Hypernuit au parc de l’université de Strasbourg
Initié en 2009, un nouveau poumon vert au cœur du parc de l’Université de Strasbourg vient d’être inauguré. Le parc de six hectares relie les principaux bâtiments du campus au quartier de la Krutenau ainsi que la ligne de tramway.
Le projet de Digital paysage, dirigé par Agnès Daval, pour le parc de l’université de Strasbourg, instaure une dualité entre :
- les îles végétales, avec ses allées sinueuses,
- la promenade en équerre qui ordonne les bâtiments.
Composition nocturne et trame diurne
Sur cette composition végétale et minérale aux multiples variations, la trame du projet nocturne de Charles Vicarini s’est composée dans une grammaire visuelle qui :
- ouvre des perspectives,
- dissocie les entrées des bâtiments du parc de celles sur l’équerre,
- met en relation les façades,
- suggère les cheminements du parc,
- affirme la promenade de l’équerre.
Lumière et transition nocturne
« Le plan lumière du parc central est à l’échelle de la ville. Il matérialise une transition nocturne » propre à la pensée de l’Hypernuit qui préserve l’obscurité explique le concepteur lumière Charles Vicarini. « Entre ville frontale dense et ville verticale ouverte, le projet lumière met en scène les aménagements urbains du parc, entre nature et architecture ».
Objectifs : « initier la nuit de nouvelles perceptions, de nouveaux usages, des parcours piétons apaisés, confortables et respectueux du ciel nocturne ».
Entrées en lumière colorée
Les huit entrées du site créent une rupture lumineuse par la couleur, vert, bleu et blanc froid. Elles appellent vers un territoire ouvert le soir. « Ces seuils d’orientations ainsi constitués guident notre regard et accompagnent notre mobilité par l’alternance de lumières et de pénombres » précise Charles Vicarini.
Une même teinte de lumière chaude est appliquée sur l’ensemble du parc de l’université. Elle équilibre les modulations d’intensité dues aux différents espaces et plantations.
Mobilier lumière en bois
Les ambiances se déploient simplement autour d’une palette de cinq mobiliers d’éclairage. Conçu spécifiquement par l’équipe de maîtrise d’œuvre, ils sont coordonnés et complémentaires :
- Mâts équerre déclinés en trois hauteurs.
- Mâts signal délimitant le site.
- Mâts bois de 14 m jalonnant le mail central.
De jour, sur l’équerre, des alignements de mâts en épi ouvrent des points de vue sur le parc de l’université de Strasbourg aménagé en bouquet. Ils identifient les entrées des facultés.
Dans le parc, un axe majeur face à la fac de droit est constitué d’un double alignement de mâts bois Aubrilam, de grande hauteur, de part et d’autre du mail central.
L’axe de la faculté de droit, bâtiment à la façade courbe conçu en 1962 par l’architecte Roger Hummel, prolongé par le mail central des tilleuls, est désormais bordé de 12 mâts en bois.
Avec l’Hypernuit, les transitions lumineuses sont progressives et adaptatives. C’est le cas dans cette réalisation du Parc de l’université de Strasbourg ou l’on passe d’un espace à un autre avec une graduation douce des luminances.
Temporalité, soirée et saisons
Charles Vicarini résume : « pour concilier les activités nocturnes des étudiants et des chercheurs, assurer une continuité des liaisons piétonnes vers les logements à la préservation du ciel nocturne, aux économies d’énergie, nous avons défini un principe d’extinction progressif du parc, grâce à une gestion centralisée commandant chaque point d’éclairage ».
Trois ambiances très différentes s’alternent :
- début de soirée,
- milieu de soirée,
- nuit.
En parallèle et en fonction de la persistance des feuillage, deux régimes d’éclairage se succèdent :
- la saison chaude,
- la saison froide.
Plan lumière du parc central du campus
Charles Vicarini a conçu en 2011 le nouveau plan lumière du campus. Ses objectifs sont de redéfinir une cohérence d’ensemble.
- Renforcer le confort nocturne du parc urbain.
- Qualifier l’identité nocturne du campus.
