[Circuit] de David Rolland

En toute honnêteté, assister à un nombre croissant de performances vous forge un esprit critique de plus en plus étanche à la surprise, de plus en plus délicat à la sensation. Mais parcourir Circuit, c’est remettre son compteur émotionnel à zéro, c’est rééquilibrer le magnétisme d’un esprit critico-créatif qui peine à s’aimanter aux œuvres de notre génération.

C’est retrouver le goût, la vue, l’ouïe, le toucher, l’équilibre. C’est libérer les chaînes de sens inexplicablement mutés, inconsciemment inexplorés.

Circuit n’est que suggestion(s), Circuit est suggestion(s). C’est un effet d’appel permanent dans le sillon d’un courant sonore suave et envoûtant, une main tendue dans un fantastique dédale de toiles mobiles esquissant un espace en perpétuelle mouvance qui, à l’instar de ses précieuses danseuses, joue de son caractère résolument insaisissable.

L’espace est rythmé par les contrastes. Casque sur les oreilles, vous êtes guidé d’une étole blanche à une étoile colorée, d’un fragment vocal à une danse d’ombres.

L’espace est à vous. Bercé par la litanie de la composition sonore, vous offrez délibérément corps et gestuelle à une mise en scène qui vous guide et vous captive, seuls vos yeux sont exempts de ce joug flatteur, du moins le croyez-vous.

De cette liberté visuelle, vous en retirez la joie de pouvoir surprendre un mouvement sur le vif, de saisir une une ombre aguicheuse ou de capter une lumière subreptice qui, imperturbable que vous êtes, ne pourra être que le fruit d’une omission de la part du créateur.

Puis vous levez les yeux, et vous apercevez le travail d’orfèvre entraînant les mouvements du décor. Le doute ne vous est plus permis, avec tant de dextérité assumée, l’artiste n’a définitivement pas pu laisser une seule bribe de son œuvre au hasard.

Détachez un instant les  yeux de ce monumental mobile, et fixez le regard droit devant vous. C’est le moment d’appliquer les conseils de cette voix qui vous entraîne toujours plus profondément dans les limbes de Circuit. Vous êtes dans le cercle de lumière, elle vous éblouit tout en offrant à votre champ de vision périphérique la délicate performance d’une danseuse en totale harmonie avec l’atmosphère de l’œuvre.

Vous l’aurez compris, David Rolland a pensé à tout. Alors vous qui, peut-être, désespérez de retrouver l’adrénaline d’une création à couper le souffle, apprêtez-vous à retenir votre respiration lorsque vous écarterez en douceur le pan de toile qui vous entraînera dans l’univers incomparable de Circuit. Les minutes disparaîtront dans cet espace-temps créé sur mesure pour vous ravir et, lorsque enfin vous en émergerez, vous en serez définitivement transformé.

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