Bibliothèque « La Boîte à Livres » mise en lumière

La lumière naturelle est-elle vraiment gratuite ? L’éclairage artificiel complémente-t-il une architecture ? Prenons l’exemple de la bibliothèque « La Boîte à Livres » de Montaigu-Vendée mise en lumière. Ce bâtiment a été reçu le prix Aperçus Vendée 2022, équipement culturel et prix du public. Interview croisée de l’architecte, Jérôme Desbordes, Interstices, et David Caquineau, chef du service « Conception maîtrise d’ouvrage – maîtrise d’œuvre », du SYDEV. Syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée, c’est un service public qui accompagne les collectivités locales dans la mise en place de leur politique énergétique.

Comment as-tu travaillé la lumière naturelle dans le projet ?

Jérôme Desbordes : Dans les deux bâtiments existants et les annexes presbytères, je dirais que la question ne s’est pas posée. On avait déjà des ouvertures, donc l’objectif c’était de toutes les utiliser et surtout, de ne pas détériorer la qualité du bâtiment avec des ouvertures pas appropriées. Donc là, on n’avait pas le choix ; nous avons fait avec le positionnement des pièces. L’organisation interne fait que chaque pièce a de la lumière naturelle. Il n’y a pas une pièce aveugle dans ce bâtiment et ça, en termes de qualité environnementale, c’est pas mal !

D’où vient la lumière du jour dans bibliothèque « La Boîte à Livres » ?

Jérôme Desbordes : La bibliothèque est largement ouverte. C’était un défi parce qu’il y a une contradiction entre apporter de la lumière et les livres qui n’aiment pas forcément une lumière directe car elle peut les détériorer. Mais nous ne souhaitions pas proposer un bâtiment avec des ouvertures au nord. C’est-à-dire un bâtiment sans soleil, sans lumière, et ouvert sur la rue, alors que finalement, le côté sympathique, c’est le côté sud car il s’ouvre sur le calme d’un jardin.

Donc, il a bien fallu qu’au nord, nous créions quelques ouvertures pour lier le bâtiment à la rue et qu’il soit vivant et attaché à la ville. D’ailleurs, la jonction entre le presbytère et la médiathèque se fait par une jonction plus basse qui est totalement transparente. C’est-à-dire que quand on est dans la rue, on voit le hall d’accueil, mais aussi l’autre côté.

Donc, pour la bibliothèque, nous l’avons largement ouverte sur le sud parce que c’est le côté très agréable. Et il a fallu proposer quelque chose pour se protéger de la lumière, d’où ces brise-soleil avec des éléments qui viennent faire des jeux d’ombres projetées qui partent dans tous les sens.

Comment le reste du bâtiment est-il éclairé ?

Jérôme Desbordes : Pour l’intérieur de la bibliothèque, nous avons travaillé avec le bureau d’études fluide Kypseli. Ils sont entrés dans le jeu tout de suite. Nous avons effectué un travail commun, c’est-à-dire que j’ai proposé des éclairages pour mettre des ambiances. Ils ont fait des études d’éclairage en étant force de proposition. Cette osmose entre bureau d’études et architecte, c’est quelque chose de qualité. Nous n’avons pas de banales dalles LED 600 x 600. Nous avons vraiment travaillé nos éclairages, avec plutôt des encastrés ronds de différents types.

Nous avons aussi différents types de scénarios pilotés en DALI. Ça permet d’avoir des niveaux avec plus ou moins d’intensité lumineuse. C’était aussi important d’adapter l’éclairage en fonction de la luminosité extérieure de la lumière du jour.

Comment est éclairé le hall d’accueil de la bibliothèque « La Boîte à Livres » ?

Jérôme Desbordes : Même dans cette petite salle de 70 m² de la réception, les éclairages ont été placés à différentes hauteurs. Nous les avons mis un petit peu de guingois pour rappeler aussi ces éléments de bardage. Ils sont posés de manière aléatoire. Et quand la lumière du jour arrive le matin et que nous allumons en plus l’éclairage, il doit y avoir des reflets sur le sol et dans les vitres. Il y a un mélange entre la lumière naturelle et la lumière artificielle. Une chose assez sympa !

Comment as-tu conçu les éclairages extérieurs avec le SYDEV ?

Jérôme Desbordes : Ça s’est passé en plusieurs étapes. Le SYDEV m’a fait des propositions pour mettre en valeur le bâtiment. J’ai communiqué avec, David Caquineau, pour lui donner des éléments intéressants au niveau de l’architecture que nous pourrions mettre en valeur.

