effectivement plus séduisants que les tentes d’Himalaya de la Croix Rousse.
Comment a été réalisée l’alimentation électrique des installations éphémères ?
Laurent Fachard : branchement forain, évidemment. La demande inscrite au cahier des charges, était que toute installation devait être autonome. Soit les gens venaient avec des groupes électrogènes, soit ont leur fournissaient des alimentations ou une reprise sur le réseau éclairage public. C’est la Direction de l’éclairage public de la Ville qui faisait la prestation.
Quel était le budget de l’opération?
Laurent Fachard : 10 millions de Francs [1 524 490 €] répartit de la façon suivante :
- 3 millions de Francs [457 347 €] pour l’événementiel,
- 2 millions de Francs [304 898 €] d’illuminations pérennes qui ont été réalisées par la ville dans l’année,
- 5 millions de Francs [762 245 €] pour les partenariats privés complémentant le reste.
Face à cette particularité de financement, public et privé, nous avons créé un label « Festival des Lumières » qui labellise les interventions ou pas, de manière à essayer de tenir artistiquement ces projets privés, non contractuels.
Quel est votre ambition pour le troisième millénaire ?
Laurent Fachard : passer du feu au laser, de la grotte au théâtre urbain. Ce que je fais dans la ville, c’est monter qu’au théâtre et au cinéma, on procède autrement. La politique urbaine en matière d’aménagement d’éclairage public et le Festival des Lumières de Lyon se croisent dans cette ambition qui est pour moi de faire changer les choses. La ville est un autre théâtre. En tout cas, c’est un espace scénographique qui met en présence des personnes, des objets, des personnes en mouvement, comme un peu l’art théâtral.
Fiche technique du Festival 2019
Réalisations labellisées « Festival Lyon Lumières » du 3 au 8 décembre 1999.
Hôtel de Ville – cour d’honneur
- Mise en lumière éphémère
- Artistes : Direction Éclairage Public
- Production : Ville de Lyon
- Avec le concours de : EDF – Le Mât Électrique
Hôtel de Ville – façade Terreaux
- Mise en lumière éphémère
- Artiste : Patrice Warrener
- Production: Ville de Lyon – Délégation Animations et fêtes
- Avec le concours de : EDF – Le Mât Électrique
Parcours de la Croix-Rousse
- Parcours de lumières
- Artistes : K, Tahara – S. Grivelet
- Production : Citélum
- Avec le concours : Ville de Lyon, EDF, Le Mât Électrique – SIGERLy
Galerie des Terreaux (Lieu de lumières)
Artistes :
- Les Constructeurs, décorateurs
- P. Merchez, photographe
- H. Isle de Beauchaine, plasticien
- C. Couffin, éclairagiste
- J, Dussère, plasticien
- T. d’Auquin, plasticien
- V. Girand, plasticien
- ML. Davien, plasticien
- B. Erwein, plasticien
- L. Stocard, plasticien
- J. Palfro, plasticien
- E. Gerbe, plasticien
- Production : La Média Composites
- Avec le concours de : Ville de Lyon, EDF, Le Mât Électrique
Théâtre des Célestins
- Mise en lumière éphémère
- Artiste : Patrice Warrener
- Production: Ville de Lyon – Délégation Animations et Fêtes
- Avec le concours de : EDF – Le Mât Électrique
Confluent Porte-Sud
- Signaux de lumières
- Artistes: Architecture Lumière Conseil. A. Guilhot
- Avec le concours de : SEM Confluent
Place Antonin Poncet
- Scénographie lumineuse
- Artistes : I. Marion Décoration
- Production : Ville de Lyon – Délégation Animations et Fêtes
- Avec le concours de : Georges V immobilier, Schneider Electrique
Hôtel de la Communauté Urbaine
- Mise en lumière éphémère
- Artistes: M. Paulet, éclairagiste
- Production : Grand Lyon – Ville de Lyon Direction Éclairage Public
- Avec le concours de : Grand Lyon
Hospices Civils de Lyon
- Façade rénovée de l’hôpital de la Croix Rousse
- Mise en lumière pérenne
- Artistes : A. Benini, architecte
- Production: Philips Eclairage
- Avec le concours de : Hospices Civils de Lyon
Gros Caillou et boulevard de la Croix-Rousse
- Mise en lumière éphémère
- Artiste : Architecture Lumière Conseil, A. Guilhot
- Production : SERP
- Avec le concours de : Mairie du 4ème arrondissement, Ville de Lyon Direction Éclairage Public
Basilique de Fourvière
- Mise en lumière éphémère
- Artistes : Direction Éclairage Public
- Production: Ville de Lyon
- Avec le concours de : Ville de Lyon
Le Jardin du Rosaire
- Jardin de lumière
- Artistes: J.-P. Aubanel – P. Jaubert de Beaujeu – A Serré – N. Faucheux – J-C. Galmiche
- Production : SOLO
- Avec le concours de . Ville de Lyon – EDF – Le Mât Électrique
Tunnel de Fourvière
- Mise en lumière éphémère
- Artistes : R. Bureau Eclairagiste
- Production : Générale Location Lumière et Son
- Avec le concours de : Grand Lyon – Ville de Lyon Direction Éclairage public
La Cité Internationale
- Mise en lumière éphémère
- Artistes : P. Joly Eclairagiste
- Production : La Média Composites
- Avec le concours de : SEM de la Cité Internationale – Le Palais des Congrès – SPAICIL – Cegetel Sogeparc – Georges V Rhône-Alpes – Brasserie de la Cité – Association Syndicale Libre de la Cité – Keter – Emin Leydier – La Communauté Urbaine.
Chantier pavillon de la Roseraie Cité Internationale
- Mise en lumière éphémère
- Avec le concours de : Georges V immobilier
Cité de la Lumière Jean Jaurès
- Mise en lumière éphémère et expositions lumineuses
- Artistes : I. Marion Décoration
- Production : Le Mât Électrique
- Avec le concours de : Groupe Sonepar Sud-Est
Institut Lumière
- Images et lumières
- Débat et discussion avec un chef opérateur
- Avec le concours de : Institut Lumière
Maison de la Danse
- Spectacle vivant
- Artistes : Pilobolus Danse Théâtre
- Production: Maison de la Danse
- Avec le concours de : Mairies du 8ème, 3ème et 7ème arrondissements
MJC La Duchère et façades des immeubles du quartier
- Image et lumière
- Artistes : G. Atger
- Production : MTI
- Avec le concours de Région Rhône-Alpes – MJC La Duchère
Médiathèque de Vaise
- Chantier en construction
- Mise en lumière éphémère
- Artistes : Architecture Lumière Conseil, A. Guilhot
- Avec le concours de : CCI Lyon – Association de commerçants – Ville de Lyon
Visites touristiques
- Avec le concours de l’Office du Tourisme
Parcours centre ville
- Spectacle de lumières
- Artistes : Cie Carabosse
- Production : Cie Carabosse
- Avec le concours de : Ville de Lyon – EDF – Le Mât Électrique
Aéroport de Satolas
- Mise en lumière éphémère
- Artiste : Architecture Lumière Conseil, A Guilhot
- Production : Aéroport de Lyon Satolas
- Avec le concours de : Aéroport de Lyon Satolas – CCI Lyon
Extrait de l’article de Vincent Laganier, « Festival Lyon Lumières 1999 », interview de Laurent Fachard, pages 16-22 et couverture de Actualité de la Scénographie, n°105, Décembre 1999, Editions AS, Paris et Nantes.
Approfondir le sujet
Équipe du projet
Lieu
- Lyon, France