Lascaux : fac-similé de la grotte éclairé comme à la bougie
Quatrième reproduction lumineuse de la grotte de Lascaux. Le nouveau centre international d’art pariétal de Montignac est un complexe touristique et culturel intégré dans la colline. Snøhetta Architecture a conçu un bâtiment souterrain qui émerge à la surface via des lames de béton massif.
Pour le fac-similé de la grotte, dès le concours de maîtrise d’œuvre, les concepteurs lumière de l’agence 8’18’’ ont l’idée d’un parcours assez immersif, « comme avec une torche, la lumière aujourd’hui nous suit » raconte Rémy Cimadevilla. « Devant et derrière nous, c’est le noir. Les choses se révèlent au fur et à mesure du parcours ».
Flammes à la bougie intégrées
Lascaux 4 a sept stations. Elle présente une intégration très forte de la lumière dans le fac-similé de la grotte. Le projet d’éclairage part de l’idée de la flamme des lampes à graisse de l’époque paléolithique. « De simples pierres calcaires, légèrement creusées pour accueillir une mèche végétale et de la graisse animale pour combustible. L’ancêtre de la bougie en quelque sorte » poursuivent les concepteurs lumière.
Au total, 150 points de lumière LED sont parfaitement intégrés dans de petites niches dans la paroi de la grotte pour placer les projecteurs. Ainsi, « on ne voit jamais la source » précise Rémy Cimadevilla « tous les appareils sont nichés dans la matière comme si, de la matière, émergeait la lumière ».
Lumière douce et enveloppante
« Aucun faisceau de lumière n’est ressenti » explique aussi le concepteur lumière. La lumière est répartie en douceur sur les éléments à voir. « Chaque point lumineux a un effet spécifique, légèrement diffus, ce qui accentue la notion d’immersion dans la grotte ».
Pourtant, une large gamme de faisceaux 10°, 25° et 40° orientables et un savoir-faire remarquable en éclairage muséographique sont employés par 8’18’’ pour atteindre le résultat final impressionnant.
Choix de la température de couleur
En support de la maîtrise d’ouvrage, la température de couleur des sources à LED a été validée par un collège d’experts présidé par Yves Coppens. Des essais lumière ont été réalisés en 2500 et 3000 K.
Sur des aspects scientifiques, la validation des choix de la maîtrise d’œuvre et de la technique prescrite a finalement été une température de couleur de 2900 K et un IRC supérieur à 97, pour garantir un spectre de la lumière dans les rouges. Un confort très appréciable pour un concepteur lumière dans un projet d’envergure internationale.
Implantation des projecteurs fixes
Un modèle 3D de la grotte Lascaux 4 sur le logiciel Revit est réalisé par les architectes. Pour appréhender ce volume très complexe, les concepteurs lumière ont réalisé des coupes 2D tous les cinquante centimètres, car « chaque détail lumière est lié un détail béton, un creux dans les murs et le sol » explique Rémy Cimadevilla.
« Le fond de notre creux, le creux de lampe à graisse, est toujours de la même matière que la matière massive de la grotte ». Les implantations lumière posées à même le sol de la grotte ou perchées dans les parois ont été suivies par le collège d’experts pour s’assurer de la crédibilité archéologique.
Construction de l’image lumière
Tous les 15 jours pendant le chantier de construction de la grotte, 8’18 » va venir marquer, dans le fac-similé, la position des projecteurs pour les décorateurs. Comme les hommes des cavernes, mais avec un petit projecteur, ils vont faire des essais lumière in-situ.
Objectif : confirmer l’implantation lumière prévue pendant les études techniques. Un repérage à la bombe de peinture indiquera aux artisans de prévoir une réservation à cet endroit pour que l’effet lumière devienne presque invisible.
Réglage et niveau lumière in-situ
Après avoir glissé le projecteur 2 W dans la niche, tous les réglages de la lumière se font par l’avant, côté fac-similé. La maintenance de l’éclairage a été pensée dès la conception. Elle se fait par l’arrière du fac-similé, via un tube en béton.
Les niveaux d’éclairement moyen sont de 30 à 50 lux sur les fresques peintes de la grotte. Sur le sol, la lumière est très faible entre 0 et 5 lux. Une dérogation au niveau PMR a été possible grâce à un sas d’accès très peu éclairé, qui permet l’adaptation de l’œil, et le caractère spécifique du lieu.
Contempler les peintures murales
Si le parcours scénographique de Casson Mann dans le fac-similé laisse encore du mystère à la grotte, dans la zone de contemplation, il en est tout autrement. Depuis des failles en plafond, plusieurs fragments emblématiques de Lascaux sont suspendus dans l’espace.
Lascaux 4, centre international d’art pariétal de Montignac, Dordogne, France – Zone de contemplation – Architecte : Snøhetta Architecture – Scénographe : Casson Mann – Conception lumière et photo : 8’18’’
L’éclairage à LED blanc froid 4000 K donne à ces failles une impression de lumière naturelle. Résultat : une ambiance douce et diffuse d’environ 100 lux moyen au niveau du sol.
Pour obtenir une lecture détaillée des peintures des hommes préhistoriques ici reproduites, un garde-corps accueille un linéaire de tubes fluorescents dissimulés sous un verre diffusant. Cet éclairage en contre-plongée suit la forme externe des fragments suspendus et délimite ainsi l’espace muséographique.
Des projecteurs à LED orientables permettent de créer également un éclairage ponctuel sur les éléments importants à observer. Le niveau d’éclairement sur les fragments peut atteindre 400 à 500 lux.
Grandes failles en béton
En ressortant de cette zone de contemplation tout ébloui par tant de peintures rupestres, le visiteur retraverse la grande faille de voiles en béton. Encastrée dans le sol, l’éclairage s’inscrit à limite de l’architecture dans des formes luminescentes triangulaires.
Quelle onirique expérience avons-nous faite de notre ancêtre direct, l’Homo sapiens sapiens, dit Cro-Magnon ! La lune pointe à travers les nuages. La nuit est tombée. Faites de beaux rêves !
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Lieu
- Lascaux Centre International de l'Art Pariétal
- Montignac, France
Une Périgourdine qui a vu toutes les grottes depuis l’originale !
Quelle belle réalisation.
Excellent reportage et précisions de l’éclairage et de la scénographie.
Merci pour ce commentaire qui me va chaud au cœur !