Cabaret, le musical en lumière par Laurent Kaye
LE PITCH : Cabaret, le musical. Berlin, les années 30. Fraîchement débarqué, le jeune Américain Cliff Bradshaw découvre le Kit Kat Klub, une sulfureuse boîte de nuit où se produit la sensuelle Sally Bowles. Autour d’elle, l’extravagant maître de cérémonie Emcee et sa bande de boys and girls singent et parodient le beau monde : ils sont les rois du show, du divertissement et de la provocation. Au Kit Kat Klub, tout est permis pour profiter des folles nuits berlinoises ! Mais même à l’abri dans cette enclave de liberté, le bruit des bottes leur parvient… « Willkommen, Bienvenue, Welcome ! »
Comment est né le spectacle Cabaret ?
Laurent Kaye : au départ, c’était une demande du metteur en scène Michel Kacenelenbogen, directeur du Théâtre Le public de travailler sur une comédie musicale. Depuis longtemps, il souhaitait créer ce spectacle. Michel est un metteur en scène avec lequel je travaille depuis ses premières créations. Tout naturellement, il a proposé à ses plus fidèles collaborateurs d’y participer. Sachant que, de mon côté, j’ai toujours été très attiré par la comédie musicale.
Où la comédie musicale a-t-elle été créée ?
LK : l’idée était de créer le spectacle au Théâtre Le public. Par rapport aux ambitions que Michel avait pour ce spectacle, très vite il s’est rendu compte que c’était un peu à l’étroit. Des salles très bien équipées, il n’y en a pas beaucoup à Bruxelles en théâtre. La création a eu lieu au Théâtre national de Bruxelles avec un grand plateau et l’équipe technique du Théâtre national.
Comment s’est passée la création lumière ?
LK : avec le metteur en scène, quand il a commencé un peu à avoir les idées claires, on s’est fait une réunion de travail et de préparation avec la maquette [nrdl : scénographique]. A ce moment-là, j’interviens par rapport aux différentes propositions et possibilités. C’est quelque chose qui se fait une fois que le décor a été conçu.
LK : avec le scénographe, le travail était légèrement plus distant, car il était souvent à l’étranger. Donc, on a plutôt travaillé en plans. Le côté très épuré du décor amène pas mal de possibilités. Ce décor est mouvant. Il tourne en fait, ce qui permet d’évoquer plusieurs endroits.
SCÉNOGRAPHIE : le décor est constitué de trois éléments principaux : un praticable avec l’orchestre au-dessus, un rideau de perles qui crée des transparences avec le fond de scène et une tournette annulaire par laquelle arrive du mobilier d’intérieur, comme par magie.
La lumière joue sur le rideau de perles ?
LK : la force du rideau de perles est d’être très significatif vers la fin du spectacle ou très réjouissant pour le Cabaret et son côté festif. Je lui donne de la couleur latéralement, du haut, des chasers, des points blancs très fort au-dessus. Il a plusieurs axes de lecture, plusieurs valeurs et plusieurs sens. C’est pour moi un élément très important du spectacle.
CRÉATION LUMIÈRE : le rideau de perles est réalisé en chaîne métallique. Il démontre toute l’importance du travail du créateur lumière sur scène. Dans la première partie du spectacle, ce rideau de perles prend toutes les couleurs. Il a vraiment une matière en tant que fond de scène. Avec la dramaturgie qui s’installe et que l’histoire se raconte, il se transforme progressivement et change de signification.
Quel est la temporalité lumière du spectacle ?
LK : le début du spectacle est très festif avec l’arrivée du titre Cabaret découpé. Il doit y avoir une impulsion très forte au niveau de la couleur et de la dynamique. On assume le rouge du Cabaret et on y va à fond.
LK : au fur et à mesure que le spectacle avance, on supprime de plus en plus de couleur. Donc, on arrive de plus en plus à une lumière « dark » qui est de plus en plus sombre. Elle se termine vers un blanc foncé – ce qui est une drôle de réflexion quand on parle de la lumière – mais on arrive dans un espèce de gris foncé. J’utilise des couloirs de lumière blanche très pure qui joue avec le noir du reste de la scène pour arriver à quelque chose de très dur.
Un travail important avec le metteur en scène ?
LK : quand on va vers ce genre de lumière, il faut rencontrer un metteur en scène qui entend ça. C’est assez rare. Il va tout faire pour que la mise en scène puisse fonctionner avec ces couloirs de lumière ; ce qui n’est pas le cas de tout le monde. C’est le gros avantage de travailler avec Michel Kacenelenbogen et une personne qu’on connait bien.
