Grand Hôtel-Dieu nouvelle sa mise en lumière, Atelier Roland Jeol
La façade du Grand Hôtel-Dieu a été l’un des premiers Monuments Historiques a être mis en lumière en 1989 au début du plan lumière de Lyon. À l’occasion du concours des Hospices Civils de Lyon – HCL – pour la requalification du Grand Hôtel-Dieu en 2012, une équipe pluridisciplinaire fut lauréate :
- Eiffage Construction, filiale du groupe Eiffage, entreprise générale de bâtiment et travaux publics – BTP,
- Albert Constantin et Claire Bertrand, architectes, AIA Life Designers,
- Didier Repellin, architecte en chef des Monuments Historiques, RL&A,
- Guillaume Jeol, concepteur lumière, Atelier Roland Jeol.
Comment mettre en lumière une façade de 300 mètres ?
Tout d’abord, la façade monumentale de 300 mètres de long a été entièrement restaurée par Didier Repellin. Ainsi, la pierre de taille blanche des Monts d’Or utilisée pour les bas-reliefs et les sculptures va ainsi retrouver son éclat d’origine. Elle provient du nord-ouest de Lyon, plus exactement d’un massif calcaire à socle cristallin constitué de gneiss et de granite.
« Adage encore plus juste que pour tout autre illumination, la lumière est et reste au service de l’architecture, de cette puissante et remarquable architecture, sublimant le lieu dans lequel elle s’inscrit, la presqu’île de Lyon bercée par les remous du fleuve ».
Guillaume Jeol, concepteur lumière, Atelier Roland Jeol
Ensuite, l’Atelier Roland Jeol va proposer de renouveler la mise en lumière du Grand Hôtel Dieu tout en LED. Les technologies précédemment mises en œuvre pour l’illumination d’Alain Guilhot étaient des lampes au sodium haute pression et PAR halogène. Avec le temps, l’installation électrique était devenue assez énergivore et posait des questions de maintenance.
Enjeux de la mise en valeur nocturne
Pour le concepteur lumière Guillaume Jeol, la mise en valeur nocturne à trois « enjeux majeurs :
- instaurer un dialogue et aiguiser la curiosité grâce au perspectives lointaines depuis les berges du Rhône,
- prolonger la vie de cet héritage du passé,
- inciter à sa (re)découverte grâce aux visions proches ».
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« Site surprenant et emblématique, l’enjeu fondamental de cette mise en lumière est aussi un enjeu de communication, démultipliant l’aura naturelle de ce formidable site à une échelle régionale, nationale et internationale ».
Guillaume Jeol, concepteur lumière, Atelier Roland Jeol
Les choix de mises en lumière procèdent alors d’un travail à « deux échelles de lecture :
- lointaine : lumière volumétrique de la façade et des dômes,
- proche : lumière de mise en valeur des modénatures et le relief inscrits en façade ».
Éclairage du grand dôme et du corps central
Le corps central de Soufflot se compose de cinq travées, dont trois forment une avancée. Il a été dessiné pour « impressionner l’étranger » alors que Lyon – ville marchande – était en plein essor européen. Le Grand Dôme de Soufflot a une structure en deux coupoles en béton nervuré, une prouesse à l’époque.
Soufflot, qui n’a que 27 ans lors de son concours, a ainsi défini une double échelle à partir de tracés régulateurs reposant sur un nombre d’or dynamique :
- une échelle monumentale pour élever le patient,
- une échelle humaine pour l’accompagner.
L’ensemble des colonnes et des pilastres est accentué pour laisser ressortir les éléments de relief de la façade. Une lumière ponctuelle est ici mise en oeuvre par Guillaume Jeol.
Deux lanternes de style, converties en LED, sont conservées pour renforcer l’axe et garder cette dimension humaine, chère à l’architecte. D’autres consoles accompagnent ainsi les entrées au Grand Hôtel-Dieu.
L’ensemble de l’illumination est réalisée avec une température de couleur de 3000 K blanc neutre, sauf pour les statues et le fronton où du blanc froid est utilisé.
Pour ces sculptures, des projecteurs à découpe permettent de cadrer précisément leurs silhouettes depuis deux grands mats placés sur le terre-plein central de la chaussée.
La pose de ces matériels d’éclairage sur la voirie a été réalisée par la Direction de l’éclairage urbain de la ville de Lyon.
Éclairage des ailes latérales
Compte tenu des grosses corniches de l’architecture de Soufflot, « de 40 cm à 1,50 m avec des reprises, le parti pris est un éclairage intégré au monument, ou dans le proche environnement du bâtiment » décrit le concepteur lumière.
Une première ligne de réglettes LED est encastrée dans le sol, le long de la façade du monument.
Installée sur le trottoir du quai Courmont, cette partie de l’installation a été réalisée par le Grand Lyon.
Elle éclaire le soubassement de pierre en joint creux et révèle sa texture.
