Palais de Justice de Lyon, lumière et temporalité
Le palais de Justice de Lyon est une architecture iconique de la ville. Il se retrouve bien souvent sur les cartes postales de la colline de Fourvière.
Conçu par l’architecte Louis-Pierre Baltard, au 19ème siècle, son péristyle de 24 colonnes en pierre de Villebois s’élève à plus de 20 mètres de haut.
Comment Jérôme Donna, éclairagiste à la Direction de l’Éclairage Public – DEP – de la ville de Lyon a travaillé avec l’architecte du bâtiment historique pour définir le projet d’éclairage ? Plutôt qu’une mise en lumière patrimoniale du Palais de Justice de face qui aurait démultiplié les ombres des colonnes, l’éclairagiste vient au service du bâtiment pour en restituer une image plus complète. La proposition de Jérôme Donna consiste à :
- faire de l’éclairage pérenne et événementiel avec la même installation,
- restituer les matériaux à base de lumière blanche pour respecter la pierre,
- intégrer les luminaires au monument pour qu’ils ne soient pas visibles de jour,
- s’intégrer dans la plastique générale nocturne de la colline de Fourvière.
Éclairage diffus du soubassement
Depuis l’esplanade avec les bassins, l’idée est de redonner la notion de soubassement à l’édifice aussi la nuit. Un travail d’échange constructif avec Bruno Dumetier et Laurent Fachard, maitres d’œuvre du parvis, s’est alors engagé. Leur proposition est très judicieuse. Deux mâts de grande hauteur en L inversé viennent recadrer le palais de Justice et éclairent le parvis. L’éclairage fonctionnel vient « mourir » au pied du palais.
Dans la margelle des bassins, dans l’axe des jets d’eau, sont intégrées des petites rampes à LED. Elles créent une lumière diffuse au niveau du soubassement qui rattache l’édifice au parvis.
Éclairage rasant des colonnes
Pour l’éclairage du bâtiment lui-même, « rien n’a été percé » déclare Jérôme Donna. « Les projecteurs sont ceinturés sur les colonnes. Leur éclairage se fait sur trois faces visibles pour les visions latérales du palais. Ainsi, en période de fête, on peut éventuellement donner l’impression de faire tourner les colonnes avec une séquence de lumière ».
Mixage additif rouge, vert, bleu et blanc
Des rampes LED, mono pitch, c’est-à-dire qui combinent les quatre couleurs – rouge, vert, bleu et blanc – dans une même optique, ont été choisies. Cet éclairage en quadrichromie est une première pour la ville de Lyon. Les rampes Arcaline de chez Ayrton, distribué en France par Axente, ont été choisies par l’éclairagiste.
« RGBW pour faire un beau blanc neutre, calibré en température de couleur et en IRC, que l’on peut réchauffer selon le moment de la nuit » explique Jérôme Donna. Les rampes sont pilotables en DMX en fibre optique, à distance depuis la DEP, par un automate programmable Light CS Box.
Éclairage rasant du fronton
L’éclairage du fronton du péristyle prolonge le geste de lumière rasante sur les colonnes. Le même luminaire que sur les colonnes est utilisé. Tous les câbles sont cachés sur l’architecture.
Éclairage en contre-plongée de la galerie
Derrière les colonnes, la galerie du péristyle accueille une lumière en contre-plongée. Elle arrose littéralement le mur du fond du péristyle. Des projecteurs IceColor de chez Ayrton sont intégrés dans un caisson derrière une colonne sur deux.
Après définition du projet d’éclairage du palais de justice en interne par la ville de Lyon, un appel d’offre pour la réalisation, l’installation et la fourniture du matériel d’éclairage a été lancé par la DEP. Il a été remporté par Citeos.
Temporalité de la mise en lumière
L’éclairage du palais de Justice évolue dans le temps de la nuit. C’est ce que l’on appelle la temporalité d’une mise en lumière. Ainsi, contrairement à l’impression courante de l’imaginaire citoyen, elle est loin d’être statique dans le temps de la nuit.
En semaine, trois tableaux différents s’enchainent :
- Tableau 1 : de la tombée de la nuit à 22h30, montre l’ampleur du bâtiment. Tous les circuits sont éclairés avec des puissances et des teintes de blanc neutre.
- Tableau 2 : de 22h30 à 23h30, après une bascule d’effet sur 30 secondes, seules les colonnes sont éclairées. La galerie du péristyle reste dans l’ombre.
- Tableau 3 : de 23h30 à minuit, nouvelle bascule, puis seules les 24 colonnes ressortent par un effet de contre-jour. Le mur du péristyle demeure éclairé pendant 30 minutes. Enfin, le bâtiment s’endort dans l’obscurité de la nuit.
Le week-end, un tableau 1bis est ajouté entre 22h30 et 23h30. Les tableaux 2 et 3 se décalent à 23h30 et 00h30, avec une légère variation chromatique en blanc chaud et froid sur le fond du péristyle et les colonnes.
Régimes d’éclairage événementiels ou festifs
Pour les événements de la ville de Lyon, une vingtaine de tableaux chromatiques ont été composés :
- en rose, pour la journée du Cancer du sein en septembre,
- en rouge, pour la venue du premier ministre chinois,
- en vert, pour la Saint-Patrick,
- en bleu, blanc, rouge, pour le 14 juillet.
Lors de l’hommage aux victimes du 13 novembre 2015, après la demande à la DEP du député-maire de Lyon Gérard Collomb, Jérôme Donna a adapté et simplifié la scène prévue traditionnellement pour la fête nationale en France.
Pilotage et programmation à distance
Le pilotage et la programmation se font à distance, sur un logiciel depuis les bureaux de la DEP. Plus besoin d’aller sur place pour composer un nouvel éclairage. Grâce à un câble de fibre optique, la connexion avec l’automate programmable rend le travail plus agréable et créatif au chaud. Ainsi, la ville de Lyon confirme sa position de smart city connectée en éclairage public.
Jérôme Donna explique « le but de ces temporalités est de faire évoluer le paysage nocturne pour que les gens aient une lecture différente selon le moment de la nuit ». Outre l’aspect esthétique, ces temporalités ont un avantage inattendu : « elles contribuent aux économies d’énergie de la ville de Lyon ».
Équipes des projets en parallèle
Le palais de Justice de Lyon a été entièrement rénové dernièrement par le Ministère de la Justice. La maitrise d’œuvre était confiée à :
- Architecte : Metropolis Architectes & associés, Denis Eyraud,
- Architecte en chef des monuments historiques : Didier Repellin.
Parallèlement, le réaménagement des Rives de Saône par le Grand Lyon a conduit à recréer un immense parvis. Depuis la passerelle du palais de Justice, il laisse la vue libre sur le monument. Équipe de maîtrise d’œuvre :
- Paysagiste : Dumetier Design, Bruno Dumetier,
- Architecte : Alep Architectes, Charlotte Vergely,
- Concepteur lumière : LEA, Laurent Fachard,
- BET VRD : ICC
Approfondir le sujet
- Théâtre Graslin, mise en lumière du patrimoine de Nantes
- Carré d’Art de Nîmes de Foster + Partners
- Plan lumière à Lyon : histoire de l’éclairage urbain
Photo en tête de l’article : palais de Justice, Lyon, France – Mise en lumière, Ville de Lyon, DEP, Jérôme Donna © M. Djaoui
Lieu
- Palais de Justice
- Lyon, France
Beau reportage !
@Aubin Merci pour les compliments à partager.