Tendances de l’éclairage urbain et politique lumière à Lyon
Quelle est la politique lumière à Lyon aujourd’hui ? Suite de l’interview de Thierry Marsick.
Pourquoi avoir engagé l’éclairage urbain dans une certification ISO 14001 ?
Thierry Marsick : la démarche que nous avons engagée sur la certification ISO 14001, a permis de donner une dimension un peu plus riche à la démarche environnementale. Nous ne nous sommes pas bornés qu’à une dimension d’économie d’énergie, qui reste quand même un facteur fort.
Nous avons souhaité poser des questions sur la manière dont nous abordions notre activité, par exemple, comment nous achetons. Lorsque nous concevons, il ne faut pas que l’économie d’énergie soit un guide en tant que tel. C’est une conséquence heureuse du projet, mais ce n’est pas la course au kilowatt heure. En revanche, il faut profiter des options offertes pour atteindre cet objectif-là et rechercher la qualité. Notre objectif est d’optimiser les deniers publics, mais certainement pas, de l’amener dans le low-cost.
Comment la politique lumière à Lyon a abordé la transition énergétique ?
Thierry Marsick : la transition énergétique a été engagée depuis le début du premier plan lumière à Lyon. Quelques chiffres pour l’exemple :
- En 1989 : 42 000 points lumineux et 35 GWh de puissance installée.
- En 2002 : 62 000 points lumineux et 41 GWh de puissance installée.
- En 2019 : 78 000 points lumineux et 26 GWh de puissance installée.
Il y a eu un effort considérable de fait en matière d’économie d’énergie.
Thierry Marsick : tout simplement, c’est un travail d’optimisation du patrimoine et de modernisation de notre parc. À la fois sur les sources de lumière utilisées, pas nécessairement en allant sur la LED, mais en travaillant sur les caractéristiques de ces installations.
Nous sommes sur un objectif de 650 000 Wh d’économie d’énergie tous les ans et nous le tenons. Nous allons même au-delà, puisque nous avons atteint l’objectif de Kyoto avec trois ans d’avance !
Comment Lyon a réagi par rapport à l’arrêté sur les nuisances lumineuses ?
Thierry Marsick : je pense que nous avons réagi comme beaucoup. Il n’est jamais bon de produire un tel document dans la précipitation. C’est essentiel de se poser la question des nuisances lumineuses, mais dans une dimension globale.
Thierry Marsick : la lumière a évidemment un impact sur la biodiversité. Est-ce que l’arrêté a visé le bon objectif en essayant de cadrer l’éclairage extérieur par des éléments prénormatifs de calculs ? Est-ce qu’il n’est pas en train de produire une ville qui ne va pas répondre à l’attente des habitants la nuit ?
Quel est le plus grand risque pour l’éclairage extérieur à l’avenir ?
Thierry Marsick : ce que nous redoutons tous, parmi les professionnels de l’éclairage, je crois pouvoir le dire sans trop me tromper, c’est l’effet tunnel lié à cet arrêté [ndlr : l’impression d’enfermement, comme dans un tunnel routier, due à la lumière en douche qui aplatira l’espace public]. Et surtout l’uniformisation des ambiances nocturnes.
Thierry Marsick : je crois beaucoup à une forme d’erreur autour de cet arrêté, car la densité d’usages dans la ville est tel que nous devons nous poser la question autrement. Je milite plutôt sur la question de la temporalité et de l’adaptation de la lumière aux circonstances et aux espaces.
Que veut dire la temporalité dans l’éclairage urbain à Lyon ?
Thierry Marsick : la temporalité, c’est savoir être en retrait, en lumière, au milieu de la nuit, et suivant les lieux. Je pense aux zones péri-urbaines où nous pouvons nous poser la question de la lumière. Ce n’est pas forcément l’extinction totale qui, je trouve, crée des ambiances un peu fantomatiques sur le territoire. Pour adapter l’éclairage urbain à la temporalité de la vie nocturne, il faut se poser la question de l’activité humaine, du moment de la nuit et du flux lumineux nécessaire dans l’espace public.
Thierry Marsick : pour autant, il faut ne faut pas oublier que la ville est un lieu singulier dans notre vie. Elle concentre une bonne part des activités humaines et elle nécessite de la lumière.
Qu’est-ce qui a changé dans la politique lumière de Lyon ?
Thierry Marsick : le contexte a changé. Nous sommes beaucoup plus dans la recherche de compréhension : qu’est-ce que cette politique publique de la lumière produit ? Il ne faut pas oublier que lorsque la ville de Lyon s’est lancée dans ses deux plans lumière, la lumière urbaine était essentiellement d’essence publique. Aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus dans l’imitation. La lumière devenant accessible à tout un chacun. De fait, la production de la lumière urbaine est le résultat d’un dialogue, qui se fait plus ou moins bien, entre la lumière publique et la lumière privée.
Cette émergence d’éclairage privé dérange-t-elle la politique lumière ?
Thierry Marsick : très sincèrement, je pense que c’est l’un des enjeux, pour toutes les villes que nous sommes, que nous choisissons soit de conduire, soit que de laisser faire. Ça peut être un choix. En tout cas, je pense que ça doit être un double questionnement. Quel besoin de lumière ? Pourquoi il y a ce besoin de lumière privée ? Nous voyons émerger en ville des productions de lumière sur des bâtiments. Elles sont des expressions individuelles qui ne s’inscrivent pas toujours dans le paysage urbain.
Comment alors aborder la lumière privée dans l’espace public ?
Thierry Marsick : plutôt que de les combattre, de dire « c’est moche, c’est dégueulasse », je pense que la première étape, c’est de comprendre ce phénomène. Comment s’inscrivent ces productions à travers le paysage nocturne ? Nous le voyons à travers certaines zones privées, mais aussi, comment certains acteurs utilisent la lumière privée pour exister sur le territoire ? C’est le cas des commerçants et des restaurants qui ont compris que la lumière était une manière d’être vus.
Quelles actions a entrepris Lyon dans le projet Européen ROCK ?
Thierry Marsick : nous avons engagé des travaux avec l’agence d’urbanisme de Lyon et l’INSA de Lyon, dans le cadre du projet Européen ROCK, pour porter cette notion de gouvernance de l’éclairage urbain sur le territoire. Nous sommes en train de comprendre ce besoin de production de lumière. Ensuite, l’objectif est de pouvoir se reposer la question de l’adaptation de notre stratégie lumière sur le territoire.
Propos recueillis par Vincent Laganier le 15 avril 2019 à Lyon.
A suivre…
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