LK : c’est très compliqué de faire jouer les comédiens de face, parce qu’ils vont se prendre l’ombre d’un autre comédien. Donc, c’est un travail de placement et de mise en scène de mettre les personnages de biais, dans des zones très précises à chaque fois, pour ne pas bouffer la lumière de l’autre comédien.
Comment le rideau de perles est-il éclairé ?
LK : de mémoire, je pense que j’avais une série de découpes en douche juste pour le rideau, câblés de manière séparée de sorte à créer un chaser de couleur, de cour à jardin et de jardin à cour, zone par zone. Il y a aussi tout un ensemble de BT blanc très serrés qui sont exclusivement utilisés à la fin du spectacle et des PAR en douche.
CK : il y a aussi une rampe d’avant-scène qui prend les comédiens en contre-plongée et donne une autre couleur au rideau. Le rideau est éclairé par la rampe d’avant-scène pour une couleur, les douches en rose, les BT en blanc, les rampes dichroïques latérales en rouge et bleu. Aussi, indirectement par le titre lumineux « Cabaret », les lettres s’éclairent par l’arrière.
Les latéraux sont en trois couleurs ?
LK : oui, je pense que j’avais utilisé du PAR à deux niveaux en trois couleurs rouge, bleu et rose en différents plans.
Comment est éclairé de l’orchestre ?
LK : comme l’orchestre fait intégralement partie du spectacle et du décor, j’ai refusé que leurs pupitres soient éclairés en permanence. C’est toujours un peu angoissant pour les musiciens, comme ils ne connaissent pas leurs partitions par cœur. Si l’on garde des petites LED allumées en permanence, on ne peut pas avoir un noir total qui participe à l’action dramatique.
LY : il y avait des moments où je voulais que l’orchestre soit dans le noir. Donc, c’était une angoisse du chef d’orchestre et du régisseur lumière d’envoyer le bon top, au bon moment, pour que la lumière des pupitres monte à l’instant où ils doivent jouer leurs premières notes.
https://x.com/maisondeladanse/status/933397342136520708
Quelques mots sur le cyclorama ?
LK : pour le fond de scène, je voulais que ce soit un fond d’air le plus clair possible. En général, les cyclos on les attaque par l’arrière en rétro-projection. Ici, comme on avait de la profondeur et qu’on avait plus de matériel d’éclairage, j’ai travaillé en double réflexion. C’est-à-dire que derrière le cyclo, il y a un fond blanc. Les sources sont au sol et éclairent vers ce fond blanc. La lumière revient en réflexion de ce fond blanc vers le cyclo. Ainsi, on obtient un cyclo avec une lumière la plus étale possible. Evidemment, on perd un peu de puissance, mais ça parait plus lointain, plus juste et plus beau pour le spectateur.
Propos recueillis par Vincent Laganier, le 8 décembre 2017
Représentation de la tournée 2017 à la Maison de la Danse de Lyon
Création 2014 du Théâtre Le Public, Bruxelles, Belgique
Tournée Cabaret 2017-2018
- 3 au 7 novembre 2017 : Aula Magna, Louvain-La-Neuve, Belgique
- 17 au 19 novembre 2017 : Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence
- 23 novembre au 3 décembre 2017 : Maison de la danse, Lyon
- 9 au 10 décembre 2017 : Le Colisée de Roubaix, Roubaix
- 13 au 17 décembre 2017 : Le Quartz, Brest
- 21 au 23 décembre 2017 : Théâtre André Malraux, SEM TAM, Rueil-Malmaison
- 31 décembre au 5 janvier 2018 : Théâtre de Liège, Belgique
Approfondir le sujet
Équipe artistique
Équipe technique
Lieux
- Théâtre Le Public
- Saint-Josse-ten-Noode, Belgique
- Maison de la danse
- Lyon, France
Livres
Penser la lumière, de Dominique Bruguière
Réflexion sur la composition de la lumière à la scène par l'éclairagiste, Dominique Bruguière. Au théâtre, à l'opéra et la danse, Penser la lumière. |
Noir, lumière et théâtralité, de Véronique Perruchon
Une traversée historique et esthétique du noir au théâtre et de la lumière à la scène. Un livre de Véronique Perruchon à dévorer avant de se coucher. |
Guide pratique de l'éclairage - Cinéma, Télévision, Théâtre - 5e éd.
Unique en son genre, ce guide pratique aborde les aspects théoriques, esthétiques et techniques en éclairage au cinéma, théâtre et télévision. |