Empire of Light de Sam Mendes, rien ne se passe sans lumière
« Ring out, wild bells, to the wild sky,
The flying cloud, the frosty light:
The year is dying in the night;
Ring out, wild bells, and let him die. »
Alfred Lord Tennyson, In Memoriam, 1850
La lumière comme clé de lecture
Ici, nous parlerons peu de la mise en abyme du cinéma ou de la psychologie parfois complexe des différents protagonistes. Si les performances d’Olivia Colman et de Micheal Ward doivent être soulignées, nous aborderons cette œuvre sous le prisme de la lumière. Médium essentiel à l’art cinématographique, il occupe un rôle prépondérant dans ce film. On appréciera également les tête-à-tête à l’étage du cinéma baigné d’une lumière du jour filtrée par des verres colorés. Un jardin secret qui rappelle les compositions de Edward Hopper ou de David Hockney.
De la salle obscure au front de mer
Dès les premiers plans, la lumière s’immisce dans l’espace. Personnage principal du film, le cinéma s’éveille avec les premiers rayons pâles d’un soleil d’outre-Manche, puis on décline les sources. De l’ampoule de la machine à pop-corn aux néons de la façade en passant par le gyrophare, l’artificiel contraste avec le naturel. La première phrase que l’on peut lire est une citation de Shakespeare inscrite dans le lobby de l’établissement. Avec ce Find where light in darkness lies, le ton est donné.
L’année se meurt dans la nuit
L’affiche du film en elle-même promet une merveille pour les luminophiles. Telles les trois vignettes d’un storyboard, le regard brillant de deux personnages se perd devant un feu d’artifice. Des lumières incandescentes que l’on retrouve également dans l’appartement d’Hilary, fragile personnage travaillant à l’Empire. Ici encore, l’écrasante lumière naturelle s’oppose à la délicatesse d’une bougie ou d’une résistance pour exprimer les sentiments.
« Bring me my Bow of burning gold:
Bring me my Arrows of desire:
Bring me my Spear: O clouds unfold!
Bring me my Chariot of fire! »
William Blake, Jerusalem, 1810
Confession du projectionniste
Au cours de ces deux heures de film, une scène s’offre comme un joyau pour les amoureux de la lumière. Il s’agit de celle de Norman, projectionniste passionné dont la salle de projection est bien gardée. Interprété par le touchant Toby Jones, il nous émerveille encore de la magie du cinéma. Propriétés physiques du carbone qui flirte avec l’effet phi pour un petit cours d’optique. La poésie de la lumière s’exprime dans toute sa splendeur au creux d’un projecteur. Et au cas où la lumière n’aurait pas été assez évoquée, on entend raisonner la musique de Chariots of Fire.
« It is amazing. It’s just static frames with darkness in between. But there’s a little flaw in your optic nerve. So if I run the film at 24 frames per second, it creates an illusion of motion. An illusion of light. So you don’t see the darkness. Out there, you just see a beam of light. And nothing happens without light. »
Sam Mendes, « Empire of Light », 2022
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Photo en tête de l’article : Empire of light, Sam Mendes – Toby Jones et Micheal Ward en salle de projection © Roger Deakins