Quels sont les choix d’éclairage de la façade et espace public alentours ?

David Caquineau : Le bâtiment ayant fait l’objet d’un restauration complète, notre accompagnement a consisté à valoriser les éléments remarquables et le travail de restauration à pierre nue pour la partie « historique » d’une part, la valorisation de l’extension en bardage bois.

Quelle précédente expérience avait-tu de l’éclairage architectural ?

Jérôme Desbordes : Avec la mairie de L’Épine en Vendée, nous avions travaillé sur des éclairages qui pouvaient changer de couleur pour l’hôtel de ville. Par exemple, pour le 14 juillet, le maire a dit : « Je veux le bleu blanc rouge sur la façade. »

Comment as-tu travaillé avec l’architecte pour la « La Boîte à Livres » ?

David Caquineau : Je tiens toujours à être en écoute de leurs attentes, il ne s’agit pas d’aller à l’encontre mais bien d’être en support : nous apportons l’expertise « éclairagiste » mais nous ne devons pas nous substituer à l’approche architecturale qui appartient à l’archi : il y a donc une première phase de recueil des attentes où l’on définit l’ambition du projet, une éventuelle sélection des éléments spécifiquement remarquables. Ensuite, à l’issue de cette phase d’écoute, je formule une proposition puis nous réalisons des essais in situ à l’avancement du chantier : c’est le moment de confronté la théorie « imaginée » au comportement des matériaux et surface… de mieux appréhender les éléments environnants également.

Comment se sont passés les essais lumière au crépuscule ?

Jérôme Desbordes : Ce travail commun avec le SYDEV a fait qu’on est arrivés un soir à 22 h en juin sur le site. À la nuit tombée, nous avons mis en place des petits éclairages et fait des essais lumière. Avec des couleurs, différentes formes de faisceaux… nous avons fait plein de tests. Finalement, nous avons sélectionné certains éléments qui ont été mis en place.

Quels défis ont été relevés après la séance d’essais ?

David Caquineau : Convaincre que les puissances préconisées initialement sont suffisantes. En effet, lors des essais, les élus sont arrivés alors que la nuit était à peine tombée… Ils étaient nombreux et ont dû patienter près d’une heure… Dans cette impatience, ils ont vu des projecteurs qui n’éclairaient pas assez. Tout du moins, ils ne contrastaient alors pas assez avec l’ambiance semi-nocturne. Il a fallu faire preuve de ténacité pour ne pas « augmenter » l’ensemble des puissances des projecteurs. Ca démontre, une fois de plus, que la séance d’essais est un acte fondateur et que son déroulé doit être « soigné ».

Quels sont les effets lumière réalisés sur la bibliothèque « La Boîte à Livres » ?

Jérôme Desbordes : Je vais le dire avec mes mots. Pour le jardin clos du presbytère, ce sont plutôt des éclairages rasants pour finalement mettre en valeur le côté irrégulier de la pierre. Pour les autres façades, nous avons essayé de mettre en valeur aussi les ouvertures.

Côté bibliothèque, nous avons mis des éclairages qui allaient finalement faire ressortir le bâti entre la façade de la bibliothèque et le filtre avec les éléments en bois. Cela change un peu l’image diurne de cette bibliothèque.

Quels matériels sont installés au regard de l’énergie consommée ?

David Caquineau : Essentiellement avec des encastrés de sols. Ils sont adaptés, tant à la mise en valeur des pierre nues, qu’au treillis bois sur la partie neuve grâce à l’ajout de filtre dichroïque. Des teintes chaudes ont été retenus avec des puissances de matériels d’éclairage très limitées : 17 projecteurs de 3W, 15 projecteurs de 11W et un projecteur de 17W.

Propos recueillis par Vincent Laganier par téléphone, le 29 mai 2023 et par courriel, le 14 juin 2023.

A suivre…

Vendée : rénovation de l’ancien presbytère en bibliothèque

Approfondir le sujet

• Studium de Strasbourg lumineux, par Jean-Pierre Lott
• Silo de la Bibliothèque Municipale Part-Dieu en lumière
• Richard Rogers 1933-2021 : hommage à l’architecte high-tech

Photo en tête de l’article : Bibliotheque La Boite à Livres, essais lumière éclairage sur la façade avec le SYDEV, Boufféré, Montaigu-Vendee – Architecte © Interstices, Jérôme Desbordes