- Inscrire dans la nuit strasbourgeoise ce nouveau paysage nocturne.
- Initier une recherche durant le chantier.
- Réaliser une mise en lumière respectueuse de l’environnement nocturne.
Pratiques nocturnes
Pour le concepteur lumière « cet environnement nocturne invite à de nombreuses pratiques nocturnes :
- dans le calme des sous-bois doucement éclairés,
- dans la détente des pelouses ouvertes sur le ciel,
- dans l’apaisement des événements lumineux rythmant les façades.
- la faculté de droit et ses courbes doucement éclairées,
- l’Atrium et sa lune gibbeuse,
- la lumière réfléchie par l’excroissance insolite de l’amphithéâtre de mathématique ».
Aujourd’hui nommé, parc de l’université de Strasbourg, la deuxième phase des travaux du parc central du campus a duré deux ans. Ce parc a permis de réunifier deux quartiers, de jour comme de nuit.
Une vision progressive et adaptative
Ce projet s’inscrit dans la démarche prospective conduite par Charles Vicarini et nommée Hypernuit.
« En faisant l’expérience du voyage moderne, on change de climat instantanément » » écrit Charles Vicarini. « Partir de Paris sous un ciel gris et arriver en Afrique sous le soleil, la chaleur accablante, est un choc émotionnel et physiologique très rapide que l’on a parfois du mal à résorber. Mais comme l’évoque Ryszard Kapuscinski dans son roman Ébène, aventures africaines :
« Autrefois, lorsque les gens traversaient le monde à pied, à cheval ou en bateau, ils avaient le temps de s’accoutumer aux changements […] ils se familiarisaient progressivement […] le climat lui aussi changeait par étapes. Avant d’atteindre la fournaise équatoriale, le voyageur venu de la froide Europe avait déjà traversé la douceur de Las Palmas […] Que reste-t-il aujourd’hui de cette gradation ? »
ÉBÈNE, aventures africaines de Ryszard Kapuscinski
« Comme Henri Alekan parle dans son travail de climat lumière, ce texte traite du climat mais se transpose facilement à la question de notre perception de la lumière la nuit. Notre œil voyage de lumières en lumières, de luminances en luminances. La question se pose dans la ville aujourd’hui : où sont passées les nuances, les modulations, qui permettent de s’accoutumer en douceur aux ambiances souvent très contrastées que l’on traverse en ville. Comment alors inventer de nouvelles perspectives permettant aussi d’amplifier les chocs visuels et des émotions produisent par le jeux des lumières dans l’espace et le temps » synthétise le concepteur lumière.
Hypernuit de Charles Vicarini
« C’est ainsi que l’obscurité, souvent associée à la peur et à l’insécurité, s’avère être en réalité un cadre propice à la mise en valeur de certaines choses, choisies et remarquables, afin de qualifier une identité et une ambiance particulière au site.
L’obscurité ne doit pas être vécue comme un obstacle au développement de la ville, à la promenade, à la vie nocturne mais plutôt comme un phénomène à apprivoiser. La nuit devient un jour constant, et face à cette constante, comment pouvons nous insérer des transitions modulées. C’est pourquoi nous proposons l’Hypernuit, une méthode sensible de préservation des zones d’obscurité urbaine, afin d’acclimater notre vue à l’environnement nocturne, par la scénographie de transitions progressives et adaptatives » déclare Charles Vicarini.
Approfondir le sujet
Lieu
- Parc de l'université de Strasbourg
- Strasbourg, France
Livres
SuperLux : Smart Light Art, Design & Architecture for Cities
Art lumière, design et architecture intelligente pour les villes. SuperLux est un livre de référence de Davina Jackson. |
L'homme qui marchait dans la couleur - James Turrell
Avec l'œuvre de James Turrell, le sculpteur, couleur, espacement, limite, ciel, horizon et immensité du désert deviennent palpables. |
Light in Landscape and Architecture, Jacobo Krauel
L'ouvrage Light in Landscape and Architecture présente des projets d'architecture et d'espace urbain ou la lumière à un rôle dans la conception du paysage. |
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