Les deux étages supérieurs sont éclairés par des projecteurs LED sur console.
Une coupure du circuit [photo ci-dessous] démontre l’importante de cette ligne d’appareil d’éclairage. En effet, elle permet annuler les ombres portées des retraits proéminentes.
Enfin, l’acrotère avec son balcon en pierre ajourée est mis en lumière de manière linéaire par des réglettes LED.
Éclairage des corps latéraux
La mise en lumière des corps latéraux de la façade, quai Courmont, se fait par un éclairage d’accentuation latéral des pilastres.
Il révèle les volutes ioniques des pilastres et les bas-reliefs de cette partie de la façade.
« Habillé de lumière, le Grand Hôtel Dieu devient le témoin lumineux de l’imagination et de l’habileté des générations précédentes à concevoir et à construire de majestueux édifices qui traversent imperturbablement les époques, les générations et le temps ».
Guillaume Jeol, concepteur lumière, Atelier Roland Jeol
Installation électrique de l’illumination
Eiffage Energie Systèmes était en charge de l’installation électrique de l’illumination du Grand Hôtel-Dieu autour d’une équipe de trois personnes clefs :
- Guillaume Roy, responsable d’activité et du projet,
- Alexis Giraud, responsable des études techniques et des travaux,
- Ludovic Galaman, conducteur de travaux du chantier.
Tout d’abord, l’entreprise de bâtiment et travaux publics a déposé l’installation précédente. Objectif : rebâtir une infrastructure électrique aux normes. Ensuite, Eiffage Energie Systèmes a calibré l’installation électrique du réseau pour répondre au projet du concepteur lumière.
« Comme c’est de la LED », explique Alexis Giraud, responsable des études techniques, l’une des principales difficultés, « c’est la loi des nombres. Nous avons des pics d’intensité de courant à l’allumage des projecteurs. Nous ne pouvons par mettre les luminaires à la suite ».
Bon à savoir : « comme c’est de l’électronique, la valeur du courant d’appel du driver est donnée par le fabricant » de matériels d’éclairage. Elle est à prendre en compte dans le calibrage du réseau électrique d’une installation LED.
Par conséquent, deux armoires électriques sont positionnées sur les quais, deux sont à l’intérieur des bâtiments et une dernière à côté de la chapelle. Elles sont connectées au régime illumination de la ville de Lyon, car, c’est la Direction de l’éclairage urbain qui récupère l’exploitation de l’éclairage, d’après une convention public-privée. Soit un allumage de la tombée de la nuit à minuit en semaine pour un total de 1700h/an.
En parallèle, environ 200 ferrures sur-mesure ont été conçues par Eiffage Energie Systèmes pour les projecteurs en console et les réglettes de l’acrotère. Après validation de l’ABF, Didier Repellin de RL&A, et d’AIA Life Designers, la fabrication a été confiée à un serrurier.
Au début des travaux, trois soirées d’essais lumière sur une trame de façade ont eu lieu avec Guillaume Jeol. Objectif : valider la position exacte de chaque type de projecteur, l’implantation lumière étant assez répétitive.
Enfin, la pose du matériel d’éclairage a eu lieu de mi-février à fin avril 2019. Effectuée par nacelle pour le premier niveau par l’entreprise de bâtiment et travaux publics, la pose du matériel a été sous-traitée à des cordistes pour l’acrotère et les cheminées. Question de sécurité du travail en hauteur !
Quelques chiffres
Au total, voici quelques chiffres de la mise en lumière du monument :
- 7 km de câbles sont installés en façade et sur les toits,
- 458 projecteurs installés,
- 31 kW de puissance totale consommée,
- 63% d’économie d’énergie réalisée par rapport à l’illumination précédente de 84 kW.
Grande opération privée sur Monument historique
Portée par Eiffage Immobilier associé à Générim, cette réhabilitation d’envergure est la plus grande opération de reconversion privée d’un monument historique en France. Soumis à un bail à construction, le Grand Hôtel-Dieu demeure la propriété des Hospices Civils qui percevront un loyer sur 90 ans. Très peu courant en France, ce montage permet à la collectivité de rester maîtresse du devenir de son patrimoine en soumettant son développeur à des conditions d’entretien, de restauration et de ré-usage, en termes de programmation et d’ouverture au public.
En juin 2015, Eiffage a cédé le bail à Crédit Agricole Assurances pour l’intégralité du site, excepté pour les volumes de la Cité Internationale de la Gastronomie qui ont été cédés à la Métropole de Lyon.
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Photo en tête de l’article : Grand Hôtel-Dieu, Lyon, France – Architectes : Soufflot, Constantin, Repellin – Concepteur lumière : Atelier Roland Jeol © Michel Djaoui
Lieu
- Grand Hôtel-Dieu
- Lyon, France
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L’article est super et très détaillé. Une réussite
Comme il est indiqué, la règle du nombre ou « loi des nombres » peut être un frein. A considérer le plus en amont possible avant tout projet.