Peter Brook : lire et relire en temps de coronavirus
Peter Brook à l’écoute du monde. Le metteur en scène, auteur de L’espace vide commençait ainsi son ouvrage phare :
« Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé ».
Peter Brook, L’espace vide, Le Seuil
Ces temps-ci, ça n’est pas de théâtre dont il s’agit, certes, lorsque l’espace nous rapetisse, mais le théâtre, la culture en général, ne montre-t-il autre chose que le monde lui-même, et nous au centre ?
De quel groupe suis-je membre ?
Refermant depuis quelques jours à 20 h passées son balcon après avoir applaudit l’abnégation du corps médical, on commence, désormais, à se dire bonsoir, de balcon à balcon. On avait dû se croiser des milliers de fois dans cette rue, mais « faire communauté » ne se peut que si l’on partage quelque chose: une émotion, une passion, voire, ces temps-ci, une communauté de destin.
https://x.com/RTLFrance/status/1241642085373169665
Applaudir celui qui nous révèle
Si l’on applaudi au théâtre, après avoir, justement, partagé une émotion, c’est parce que ceux qui, l’espace d’une représentation ont « pris la parole », ont personnifié tel ou tel personnage, nous ont révélés à nous-mêmes, en quelque sorte. Et l’on rentre chez soi : la foule se dilue et, se faisant, perd son identité. Notre solitude a été enrichie de cette rencontre.
Écouter le sens du silence
Revenons à notre lecture, le relève, qui distingue :
« Le silence de plomb, ce silence sans vie, qui ne nous aide pas, et l’autre, le vrai silence, celui qui réunit mystérieusement et indéniablement des personnes ordinairement divisées. C’est un vrai moment, un vrai moment de partage. (…) entre ces deux silences, mille questions se lèvent ».
Peter Brook, Entre deux silences, Actes Sud Papiers
Le théâtre et la vie
Peter Brook, qui, soulignons-le pour prévenir le funeste repliement sur soi, réunit sur la scène des acteurs de toutes origines et cultures, parce que chacun est porteur d’une part de notre humanité, Brook, donc, poursuit ainsi : « Le théâtre ne remplacera jamais ce qu’on peut faire dans la vie, l’expérience vivante, mais il en est une métaphore, il donne la force d’aller vers la vie ».
Quelques livres de Peter Brook
L’espace vide, de Peter BrookBroché : 182 pages – Éditeur : Le Seuil, 1977 |
Le diable c’est l’ennui, de Peter BrookBroché : 117 pages – Éditeur : Actes Sud Papiers, 2015 |
Entre deux silences, de Peter BrookBroché : 77 pages – Éditeur : Actes Sud Papiers, 1999 |
Le Songe d’une nuit d’été, mis en scène par Peter Brook en 1970
Au Royal Shakespeare Theatre, à Stratford-Upon-Avon, en Grande-Bretagne
Approfondir le sujet
- Jean-Baptiste Giraud, Coronavirus : applaudir pour rendre hommage, une vieille tradition, 22 mars 2020, RTL
- Fabienne Darge, L’Espace vide, ou la quadrature du cercle, 29 juin 2015, Le Monde
- Philippe Sabres, Le théâtre est vivant, 2004/11 (Tome 401), Études
- Celia Bense Ferreira Alves ; L’enchantement à l’œuvre, Peter Brook aux Bouffes du Nord, 2010/2, n° 38, Vertigo
- Notre grand entretien avec la légende du théâtre Peter Brook, 25 juin 2019, Les Inrockuptibles
- Le Songe d’une nuit d’été du chorégraphe Alexander Ekman
- Site du metteur en scène, acteur, réalisateur et écrivain
- Plus d’articles sur le confinement